05/04/2025: Analyse critique du rapport du Collège d’experts chargés du contrôle des systèmes de vote électronique pour les élections communales du 13 octobre 2024 dans la Région de Bruxelles-capitale
N.B. : Les numéros indiqués sont ceux du rapport du collège d’experts.
Ce rapport est daté du 28-10-2024. Il est rédigé pour parties en français, pour parties en néerlandais ; les auteurs affirment qu’ils n’ont pas eu le temps de le traduire. C’est une première alors que le délai de remise du rapport a été porté de 10 à 15 jours. Cela n’a certainement pas favorisé la prise de connaissance du contenu de ce rapport avant de valider les élections par les nombreux parlementaires qui ne sont pas parfaitement bilingues.
Le Collège, désigné par le Parlement bruxellois est composé de 2 membres permanents ; pour les élections du 13/10/24, il a comporté 2 membres effectifs , 4 membres suppléants + le président (un des deux membres permanents). Les membres effectifs de ce collège sont donc au nombre de 4.
Sa mission : dès leur désignation, le 16 septembre 2024 et jusqu’à 15 jours après les élections (date extrême pour remettre leur rapport), les experts ont en charge le contrôle du bon fonctionnement de tous les « systèmes logiciels et processus électroniques relatifs à la collecte des données des candidats et opérateurs électoraux, à la préparation des supports électroniques, à la totalisation, à la dévolution et à la diffusion des résultats, aux procédures concernant la confection, la distribution et l’utilisation du matériel, des logiciels et des supports de mémoire. »
Durant la journée électorale, les experts émettent des votes de tests dans des bureaux de vote sans qu’ils soient scannés et comptabilisés. Ils peuvent, comme théoriquement tous les électeurs, à l’aide du scanner mis à disposition du public ou à l’aide d’un autre scanner, vérifier la concordance entre ce qui est imprimé sur le ticket en papier et sur l’écran de l’ordinateur de vote.
2.1.1.1 Nouveauté : une liste électorale électronique et centralisée (système ADELE) a été créée qui permet de supprimer les listes papier d’enregistrement des électeurs et les procès-verbaux en papier (voir plus loin).
2.1.1.2 Les candidatures sont déposées entièrement par voie électronique.
Les codes sources des logiciels électoraux ne sont plus publiés dès qu’ils seront connus mais dans un délai de dix jours suivant le jour fixé pour les élections « en vue d’une plus grande sécurité informatique » et « sans mentionner aucun élément qui pourrait compromettre la sécurité des logiciels et des services offerts » : une fois encore, le législateur a montré son incompétence en confondant obscurité et sécurité. Tous les professionnels de l’informatique savent que, afin de maximiser la sécurité d’un logiciel, il est nettement préférable de l’exposer au monde entier. C’est d’ailleurs une exigence des autorités qui savent ce qu’elles font. Rappelons par exemple que lors de l’adoption des nouveaux algorithmes de sécurisation des autorités civiles et militaires états-uniennes, il avait été exigé que lesdits algorithmes soient rendus publics avant leur soumission pour évaluation. Ce sont de brillants chercheurs belges qui ont mis au point l’algorithme de chiffrement AES adopté par les autorités états-uniennes. Leur travail avait été exposé publiquement à tous les cryptographes de la planète qui en ont unanimement reconnu l’excellence.
On constate encore la mention de supposés « éléments de sécurité » à l’occasion de la publication des logiciels. Il est évident depuis le siècle dernier qu’aucun logiciel ne doit jamais contenir aucun élément de sécurité ; ceux-ci relèvent de clés et certificats qui doivent toujours être externes aux logiciels. Les logiciels doivent être publiés tels quels. Les clés et certificats privés ne doivent évidemment jamais être divulgués.
Il n’y a plus de votes tests pour les membres du bureau ; Ils votent en premier et scannent chacun leur « bulletin » à l’aide du scanner portable.
3.1 Utilisation des systèmes Smartmatic et MARTINE (les mêmes que ceux utilisés lors des élections de 2018, 2019 et 2024)
Smartmatic concerne les systèmes installés dans les bureaux de vote et la préparation des supports mémoire utilisés dans les bureaux de vote ; MARTINE (développé par la société CIVADIS) gère les systèmes de récolte et de gestion des informations en amont des bureaux de vote et, en aval, le regroupement, la totalisation et la production des résultats et procès-verbaux des élections dans les bureaux principaux.
