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POURQUOI NOUS REFUSONS LE VOTE ELECTRONIQUE (le 13 Juin 2004)


Il s’agit d’une position de principe car le vote automatisé remet en question deux des fondements de notre système de démocratie représentative : le contrôle des opérations électorales par les électeurs et la garantie du secret du vote.

Dans une démocratie représentative telle que la nôtre, dans leur immense majorité, les citoyens ne participent pas directement aux décisions politiques. Détenteurs de la « souveraineté populaire », ils délèguent temporairement leur pouvoir, par le système des élections, à des représentants élus par eux pour quatre, cinq ou six années. Ils ne détiennent véritablement le pouvoir politique que le jour des élections, moment crucial au cours duquel ils choisissent les personnes qu’ils jugent les mieux à même de les représenter et de défendre leurs intérêts, individuels ou collectifs.
Mais quelle confiance peuvent-ils encore accorder aux opérations électorales s’ils sont privés de toute possibilité de contrôle sur celles-ci ?

Or, avec le vote électronique, c’est exactement ce qui se passe : les électeurs doivent faire confiance aux machines et aux experts qui ont mis au point le système et le contrôlent, des phases préélectorales à la totalisation des résultats (il n’y a plus de dépouillement) en passant par le vote lui-même qui s’inscrit sur une carte magnétique dont seule une machine peut décrypter le contenu.
Pourtant, durant près d’un siècle, le combat pour le suffrage « universel » fut indissociable de celui pour le secret du vote et pour le contrôle des opérations électorales par les citoyens-électeurs.

Les électeurs ne sont plus en mesure de surveiller les élections

Avec le vote électronique, les électeurs ne sont plus en mesure de surveiller les élections car le système de vote automatisé introduit un intermédiaire incontrôlable sous diverses formes et à diverses étapes. Voyons lesquelles.

Notre "bulletin magnétique" est-il vierge ?

Pour exprimer notre choix, nous recevons un bulletin de vote magnétique sous forme d’un objet semblable aux cartes bancaires. Le président du bureau de vote initialise notre carte avant de nous la confier, ce qui revient à y inscrire un vote blanc. Elle détient donc des informations que le citoyen ne voit pas. Est-ce la seule information qui s’y inscrit ? ON nous dit que oui mais nous ne pouvons en être certain car nous ne voyons rien. Dans le cas du bulletin papier, nous pouvons le vérifier sans difficultés.

Notre vote est-il bien sur notre carte magnétique ?

Nous désignons notre (nos) candidat(s) au moyen d’un crayon optique et notre choix s’affiche sur un écran. Lorsque nous "validons" notre choix, sommes-nous certains qu’il s’inscrit sur la carte magnétique que nous avons introduite dans la fente prévue à cet effet ? Comment pourrions-nous en être sûrs puisque nous ne voyons rien. Sommes-nous certains que ce soient les seules informations qui s’enregistrent ? Pas plus.
ON nous dit que nous pouvons réintroduire notre carte dans la machine, mais la relit-elle réellement ou a-t-elle gardé nos gestes en mémoire ?
Nous voulons la faire lire par une autre machine ? La loi ne nous y autorise pas.
Lorsqu’il s’agit d’une opération bancaire, nous pouvons vérifier l’exactitude de l’opération à posteriori, par la lecture des mouvements effectués sur notre compte.

Dans le cas des élections, c’est impossible : le vote est (théoriquement) secret.

L’urne électronique ne modifie-t-elle pas notre vote ?

Lorsque nous pensons avoir voté, nous reprenons notre bulletin magnétique et nous l’introduisons dans une urne électronique. Cette machine dispose d’un logiciel sensé lire notre bulletin de vote. Sommes-nous certains que cette machine lit notre carte et ne modifie en rien ce qui (en principe) y est enregistré ? Nous n’en savons rien. ON nous dit que oui mais nous ne sommes pas en mesure de le vérifier.

Qui surveille encore les dépouillements ?

Avec le vote électronique, il n’y a plus de dépouillement. Ce sont des machines qui décodent les disquettes provenant des urnes électroniques. Tout cela dans la plus parfaite opacité : personne ne voit rien, ce sont les machines qui opèrent. Dans le cas du vote papier, les bulletins sont comptés, triés et dépouillés, par des citoyens sous la surveillance d’autres citoyens.

