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30/05/2024: Élections du 9 juin 2024 en Belgique : lettre de protestation


Cette lettre a été envoyée à la présidente du bureau principal du canton électoral concerné. Le jour de l’élection, une copie en sera remise au président du bureau de vote concerné. Si, comme son auteur, vous estimez qu’il y a matière à protester contre le caractère non démocratique du processus électoral du fait de l’automatisation des procédures qui rend l’élection incontrôlable par les citoyens-électeurs et du fait que l’élection est validée par les élus eux-mêmes, nous vous suggérons une démarche analogue.

Michel Staszewski
Adresse

Auderghem, le 29 mai 2024

Madame Véronique Gebbink
Juge de Paix
Présidente du Bureau principal
du Canton électoral d’Ixelles
Chaussée d’Ixelles, 168
1050 Bruxelles

Copie au Président du bureau de vote n° 56
de la commune d’Auderghem

Concerne : Élections régionales, fédérales et européennes du 9 juin 2024 / Protestation

Madame la Présidente,

Je viens de recevoir ma convocation électorale. Pour la treizième fois consécutive, je suis mis dans l’obligation d’exercer mon devoir d’électeur au moyen d’un système de vote automatisé.

Le « bug » des élections de 2014 avait pourtant mis une nouvelle fois en évidence la faillibilité de cette automatisation, à tel point que les Autorités ont dû avouer que 2.250 votes n’avaient pu être pris en compte (nombre qui n’a pu être vérifié par aucun témoin des listes de candidats). Ce spectaculaire dysfonctionnement a entraîné - enfin !- la décision d’abandonner partout en Belgique le système de vote électronique sans trace papier. Mais, alors que la très grande majorité des États de l’Union européenne ont renoncé à l’automatisation des opérations électorales et qu’en Wallonie francophone on votera à nouveau « papier » partout, tous les électeurs bruxellois et des communes germanophones ainsi qu’une grande partie des électeurs de Flandre seront à nouveau soumis à un système de vote électronique avec « ticket ».

Ce coûteux système n’offre pourtant pas la transparence qui s’impose dans une démocratie digne de ce nom. Car si l’électeur est en mesure de lire le texte imprimé sur le ticket que lui fournira la machine à voter, c’est le QR code, présent sur le même ticket mais illisible pour lui, qui sera « lu » par l’« urne-ordinateur » comptabilisant les votes. De plus, la loi qui régit le vote électronique ne prévoit aucun comptage des tickets. Dans ces circonstances, l’ajout de « tickets » au système de vote électronique n’est qu’un leurre pour mettre les électeurs « en confiance », sans pourtant leur donner la moindre possibilité de contrôler réellement les opérations électorales. Contrairement à ce qui se passe pour le scrutin « papier », la loi encadrant ce système ne donne aucun moyen aux témoins des partis présentant des candidats de vérifier que les résultats des élections correspondent bien à la volonté exprimée des électeurs.
Je souhaite vivement qu’on en revienne partout au vote papier car, contrairement aux systèmes automatisés, il est régi par un imposant code électoral qui organise le contrôle effectif par des citoyens « lambda » de l’ensemble des opérations électorales, de la constitution des listes de candidats à la totalisation des votes, autrement dit la transparence des scrutins, condition fondamentale d’une élection digne d’une démocratie. Avec ce système :
- chaque électeur est en mesure de vérifier que son bulletin de vote contient uniquement l’expression de son vote ;
- le président et les assesseurs du bureau de vote (désignés par le juge de paix) ainsi que les témoins de liste sont en mesure de vérifier que chaque électeur ne vote qu’une fois par élection ;
- au moment de la clôture des votes, les urnes sont scellées en présence du président et des assesseurs du bureau de vote ainsi que des témoins de liste ;
- elles sont transportées, sous scellées, vers le bureau de dépouillement ;
- elles sont descellées par le président et les assesseurs du bureau de dépouillement, en présence de témoins de liste ;
- le comptage et la totalisation s’effectuent par et sous la responsabilité des président et assesseurs du bureau de dépouillement, en présence de témoins de liste.
- les témoins de liste ont la possibilité de surveiller la totalisation correcte des résultats en collationnant les résultats partiels obtenus dans chaque bureau de dépouillement.
Par ailleurs, la Belgique toute entière continuera à se déshonorer en continuant à appliquer un système de validation des résultats des élections et de vérification des pouvoirs des élus par les élus eux-mêmes, sans aucun contrôle du pouvoir judiciaire. Ce système, qui ne persiste dans l’Union européenne que dans trois États (l’Italie, le Luxembourg et la Belgique), a été condamné par la Cour européenne des Droits de l’Homme de Strasbourg en juillet 2020.
Pour ces raisons, plus que jamais soucieux de la pérennité de notre démocratie représentative, dont les élections constituent, à mes yeux, la pierre angulaire, je tiens encore cette fois à protester avec force contre le vote électronique tel qu’il est pratiqué en Belgique. Le jour des élections, je me rendrai dans le bureau électoral où je suis censé remplir mon devoir d’électeur. Après avoir constaté qu’on m’oblige une fois de plus à voter par un moyen non démocratique puisque incontrôlable par les citoyens-électeurs, je manifesterai mon indignation en remettant copie de la présente lettre auprès du président du bureau de vote, en le priant de l’annexer au procès-verbal des opérations électorales qu’il a la charge de rédiger. Je marquerai, de cette manière, mon attachement à notre démocratie représentative et mon opposition à une procédure électorale qui banalise le moment du choix de nos représentants politiques en déresponsabilisant les citoyens.
Je me réserve en outre le droit de rendre publique cette démarche à caractère protestataire.

Je vous prie de croire, Madame la Présidente, à l’expression de mes meilleurs sentiments.

Michel Staszewski