3.2 Nouveauté : le système ADELE développé par la société CIVADIS
Il sert à vérifier l’identité des électeurs et leur droit de voter. Connecté à Internet (via un routeur 4G) ce qui pourrait permettre de suivre en temps réel la situation en matière de vote et prétendument voir qui a déjà voté et ne peut donc plus voter.
À la lecture du rapport du Collège, on constate que cette nouvelle disposition, pratiquement inutile (voir plus loin), a été la source de nouveaux problèmes, heureusement sans gravité puisqu’ils n’ont fait que ralentir le processus électoral.
Alors que jusqu’ici les promoteurs du vote électronique en vantaient naïvement la sûreté vu l’absence (toute relative) de connexion à l’Internet des machines utilisées dans le processus électoral, on nous annonce benoitement que les PC sont reliés au système central par une liaison sans fil (4G), donc ouverte à n’importe quel hackeur doué.
De plus, on apprend au point 3.2.5 que cette liaison sans fil n’est pas assurée ; le système peut donc fonctionner sans liaison avec le système central et on comprend d’autant mieux que les ratés dans son utilisation ont été sans conséquences puisque cette nouvelle possibilité ne sert à rien, sauf à fournir du business à la société CIVADIS.
On ne sait par ailleurs pas quel logiciel de base tourne sur ces fameux PC : Windows (et son total manque de sécurité) ? Linux ? Lequel ? Autre ? Sécurisé ? Comment ?
3.2.3 Avant le jour du scrutin, c’est le personnel communal qui utilise le système ADELE pour gérer les listes électorales et la liste des membres des bureaux de vote.
3.2.4 Pendant la journée électorale, les membres des bureaux de vote utilisent le système ADELE pour vérifier l’identité de chaque électeur et que chaque personne qui se présente pour voter est bien inscrite sur la liste électorale. Ce système sert aussi à gérer les procurations ainsi qu’un « journal de bord » dans lequel sont indiqués les incidents survenus au cours de la journée électorale.
Ce coûteux nouveau système ne sert donc qu’à remplacer les listes d’émargement qui permettaient de vérifier la même chose mais en perdant maintenant la possibilité de comparer l’émargement via deux listes imprimées. C’est notamment cette absence de contrôle qui a permis que le nouveau système produise des résultats faux dans presque tous les bureaux de vote. On a minimisé ces erreurs systématiques en constatant que ça n’était pas bien grave que le nombre d’électeurs enregistrés ne corresponde pas au nombre d’électeurs ayant voté. On décide donc par-là que l’émargement n’est pas utile et que, par conséquent, la présence de ces ordinateurs ADELE dans les bureaux de vote ne sert strictement à rien. Il serait plus judicieux de rétablir les doubles listes en papier qui donnaient toute satisfaction jusqu’à ce dernier scrutin.
3.2.5 Les membres du bureau principal utilisent le système ADELE pour visualiser tous les bureaux de vote et les données que les membres de ceux-ci ont encodé dans ADELE. Ce n’est que si la connexion 4G est défectueuse que seront utilisées les clés USB contenant les résultats des votes envoyées par les présidents de chaque bureau de vote dans une enveloppe scellée au bureau principal. Cette visualisation ne sert donc à rien puisque les contrôles ont montré tous les défauts d’émargement dans ADELE et que personne ne s’en est ému. Les ordinateurs ADELE sont donc aussi inutiles dans les bureaux principaux que dans les bureaux de vote.
4 Contrôles et constatations
4.1 Avant le jour des élections
4.1.3.1 Constatations de l’ENISA (Agence de l’Union européenne pour la cybersécurité)
La plateforme gérée par CIVADIS présente un niveau de sécurité « intermédiaire », inférieur au niveau de sécurité acceptable. CIVADIS est invitée par le Collège :
à améliorer sa documentation et à la maintenir à jour ;
à mieux établir les rôles et responsabilités en matière de sécurité y compris pour les fournisseurs tiers, à renforcer sa capacité à protéger son environnement informatique contre les risques potentiels posés par les produits et services de tiers…
L’ENISA estime qu’il n’y a « pas de menace immédiate ou grave concernant les système ADELE et MARTINE ».
Le collège déplore le manque de documentation et de préparation de la réponse aux incidents. Lors des tests de trop nombreux scores sont en-dessous de la moyenne.
4.1.3.2 Le Centre pour la cybersécurité Belgique (CCB) a relevé plusieurs points d’attention… qui ne sont pas décrits dans le rapport. « Le Collège d’experts n’a pu prendre connaissance que d’une partie des points d’attention identifiés »… qui ne sont pas identifiés dans le rapport.