Qui garantit le bon fonctionnement de ces systèmes ?

Le législateur a confié la lourde tâche de vérifier le bon fonctionnement des élections aux présidents des bureaux de vote, aux assesseurs et aux témoins des partis. Depuis l’introduction du vote électronique, aucune de ces personnes n’est en mesure d’affirmer que tout s’est déroulé correctement, car ce sont les machines qui opèrent. Si une machine tombe en panne, le président du bureau de vote fait appel à un technicien d’une firme privée désignée à cet effet. Qui peut affirmer qu’aucun vote ou décompte n’est modifié lors de cette intervention ?
Le législateur a bien décidé que 9 experts au plus, désignés par les diverses assemblées parlementaires du pays, surveilleraient l’ensemble des opérations électroniques avant et pendant les élections. Neuf personnes pour tout le pays ! A vérifier quoi ? Dans leur rapport concernant les élections, ces experts constataient que, dans la pratique, seuls les techniciens des firmes privées qui ont installé les systèmes étaient en mesure de les contrôler efficacement.
Peu importe ! ON ne se préoccupe plus d’assurer un contrôle et une surveillance du bon déroulement des opérations par l’électeur, ON se préoccupe plutôt de rassurer.
Votez bien bonnes gens, ON s’occupe de tout.

Quelle confiance pouvons-nous encore accorder aux opérations électorales ?

Le système de vote électronique, progressivement mis en place dans notre pays depuis 1991, prive les électeurs de toute possibilité de contrôle des opérations de vote : ils doivent faire confiance aux machines et aux techniciens qui ont mis au point le système et le contrôlent.
Même si les experts désignés par les parlements contrôlaient efficacement les systèmes informatiques utilisés, il n’en resterait pas moins que la grande masse des électeurs se verrait toujours dépossédée de toute possibilité de contrôler elle-même les élections.
Et c’est bien là le fond du problème : il n’y a plus en Belgique de contrôle citoyen des élections ni de secret du vote !

Le secret du vote est bafoué

Si, pour voter, l’électeur dépend de machines qu’il ne contrôle pas, il lui devient impossible de s’assurer que son vote restera secret. Or la garantie du secret du vote est une condition sine qua non d’une élection « libre » et « honnête ». Mais cela ne semble poser aucun problème ni à nos gouvernants ni à nos législateurs, puisque la loi prévoit explicitement la possibilité de violer le secret du vote : « l’électeur qui éprouve des difficultés à exprimer son vote peut se faire assister par le Président ou par un autre membre du bureau désigné par lui ». Dans la pratique, les personnes non familiarisées avec l’informatique étant très nombreuses, les interventions des présidents et assesseurs auprès des votants sont devenues monnaie courante.
Notons que le système du « ticketing » prévoit aussi le viol du secret du vote : si l’électeur constate une discordance entre les suffrages qui apparaissent sur l’écran et ceux imprimés sur le support papier, il doit faire appel au président du bureau de vote pour constater cette différence.

Le dépouillement par lecture optique : système envisageable car fondamentalement différent du vote automatisé

La loi du 8 décembre 1998 a prévu l’organisation d’une nouvelle « expérience » : le dépouillement des bulletins en papier par lecture optique. Ce système est fondamentalement différent du vote automatisé puisque l’ensemble des opérations de vote reste manuel et que des bureaux de dépouillement sont constitués. La lecture optique vise à accélérer le dépouillement des bulletins papier. Cette opération se fait sous le contrôle des assesseurs qui ont toujours la possibilité d’effectuer des recomptages manuels. Nous estimons que le dépouillement par lecture optique est envisageable, à condition que la loi prévoit une vérification obligatoire par comptage manuel des bulletins d’un pourcentage significatif des résultats comptés automatiquement et ce, dans tous les bureaux de dépouillement. De plus, les résultats manuels doivent avoir la prééminence sur les comptages par machine en cas de différence.

Les objectifs visés n’ont pas été atteints

Les quatre objectifs officiellement poursuivis par les initiateurs de l’« expérience » commencée en 1991 étaient de trouver une solution aux difficultés de désigner des assesseurs, réaliser des économies, communiquer plus rapidement les résultats et augmenter leur fiabilité.

