31/05/2024: Des procédures électorales indignes d’une démocratie
Communiqué de presse du 31 mai 2024
Parmi les 27 États membres de l’Union européenne, seuls 5 utilisent encore des systèmes de vote automatisés. Tous les autres y ont renoncé. La Belgique est le seul d’entre eux à l’imposer à la majorité des électeurs.
Ce 9 juin, tous les électeurs de la Région bruxelloise, ceux de 159 des 300 communes flamandes et des 9 communes germanophones seront à nouveaux contraints de voter électroniquement. Le coûteux système de vote avec tickets, généralisé depuis les élections communales d’octobre 2018, n’offre pourtant pas la transparence qui s’impose dans une démocratie digne de ce nom. Car si les électeurs sont en mesure de lire le texte imprimé sur le ticket que leur fournit la machine à voter, c’est le code QR, présent sur le même ticket mais illisible pour lui, qui est « lu » par l’« urne électronique » comptabilisant les votes. De plus, la loi « organisant le vote électronique avec preuve papier » du 07/02/2014, dans sa version « consolidée » du 14/04/2023, ne prévoit aucun comptage de ces tickets. Ainsi, l’ajout de ces tickets au système de vote électronique n’est qu’un leurre pour mettre les électeurs en confiance, sans pourtant leur donner la moindre possibilité de contrôler réellement les opérations électorales. Contrairement à ce qui se passe pour le scrutin « papier », la loi encadrant ce système ne donne aucun moyen aux témoins des listes de candidats de vérifier les résultats des élections. Car une fois les votes terminés, les « supports de mémoire » (des clés USB) sur lesquels ont en principe été enregistrés tous les votes sont retirés de l’« urne-ordinateur » et placés dans une enveloppe scellée qui sera transmise par le président du bureau de vote au président du bureau principal du canton électoral. La totalisation des votes se fera de manière électronique.
Un acharnement incompréhensible
L’obstination des autorités fédérales ainsi que flamandes, bruxelloises et germanophones dans la voie de l’automatisation des opérations électorales est difficilement compréhensible. Aucun des arguments invoqués à l’origine (en 1991) pour justifier la décision de remplacer le vote « papier » par le vote « électronique » n’a tenu la route :
• l’automatisation ne coûte pas moins cher que le système « papier », bien au contraire ;
• les résultats ne sont communiqués (un peu) plus rapidement que quand il n’y a pas d’incident… mais des problèmes entraînant des retards dans la communication des résultats se sont posés lors de CHAQUE élection où des systèmes électroniques ont été utilisés ;
• ces nombreux problèmes ont largement démontré la non-fiabilité de ces systèmes automatisés.
Le seul « argument » qui n’a pas été complètement infirmé par les faits est que l’automatisation a permis de réduire le nombre des assesseurs nécessaires pour assurer l’organisation et le contrôle des opérations électorales. C’est en effet le cas puisqu’en l’absence de dépouillement des votes, on n’a évidemment plus besoin d’assesseurs pour l’effectuer. Mais est-ce vraiment un avantage ?
Une démocratie représentative n’a-t-elle pas intérêt au contraire, dans un souci de pédagogie citoyenne, à faire des jours d’élections des moments de grande mobilisation populaire, de célébration active de ce moment rare où s’exerce la souveraineté populaire ? Et, surtout, est-ce un bien pour la démocratie que la comptabilisation des votes émis par les citoyens-électeurs ne soit plus effectuée sous leur contrôle ?
Alors à qui profite cette coûteuse obstination technocratique ?
Validation du résultat des élections par les élus eux-mêmes
Parmi les quarante-six États membres du Conseil de l’Europe, seuls trois d’entre eux - l’Italie, le Luxembourg et la Belgique - persistent à ce jour à maintenir la validation du résultat des élections par les élus eux-mêmes, sans recours possible. Ils sont donc « juges et parties ».
En vertu de l’article 48 de la Constitution, inchangé depuis 1831, et dont l’application a, depuis, été étendue aux entités fédérées, ces parlements ont, seuls, le pouvoir de contester le résultat d’une élection et d’ordonner éventuellement que celle-ci soit refaite [1]. On ne s’étonnera pas que cela ne soit jamais arrivé :
pourquoi les élus remettraient-ils en question leur propre élection ? C’est ainsi, par exemple, qu’ils ne se sont pas gênés pour valider le résultat des élections du 25 mai 2014 malgré le fait que, selon le Collège des experts, 2.250 votes n’avaient pas été pris en compte. C’est un élément de plus qui porte atteinte au
caractère démocratique de l’organisation des élections.
Les élections du 9 juin seront donc à nouveau entachées non seulement par le maintien, dans une grande partie du pays, de l’utilisation de systèmes de votes automatisés non contrôlables par les électeurs, mais également par la persistance, dans tout le pays, de la validation du résultat des élections par les élus eux-
mêmes.
Cela n’est pas digne d’une démocratie.
Pour plus de développements concernant les questions évoquées dans le présent communiqué, lire sur notre site l’article Élections du 9 juin 2024 en Belgique : des procédures électorales incontrôlables.
[1] Suite à la condamnation de cette procédure par la Cour européenne des droits de l’homme en juillet 2020, cet article 48 vient enfin d’être déclaré révisable par le parlement sortant, mais il ne pourra éventuellement être modifié que par le nouveau parlement.