4.1.3.3 PwC : Comme pour le rapport du CCB, on constate un total manque de professionnalisme de PwC (société chargée de donner un avis sur la conformité à la loi électorale et la fiabilité des systèmes informatisés et des procédures les concernant utilisés dans le cadre de ces élections) vu la légèreté de ses « recommandations ». Le jargon « point d’attention » ne dit rien de la gravité des observations. On note aussi ici que CIVADIS n’a pas conduit de nouveaux tests au prétexte que « le logiciel n’a pas changé de manière significative ». On se rappelle pourtant que c’était la modification d’une seule ligne de code qui avait provoqué la catastrophe de 2014 (cf. Bug informatique, failles démocratiques).
4.1.5 Test du système de vote : le rapport ne précise pas combien de machines ont été testées. Déclaration du Collège : « Tous ces tests se sont avérés concluants ».
4.2 Constatations le jour des élections
Contrôles à l’ouverture des bureaux effectués dans 4 bureaux de la Ville de Bruxelles, dans 1 bureau à Ganshoren, dans un bureau à Saint-Gilles, dans aucun bureau dans les 16 autres communes.
Interview du président + votes de test : dans toutes les communes (dans 1 à 6 bureaux par commune)
Interview du président : dans 9 bureaux de 5 communes
Contrôle de la clôture des bureaux : dans 4 bureaux de trois communes
4.2.2 Incidents dans les bureaux de vote
Types d’incidents « récurrents » (cf. élections de 2018, 2019, 2024) cités mais non quantifiés ni situés géographiquement :
Clés USB non fonctionnelles
Redémarrage après coupure de courant
Panne de machine de vote
Bulletin de vote oublié dans l’isoloir
Volet protégeant les ports USB non scellés
Urne non scellée
Cartes à puce défectueuses
Absence de lecteur QR-code opérationnel.
4.2.2.2 Les opérations électorales sont rendues plus complexes pour les équipes responsables des bureaux de vote du fait qu’il faut désormais gérer deux systèmes informatisés.
4.2.2.3 Dans plusieurs bureaux de vote, les « feuilles de routes » prévues par le code électoral n’ont pas été utilisées. Certaines communes ont utilisé des documents différents, rédigés par leur administration. Pour le Collège, cela entraîne un risque pour le bon déroulement des élections (non-respect des procédures légales). Sur les feuilles de route, il manquait les instructions concernant les électeurs excusés, « ce qui a entraîné de grandes difficultés pour vérifier si le nombre de bulletins émis et totalisés correspondait bien au nombre d’électeurs admis à voter. »
4.2.2.4 « Maladies de jeunesse » pour le système ADELE :
Il n’était pas clair qu’une seule clé (et laquelle) devait être insérée dans l’ordinateur
Problème pour lire des pièces d’identité contenant des « 00 » dans la date de naissance du numéro national, cas courant mais pas testé par le fournisseur CIVADIS.
Difficulté pour indiquer qu’un vote est exprimé par procuration
Problèmes de clavier
Problèmes de saisie du premier mot de passe (majuscules/minuscules non visibles)
Ces « maladies de jeunesse » indiquent surtout que ce nouveau logiciel comportait des erreurs et qu’il n’a pas été testé de façon sérieuse.
4.2.3 Contrôles dans les bureaux principaux de 5 communes (Anderlecht, Koekelberg, Ixelles, Saint-Gilles, Woluwe-Saint-Pierre)
4.2.3.1 Constats très fréquents : le nombre d’électeurs dans ADELE ne correspond pas au nombre de vote enregistrés dans Smartmatic. Explications données par les présidents des bureaux de vote :
oubli de pointer dans ADELE les membres du bureau électoral ;
ont été pointé comme électeurs présents des électeurs absents pour lesquels, par exemple, un certificat médical avait été présenté.
Conséquences : les vérifications consécutives à ces écarts ont retardé, parfois de manière considérable, les opérations dans les bureaux principaux. Dans d’autres bureaux principaux, ces écarts ont été ignorés.
4.2.3.2 Incidents dans les bureaux principaux : le 13/10, vers 18h, dans plusieurs bureaux principaux, il était impossible de consulter ADELE en ligne. Explication donnée au Collège d’experts par les organisateurs de l’élection : le serveur était surchargé par des requêtes trop nombreuses. Il a fallu redémarrer le serveur ADELE.
4.2.3.3 : L’obligation de procéder à un recomptage manuel des tickets dans au moins un bureau de vote par commune n’a pas été respectée partout (le rapport ne précise pas où).