Diminuer le nombre d’assesseurs

Les assesseurs au dépouillement ont disparu mais, les personnes mobilisées dans les bureaux où l’on vote électroniquement effectuent des prestations nettement plus longues que les autres et sont plus nombreuses.

Réaliser des économies

Il semble d’ores et déjà exclu que le coût du scrutin automatisé soit inférieur au vote traditionnel et serait même supérieur. De plus, l’élection de mai 2003, a confirmé le caractère éminemment « périssable » du matériel informatique : dès le début des opérations électorales, les ordinateurs en ordre de marche ont été moins nombreux que lors de l’élection précédente -ce qui explique en partie la longueur des files d’attente- et les pannes se sont multipliées.

Communiquer plus rapidement les résultats

Il n’y a pas eu de communication plus rapide des résultats malgré la suppression des opérations de dépouillement. Lors des dernières élections de mai 2003, les résultats des cantons bruxellois, pour lesquels le vote électronique était partout de rigueur, ont été connus bien après la plupart des autres résultats.

Augmenter la fiabilité du système d’élection

Le vote automatisé devait apporter une plus grande fiabilité des résultats, or il s’avère non fiable techniquement. Le rapport du collège des experts concernant les élections du 18 mai 2003 nous apprend qu’une erreur de 4096 voix de préférence a été détectée dans le canton de Schaerbeek et qui serait « probablement » due à des rayons cosmiques ayant provoqué une inversion d’une position binaire dans la mémoire de l’ordinateur ! Explication qui n’a pas convaincu.
Nous pouvons constater qu’avec le système du vote électronique des erreurs sont possibles, les rapports des experts en ont mentionné lors de chaque élection, et ces erreurs ne sont détectables que lorsqu’ apparaissent des résultats aberrants. Au contraire, dans le cas du système du vote papier, non seulement chaque électeur peut être certain que c’est le vote qu’il a inscrit sur son bulletin qui sera lu par les assesseurs, mais encore les assesseurs au dépouillement sont là pour vérifier par recoupement les additions des résultats partiels qu’ils ont la charge d’établir.

La démocratie en danger

Nous ne pouvons accepter que le vote électronique soit utilisé en Belgique depuis 1991 à titre expérimental sans que le Parlement, compétent en la matière, n’ait jamais eu l’occasion d’entamer un véritable débat de fond ni surtout de tirer un bilan de ces expériences [*].

Outre qu’il ouvre la voie à des possibilités de manipulation du scrutin, le système du vote électronique revient à vider de son sens la démocratie (pouvoir au peuple) et à la remplacer par la technocratie (pouvoir aux techniciens). Nous ne l’admettons pas. Tout comme ne l’admet pas un nombre croissant de citoyens qui, depuis 1994, manifestent leur opposition au vote automatisé par divers moyens (pétitions, conférences-débats, interventions auprès des parlementaires, articles de presses, distribution de tracts, campagnes d’affichage, actions en justice,...).

Et voici à nouveau venu le moment des élections.
Le 13 juin 2004, 44% des électeurs seront à nouveau contraints de procéder à l’élection de leurs représentants par la méthode du vote électronique. Pour notre part, tant que les conditions minimales requises pour des élections "libres et honnêtes" c’est-à-dire avec contrôle direct de l’électeur ne sont pas respectées, nous manifesterons notre rejet du vote électronique par la remise au Président du bureau de vote d’une lettre reprenant les raisons pour lesquelles le système de vote électronique ne satisfait pas aux critères élémentaires d’une démocratie représentative et/ou par le refus de voter. Le danger qui menace la démocratie le justifie.

Nous appelons tous les démocrates convaincus à nous rejoindre dans ce combat, par les moyens qu’ils jugeront les plus appropriés, pour que rien ne s’interpose jamais entre la volonté de l’électeur et son mode d’expression et pour que le pouvoir de contrôler les élections soit rendu aux électeurs.

Ce combat, nous devons le gagner car il en va de l’avenir de notre démocratie représentative.

PourEVA

Association de citoyens Pour une Ethique du Vote Automatisé

Pour plus d’informations, consultez notre site http://www.poureva.be/

Pour nous contacter : par courriel à l’adresse email@poureva.be ou par tél. 026723889


[*Cf. lettre ouverte adressée aux parlementaires en septembre 2003 (voir site ou copie obtenue sur demande tél.)