26/09/2024: Élections communales et provinciales du 13 octobre 2024 : Lettre de protestation
Un électeur écrit au président du bureau électoral principal de sa commune.
Michel Staszewski Auderghem, le 26 septembre 2024
Avenue Guillaume Keyen, 9
1160 Bruxelles
Monsieur Nicolas Lhoest
Juge de Paix
Président du Bureau électoral principal
de la Commune d’Auderghem
Rue de l’étang, 4, 1040 Bruxelles
Copie au Président du bureau de vote n° 4 de la commune d’Auderghem
Concerne : Élections communales du 13 octobre 2024 / Protestation
Monsieur le Président,
Je viens de recevoir ma convocation électorale. Pour la quatorzième fois consécutive, je suis mis dans l’obligation d’exercer mon devoir d’électeur au moyen d’un système de vote automatisé.
Le « bug » des élections de 2014 avait pourtant mis une nouvelle fois en évidence la faillibilité de cette automatisation, à tel point que les Autorités ont dû avouer que 2.250 votes n’avaient pu être pris en compte (nombre qui n’a pu être vérifié par aucun témoin des listes de candidats). Ce spectaculaire dysfonctionnement a entraîné - enfin ! - la décision d’abandonner partout en Belgique le système de vote électronique sans trace papier. Mais, alors que la très grande majorité des États de l’Union européenne ont renoncé à l’automatisation des opérations électorales et qu’en Wallonie francophone, depuis les élections communales d’octobre 2018, on vote à nouveau « papier » partout, tous les électeurs bruxellois et des communes germanophones ainsi qu’une grande partie des électeurs de Flandre ont continué à être soumis à un système de vote électronique, cette fois avec « ticket ».
Récemment encore, lors des élections fédérales, régionales et européennes du 9 juin 2024, comme lors de TOUTES les élections précédentes au cours desquelles le vote électronique a été utilisé, il a failli. Le Collège d’experts chargé du contrôle des systèmes électroniques de vote, de dépouillement et de collecte des résultats a en effet à nouveau constaté de nombreux dysfonctionnement de ces systèmes [1]. Pour le plus sérieux d’entre eux - le problème des nombreux électeurs n’ayant pas reçu la bonne carte à puce leur permettant de voter - ce Collège a conclu qu’il ne pouvait être exclu qu’il ait eu un impact sur la répartition finale des sièges pour une ou plusieurs élections. La conséquence logique aurait dû être de recommencer ces élections dans tous les cantons électoraux potentiellement concernés (ceux où on a voté électroniquement). Ce qui, une fois de plus, n’a pas été fait.
De plus, et c’est le plus grave de mon point de vue, ce coûteux système n’offre pas la transparence qui s’impose dans une démocratie digne de ce nom. Car si l’électeur est en mesure de lire le texte imprimé sur le ticket que lui fournira la machine à voter, c’est le code QR, présent sur le même ticket mais illisible pour lui, qui sera « lu » par l’« urne-ordinateur » comptabilisant les votes. Et la totalisation de ceux-ci sera entièrement automatisée.
En Flandre, la loi ne prévoit aucun comptage des tickets. Le nouveau code électoral bruxellois stipule que le président du bureau principal aura l’obligation de procéder à un recomptage manuel des résultats électoraux pour au moins un bureau de vote par commune. Mais il ne prévoit aucune participation de citoyens-électeurs autres que le président du bureau principal à cette opération. Et il ne dit pas ce qu’il y aura lieu de faire en cas de différence de résultat avec le comptage électronique. De qui se moque-t-on ?
Dans ces circonstances, l’ajout de « tickets » au système de vote électronique n’est qu’un leurre pour mettre les électeurs « en confiance », sans pourtant leur donner la moindre possibilité de contrôler réellement les opérations électorales. Contrairement à ce qui se passe pour le scrutin « papier », la loi encadrant ce système ne donne aucun moyen aux présidents et assesseurs chargés des opérations électorales, ainsi qu’aux témoins des partis présentant des candidats, de contrôler l’ensemble des opérations électorales et tout particulièrement la comptabilisation des votes. Ce manque de transparence est inadmissible en démocratie.
Je souhaite vivement qu’on en revienne partout au vote papier car, contrairement aux systèmes automatisés, il est régi par un imposant code électoral qui organise le contrôle effectif par des citoyens « lambda » de l’ensemble des opérations électorales, de la constitution des listes de candidats à la totalisation des votes, autrement dit la transparence des scrutins, condition fondamentale d’une élection digne d’une démocratie. Avec ce système :
chaque électeur est en mesure de vérifier que son bulletin de vote contient uniquement l’expression de son vote ;
le président et les assesseurs du bureau de vote (désignés par le juge de paix) ainsi que les témoins de liste sont en mesure de vérifier que chaque électeur ne vote qu’une fois par élection ;
au moment de la clôture des votes, les urnes sont scellées en présence du président et des assesseurs du bureau de vote ainsi que des témoins de liste ;
elles sont transportées, sous scellées, vers le bureau de dépouillement ;
elles sont descellées par le président et les assesseurs du bureau de dépouillement, en présence de témoins de liste ;
le comptage et la totalisation s’effectuent par et sous la responsabilité des président et assesseurs du bureau de dépouillement, en présence de témoins de liste.
les témoins de liste ont la possibilité de surveiller la totalisation correcte des résultats en collationnant les résultats partiels obtenus dans chaque bureau de dépouillement.
Pour ces raisons, plus que jamais soucieux de la pérennité de notre démocratie représentative, dont les élections constituent, à mes yeux, la pierre angulaire, je tiens encore cette fois à protester avec force contre le vote électronique tel qu’il est pratiqué en Belgique. Le jour des élections, je me rendrai dans le bureau électoral où je suis censé remplir mon devoir d’électeur. Après avoir constaté qu’on m’oblige une fois de plus à voter par un moyen non démocratique puisque incontrôlable par les citoyens-électeurs, je manifesterai mon indignation en remettant copie de la présente lettre auprès du président du bureau de vote, en le priant de l’annexer au procès-verbal des opérations électorales qu’il a la charge de rédiger. Je marquerai, de cette manière, mon attachement à notre démocratie représentative et mon opposition à une procédure électorale qui banalise le moment du choix de nos représentants politiques en déresponsabilisant les citoyens.
Je me réserve en outre le droit de rendre publique cette démarche à caractère protestataire.
Je vous prie de croire, Monsieur le Président, à l’expression de mes meilleurs sentiments.
Michel Staszewski