4.3 Contrôles effectués après le jour des élections
4.3.1 : Comparaison du nombre d’électeurs pointés dans ADELE et du nombre de votes totalisés par MARTINE
4.3.1.2 : Constat : « le Collège a dénombré un nombre très important de discordances entre le nombre d’électeurs pointés dans ADELE et le nombre de bulletins de vote totalisés par MARTINE ». D’après le Collège, les principales raisons de ces écarts sont :
encodage comme électeur des absents pour lesquels un certificat médical était fourni ;
oubli d’encodage en tant qu’électeurs des membres du bureau de vote ;
oubli d’encodage des électeurs pendant une partie de la journée ;
oubli d’encodage des électeurs provenant d’autres bureaux de vote ;
erreurs ou oubli d’encodage de procurations.
4.3.1.3 Votes non pris en compte :
A Molenbeek : Sur l’ensemble des bureaux vérifiés, près de 180 votes n’auraient pas été comptabilisés. Pas d’explication satisfaisante. Le collège estime que les nouveaux résultats des deux bureaux où on a compté manuellement les bulletins doivent être intégrés aux résultats des élections mais que ces écarts par rapport à la totalisation automatique ne permettraient pas un basculement de siège.
A Bruxelles (bureau 47) : 140 bulletins de vote n’ont pas été comptabilisés suite à un problème technique qui a obligé ce bureau à redémarrer avec un nouveau jeu de clés USB. Mais on n’a pas effectué de recomptage au bureau principal. Un recomptage a été effectué par le Collège d’experts qui a fait apparaître 880 bulletins de vote dans l’urne alors que seulement 744 avaient été totalisés le soir des élections. Ce nouveau total fait apparaître le basculement d’un siège aux dépends du MR et en faveur d’ECOLO-GROEN. D’où la recommandation du Collège : « procéder à un recomptage intégral des urnes de la commune de Bruxelles et que ce nouveau résultat soit considéré comme le résultat officiel des élections du conseil communal de Bruxelles. » (4.3.1.6.2) Remarque : le mot « recomptage » n’est pas le bon car il s’agit d’un premier comptage des bulletins « papier »
4.3.1.7
Dans 16 communes, le nombre de votes potentiellement non enregistré est insuffisant pour permettre un basculement de siège.
Par contre, dans les communes de Schaerbeek et de Woluwe-Saint-Lambert, la différence entre le nombre d’électeurs pointés dans ADELE et le nombre de bulletins enregistrés est, comme pour Bruxelles, supérieur au nombre de vote nécessaires pour faire basculer le dernier siège vers une autre liste. Mais après examen minutieux des raisons de ces écarts (principalement le fait d’avoir enregistré dans ADELE des électeurs excusés), constatant que le nombre de votes non pris en compte est finalement minime, le Collège ne recommande pas de recomptage complet pour ces deux communes.
4.3.2 Vérification des totalisations
Le nouveau code électoral communal bruxellois stipule qu’au plus tard le lendemain des élections chaque président de bureau principal remet à l’intention du Collège d’experts, dans les bureaux du Parlement, les supports de mémoire (clé USB) qui contiennent, outre l’encodage des votes, le procès-verbal complet de l’élection.
Le collège des experts fait remarquer que dans un document daté du 23/8/2024, envoyé à tous les présidents des bureaux de vote, le gouvernement régional, pouvoir organisateur des élections, a donné une instruction non conforme au code électoral bruxellois concernant la remise de ces clés USB puisque le destinataire de ces clés n’est plus le Collège des experts mais bien la cellule administrative du Collège juridictionnel et que, de plus, rien n’a été prévu par les autorités régionales pour que les clés USB soient mises sous enveloppes scellées comme prévu au code électoral.
Conséquence : des clés USB n’ont pas été retrouvées et donc pas fournies au Collège. Cela a concerné 8 bureaux de six communes différentes (4.3.2.1)
Pour effectuer ses vérifications, le Collège a pris copie de toutes les clés reçues et pour les clés que le Collège n’a pas reçues, il a utilisé la copie des versions électroniques des bulletins de vote qui sont téléchargées vers MARTINE le jour des élections depuis les bureaux principaux lors des lectures des clés (4.3.2.2).
Point 4.3.2.3 (Vérification des votes de test)
On constate ici que les experts disposent d’un moyen de contrôler la correspondance entre le contenu du code QR et le texte imprimé. Ceci n’est toujours pas possible pour les citoyens alors que RIEN ne justifie cette opacité. Une fois encore, des professionnels incompétents confondent obscurité et sécurité.
