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20/07/2000: Ce qu’ils ont dit

quelques extraits de l’une des très rares discussions parlementaires sur le vote électronique


Eclairant !
Ci-dessous quelques morceaux choisis de la discussion de dernière minute (la veille des vacances parlementaires) à propos d’une proposition de loi
modifiant le vote automatisé. (séance du 20 juillet 2000)

M. Philippe Monfils (PRL-FDF-MCC)
"On aurait pu ne pas instaurer le vote automatisé mais, à partir du moment où il a été décidé, revenir en arrière constituerait une nouvelle histoire belge. Le gouvernement a tenu compte de ce qu’il avait hérité de son prédécesseur mais il s’est efforcé d’améliorer la transparence et le contrôle démocratique sur le fonctionnement du système."

M. Jacky Morael (ECOLO)
"Le projet que nous avons à examiner représente à l’évidence une amélioration de la situation existante et héritée. Il serait malhonnête de ne pas le reconnaître. Le nombre d’experts augmente. Des assemblées qui ne pouvaient désigner des experts pourront le faire et, plus il y aura d’experts pour vérifier en amont et en aval des opérations, plus la fiabilité augmentera."

"C’est depuis l’installation du vote électronique, sous la précédente majorité, que des doutes existent quant à la fiabilité du système et à sa perméabilité à toute procédure de manipulation"

"Nous restons inquiets à propos d’une série de problèmes. Le rapport mentionne - à la page 4, si je ne m’abuse - que le représentant du gouvernement ne pouvait garantir la fiabilité à 100% du vote électronique"

"Les experts estiment que les codes de cryptage protégeant les disquettes-mères du logiciel électoral sont dépassés sur le marché de l’informatique"

"Plusieurs ordinateurs au ministère de l’Intérieur en font autant de copies qu’il est nécessaire pour l’ensemble des bureaux auxquelles seront
fournies les disquettes, pour chaque isoloir et chaque machine. Les experts nous ont dit qu’il s’agissait d’ordinateurs stand alone, donc, hors
réseau, de façon à ce que personne ne puisse s’introduire dans l’opération de copiage et la manipuler. J’ai posé une question élémentaire : ces
ordinateurs ont-ils toujours été stand alone ou ont-ils été débranchés d’un réseau ? Car s’ils ont un jour été en réseau et qu’ils ne sont débranchés qu’au moment du copiage de la disquette-mère, personne ne peut garantir l’absence de manipulation - si la NASA ou la Défense
nationale belge ont pu faire l’objet de piratage informatique, le ministère de l’Intérieur n’est pas nécessairement à l’abri ! À cet égard - la
présidente de la commission et d’autres membres pourront en témoigner - l’expert était quelque peu dans l’expectative. Il a déclaré que l’on
était en droit d’avoir un doute : il ne faut pas faire de paranoïa, mais si les ordinateurs n’étaient pas vierges, si l’on n’a pas vérifié qu’ils n’ont
jamais été mis en réseau, on ne peut exclure qu’il y ait eu intrusion quelques jours ou quelques semaines avant qu’ils aient été débranchés
d’un réseau ; quelqu’un peut avoir pénétré le réseau pour donner des instructions à l’ordinateur avec un programme qui, d’ailleurs,
s’autodétruit au fur et à mesure du déroulement de l’opération de fraude"

"et il faut honnêtement le reconnaître : la situation sera plus sûre le 8 octobre qu’elle ne l’était le 13 juin 1999 ou encore, lors des élections
précédentes, mais pas assez vite ni assez fort. Donc, nous souhaitons vivement que le gouvernement retravaille dès après les élections
communales - un laps de temps raisonnable devrait alors s’écouler avant les élections suivantes - pour garantir, autant que faire se peut, la
fiabilité du système. Je ne crois pas qu’une fiabilité totale soit possible"

"Il importe d’améliorer la fiabilité, car si les citoyens devaient avoir l’impression, à tort ou à raison, que le système peut être fraudé, nous
manquerions un des paris de l’ensemble des forces démocratiques de ce pays qui, je crois, partagent toutes le même objectif, à savoir
réconcilier le citoyen avec la politique."

Clotilde Nyssens (PSC)
"Les exposés qui nous ont été présentés, tant par le directeur général du ministère de l’Intérieur que par une délégué informaticien du Sénat,
qui siège au sein du collège des experts désignés par ce même Sénat, n’ont pas levé les doutes que nous émettions quant à la fiabilité
démocratique du vote électronique, bien au contraire"

"À plusieurs reprises, le représentant du ministre ou l’expert désigné par le Sénat nous ont dit qu’aucun expert ne peut garantir qu’il est
exclu que le programme de certaines disquettes ne puisse être altéré pour organiser une fraude"

"En outre, permettre à l’électeur de visualiser son vote après avoir voté ne lui apporte rien sur le plan de la confiance puisque, d’une part, il
peut y avoir sur la carte un autre vote, qu’on ne lui montre pas, et que, d’autre part, la carte magnétique peut parfaitement être altérée par la
suite, par l’urne électronique"

"On fait confiance à des informaticiens du Sénat qui nous ont fait excellente impression en commission mais je souhaite aussi que le
politique ait un contrôle des plus sérieux sur ces experts"

Anne-Marie Lizin (PS)
"(...) Ainsi donc, s’il y a méfiance, elle s’exprime non pas contre la modernité mais quant à la capacité réelle de la technologie de protéger un système."

M. Philippe Monfils (PRL-FDF-MCC)
" Il est vrai que le système n’est pas parfait. D’ailleurs, rien n’est parfait. Vous savez, les Bancontacts ne sont pas parfaits non plus !"

Anne-Marie Lizin (PS)
"Le gouvernement nous soumet un projet de loi relatif à une technique fondamentale liée à la démocratie, à un moment inadéquat, parfaitement injustifié, alors qu’il aurait pu le faire bien plus tôt et permettre ainsi un débat beaucoup plus long et approfondi."

"Selon moi, le contrôle du software est complètement négligé. Les codes sont les mêmes, ce qui est impensable. Un code ne peut même pas
être protégé durant une journée. N’importe quel technicien de l’entreprise adjudicataire Bull vous le confirmera : c’est une erreur de ne pas
le faire. Il s’agissait pourtant d’une recommandation des experts mais on n’en a pas tenu compte, ce qui est dommage.
Il est important de communiquer ce code, non pas à des parlementaires sans expérience informatique, mais à des parlementaires experts."

réf : Annales du Sénat de Belgique, scéance du 20 juillet 2000 au soir.