4.3.2.4 Vérification des clés USB : le Collège n’a constaté aucune anomalie On peut supposer que cette tâche facile a été correctement accomplie.
4.3.2.5 : Retotalisation complète des clés USB par commune.
Le Collège a constaté des différences entre les résultats publiés et ses propres résultats pour 3 bureaux de 3 communes différentes (Evere, Forest et Molenbeek). Pour le Collège, ces différences sont « marginales ».
Au total, le Collège n’a pas eu accès aux clés USB de 11 bureaux de vote situés dans 7 communes bruxelloises différentes. On constate donc que, là où on contrôle on trouve des différences, mais qu’en de nombreux endroits on n’a rien pu contrôler.
4.4 Diffusion du code source des logiciels Smartmatic
Le titre du point 4 est renversant puisqu’il ne fait référence qu’aux logiciels fournis par la société Smartmatic, tout en se référant à l’article 3 du « Nouveau code électoral bruxellois » et en le citant partiellement « De Regering maakt binnen tien dagen na de verkiezing de broncodes van de in § 1 bedoelde softwareprogramma’s bekend. » (Le Gouvernement publie les codes sources des logiciels visés au § 1 dans les dix jours suivant l’élection.)
Les logiciels concernés sont les suivants :
§ 1er. […] Les logiciels électoraux sont les programmes et procédures nécessaires :
1° au fonctionnement des systèmes informatiques relatifs à la collecte des données des électeurs, candidats et opérateurs électoraux, afin d’exécuter les opérations d’encodage électronique visées par le présent Code ;
2° à la préparation des supports électroniques servant à émettre les votes ;
3° au pointage électronique des électeurs si applicable ;
4° à la totalisation, à la dévolution et à la diffusion des résultats.
On voit clairement que, outre les logiciels de Smartmatic, les logiciels ADELE et MARTINE de CIVADIS doivent être publiés. Comment cela a-t-il échappé aux experts et aux préposés à cette publication qui n’ont pas respecté l’ordonnance du 20 juillet 2023 ? On nage en pleine illégalité.
5 Recommandations du Collège
Vu les écarts parfois importants constatés entre le pointage dans ADELE et les votes enregistrés dans Smartmatic, le Collège recommande de procéder à un recomptage intégral des urnes de la Ville de Bruxelles. Cela n’a pas été fait.
Pour les élections futures, le Collège recommande :
002 : que les PV des bureaux de vote et des bureaux principaux soient disponibles en ligne sur le site des élections dès leur signature « après suppression des informations relevant du RGPD [Règlement général sur la protection des données] » ;
003 : « que son rapport soit rendu public le plus vite possible et, en tout état de cause, avant l’expiration du délai pour l’introduction des recours auprès du Collège juridictionnel, délai qui devrait par ailleurs être prolongé ». Est-ce un aveu que la loi en la matière n’a pas été respectée et donc que les député·es n’ont pas reçu ce rapport à temps ?
004 : « que tout écart entre le nombre d’électeurs pointés et le nombre de votes enregistrés dans chaque bureau de vote soit systématiquement justifiés aux PV des bureaux de vote et principaux » : ce vœu pieux indique que les présidents des bureaux de vote devraient constater eux-mêmes qu’ils ont mal fait leur travail. On peut douter de la pertinence et de l’utilité de cette tâche supplémentaire.
Les recommandations 005, 006 et 007 sont des demandes de correction des erreurs de programmation et de conception qui n’auraient jamais dû exister si la société CIVADIS avait correctement fait son travail.
008 : le Collège recommande que le système ADELE soit utilisé dorénavant pour tous les types d’élections.
Cette recommandation des experts est stupéfiante. Après avoir décrit toutes les fautes de programmation et d’usage du nouveau logiciel, et avoir admis que toutes ces erreurs pouvaient être ignorées, on aurait attendu des « experts » qu’ils recommandent l’abandon pur et simple de ce logiciel défectueux, cher et inutile. Le retour à l’ancien émargement double sur listes en papier serait plus judicieux, moins cher, plus rapide et surtout plus correct.
009 : Le Collège déplore le non-respect par le pouvoir organisateur des dispositions du nouveau Code électoral bruxellois concernant la récupération par le Collège des experts et le Collège juridictionnel des supports de mémoire et du code source. Ce qui est pourtant indispensable pour que ces deux organismes puissent effectuer les contrôles dont ils sont chargés.
Les experts notent aussi que la publication du code-source est une pierre angulaire du contrôle par les citoyens. Ces experts omettent seulement de signaler que :
1. Le code-source de Smartmatic tel que publié jusqu’à aujourd’hui est totalement incontrôlable par la grande majorité des citoyens (qui ne sont pas informaticiens), et même par des citoyens particulièrement doués en informatique, puisque publié sans documentation ni instructions d’assemblage et de compilation. Ce n’est qu’un leurre.
2. La totalité des codes-sources des logiciels décrits au § 1er de l’article 3.1 n’est pas publiée, même mal.
Conclusions du Collège
Pour le Collège, le système ADELE est ok mais il a été souvent mal utilisé du fait du « manque d’implication de certains présidents de bureaux de vote » (« erreurs humaines ») .
Ce sont encore des « erreurs humaines » (non-respect des stipulations du Nouveau code électoral bruxellois) qui sont incriminées pour expliquer la non-mise à disposition du Collège de certaines clés USB (« supports de mémoire ») . Mais pour le Collège, « d’un point de vue technique, les systèmes informatisés ont correctement récolté et totalisé les voix pour l’ensemble des communes ». Cette conclusion ignore l’aspect systémique de l’usage de programmes informatiques ; elle ne nous paraît donc pas pertinente puisqu’elle minimise les conséquences humaines de l’introduction de nouvelles machines, de plus inutiles comme montré par ailleurs.
Les comparaisons entre le nombre des électeurs pointés dans le nouveau système ADELE et le nombre de « bulletins » totalisés par les systèmes Smartmatic et ADELE ont fait apparaître des écarts considérables de nature à exiger des recomptages. Pour la Ville de Bruxelles, le Collège recommande un recomptage intégral de tous les bureaux de vote en raison de l’impact que celui-ci pourrait avoir sur la répartition des sièges.
Ce « recomptage » n’a pas été effectué.
Conclusions finales de PourEVA
Une fois de plus, faute de moyens humains, les contrôles effectués tout au long de leur mission par les experts ont été très partiels.
Nous nous étonnons et regrettons que, contrairement à ce qui figurait dans les rapports d’élections précédentes, les nombreux types d’« incidents » mentionnés, ne sont ni quantifiés ni situés géographiquement.
L’obligation de procéder à un recomptage des tickets dans au moins un bureau de vote par commune n’a pas été respectée partout. Le rapport ne précise pas où.
Comme lors de toutes les élections « électroniques » précédentes, le Collège a constaté que de nombreuses procédures légales concernant l’organisation et le déroulement des opérations électorales n’ont pas été respectées, non seulement par les présidents des bureaux de vote et leurs assesseurs mais également par les autorités régionales chargées d’organiser les élections conformément au nouveau code électoral communal bruxellois.
Nous sommes convaincus qu’une fois de plus la plupart des parlementaires qui venaient d’être élus ou réélus n’ont pas pris connaissance de ce rapport – écrit partiellement en français, partiellement en néerlandais, sans traduction et en grande partie très technique - qui leur a été fourni juste avant qu’ils ne valident le résultat des élections.
Ceci contribue à expliquer qu’ils n’ont tenu aucun compte de la recommandation de procéder à un recomptage intégral des urnes de la Ville de Bruxelles. On peut cependant supposer qu’il n’aurait servi à rien puisqu’on aurait utilisé les mêmes programmes pour recompter les mêmes « preuves-papier » et introduire donc des clés USB identiques dans le logiciel MARTINE. Ça n’aurait rien changé aux multiples discordances produites par le mauvais logiciel ADELE. Au contraire des arguments de ses promoteurs, ce nouveau et coûteux logiciel a montré son inutilité et même sa gêne dans la fluidité des opérations électorales.
Il n’est pas dans le mandat de ces experts de s’interroger sur le caractère pertinent, du point de vue démocratique, du vote électronique, alors que pour nous l’essentiel est là : ce système n’est pas acceptable car il prive l’ensemble des citoyens-électeurs de la possibilité de contrôler le processus électoral, ce qui, d’après les règles internationales (dont celles du Conseil de l’Europe en particulier), est une des principales exigences pour qu’un scrutin soit considéré comme « sincère ». Ce système, qui, de plus, dysfonctionne à chaque élection comme l’ont établi tous les rapports du Collège d’experts, devrait donc être abandonné au profit du vote papier, comme c’est le cas en Wallonie et dans la très grande majorité des pays européens).

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