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19/05/2005: Question orale de M. Philippe Mahoux au vice-premier ministre et ministre de l’Intérieur sur « le vote électronique » (n° 3-674)


M. Philippe Mahoux poursuit le questionnement du ministre et souligne le manque de transparence et de collaboration des firmes privées concernant le contrôle des systèmes de vote électronique.

Le ministre de l’intérieur, M. Patrick Dewael, qui avait déjà reconnu les failles du vote électronique reconnait maintenant le manque de transparence.

M. Philippe Mahoux (PS). - Vous savez que nous avons déposé une proposition de loi visant à appliquer un moratoire quant à l’utilisation du vote électronique, mais ce n’est pas l’objet de mon intervention.

Ma question concerne la problématique des firmes qui s’occupent du vote électronique en même temps que du contrôle assuré par le collège d’experts mis en place par décision parlementaire.

Les firmes chargées d’élaborer les logiciels électoraux sont les firmes Stesud et Steria. Un contrôle de la qualité et de la sécurité a été confié à un bureau indépendant, la S.A. Bureau Van Dijck, qui a été désignée comme organe d’avis.

Le contrat de la S.A. Bureau Van Dijck contient une clause de confidentialité. On peut évidemment s’étonner qu’une firme chargée d’assurer le contrôle de la qualité des logiciels soit tenue de respecter une telle clause. Vous allez sans doute nous donner des explications à ce sujet mais, de prime abord, tout cela ne me semble pas aller dans le sens de la transparence.

Il semblerait qu’un incident similaire à celui qui s’est produit à Anvers - anomalie au niveau de la totalisation - se serait également produit ailleurs sans que celui-ci ait été résolu par la suite. En outre, on sait que le financement du Bureau Van Dijck est assuré - vous allez nous le confirmer ou l’infirmer - par les deux firmes chargées de l’élaboration des logiciels.

Est-il normal que la firme qui contrôle soit tenue à une clause de confidentialité et qu’elle soit financée par les firmes qui font l’objet même de son contrôle ?

Un problème se pose, me semble-t-il, au niveau de la transparence. Je suis évidemment persuadé qu’il ne s’agit pas d’une volonté politique, mais il serait intéressant d’obtenir des éclaircissements en la matière.

Je le répète, sur le plan démocratique, nous considérons que le vote électronique n’est pas d’une sécurité absolue. Nous estimons notamment que le contrôle des logiciels et le contrôle du vote informatisé ne sont pas assurés comme ils devraient l’être.

M. Patrick Dewael, vice-premier ministre et ministre de l’Intérieur. - Le système prévu par la loi du 11 avril 1994 organisant le vote automatisé me paraît un des plus ouverts.

Les logiciels de vote automatisé doivent être conformes aux conditions générales d’agrément de ces matériels fixées par un arrêté royal daté du 18 avril 1994. Par ailleurs, ces matériels doivent être reconnus comme tels lors de chaque élection par le ministre de l’Intérieur. Celui-ci donne son agrément de conformité sur la base d’un avis émis par un organisme agréé, à cette fin, par un arrêté royal délibéré en conseil des ministres.

Lors des élections du 13 juin 2004, un seul organisme d’avis a effectivement été agréé selon cette procédure. Il s’agit de la S.A. Bureau Van Dijck.

Depuis lors, un second organisme a été agréé en cette qualité, à savoir la N.V. Computer services solutions dont le siège est établi à Zaventem.

Dans son rapport sur les élections du 13 juin 2004, le collège d’experts chargé de contrôler le bon fonctionnement des systèmes de vote automatisé estime que cette procédure d’agrément ne peut qu’augmenter la fiabilité des systèmes de vote automatisé. Aucun reproche de partialité ne peut être adressé au ministre de l’Intérieur. Celui-ci ne donne son agrément de conformité que si l’avis émanant de l’organisme agréé conclut en ce sens. Cela étant, le ministre de l’Intérieur a agréé, comme ce fut le cas lors des élections législatives du 18 mai 2003, tous les systèmes de vote automatisé proposés par les firmes Stésud et Steria sur la base de l’avis émis par la SA Bureau Van Dijk.. . . Seules ces deux firmes ont présenté leur matériel à l’agrément. Rien n’empêchait toutefois des firmes concurrentes de proposer leur propre matériel.

Pour la clarté de l’exposé qui suit, je cite ci-après in extenso l’extrait du rapport du collège d’experts auquel vous vous référez : « Le Collège tient également à faire remarquer que l’utilisation du rapport de l’organisme d’avis est grevée d’une clause de confidentialité qui indique que ce rapport contient des informations confidentielles et qu’il ne peut être consulté sans l’accord explicite du constructeur. Bien qu’en pratique, il n’ait pas émis d’objections à la consultation du rapport par le collège, ce constructeur a tenu à ce que le collège ne puisse rencontrer l’organisme d’avis en dehors de sa présence. La clause de confidentialité et la méthode de travail empêchent l’utilisation des constatations reprises dans le rapport de l’organisme. Le collège est d’avis que tant le lien commercial que les clauses de confidentialité en résultant ne peuvent être déduits ni de la loi, ni de l’appel à candidature pour l’organisme d’avis, ni de l’arrêté royal concernant la désignation de l’organisme d’avis. »

Je partage tout à fait l’opinion du collège d’experts lorsqu’il estime que les clauses de confidentialité prévues dans la convention passée entre le constructeur et l’organisme d’avis ne peuvent être déduites ni de la loi ni de l’arrêté royal agréant l’organisme d’avis. Ces clauses doivent à mon sens être réputées non avenues et j’y veillerai lors des prochaines élections. Je pense qu’il faut revoir les relations entre l’organisme d’avis et les fournisseurs de systèmes de vote automatisé afin de renforcer l’indépendance de cet organisme. Je demanderai à mon administration de me faire des propositions concrètes en ce sens.

Je vous signale que pour les élections du 13 juin 2004, les frais portés en compte par la S.A. Bureau Van Dijk ont été supportés par le budget de l’État afin qu’aucun doute ne puisse planer sur l’indépendance de cet organisme.

Je partage aussi la conclusion finale du rapport : « Les experts insistent pour qu’aucune rétention d’information ne puisse être exercée vis-à-vis du collège par les constructeurs ou par l’organisme d’avis. En tout état de cause, le rapport définitif de l’organisme d’avis ne peut rester confidentiel et les conclusions de ce rapport doivent revêtir un caractère public. » Je demanderai également à mon administration de veiller à ce qu’il en soit ainsi lors des prochaines élections.

M. Philippe Mahoux (PS). - Je remercie M. le ministre de ces informations.

D’abord, le budget de l’État ayant supporté les frais portés en compte par le Bureau Van Dijk, j’espère que les montants facturés par les firmes fabriquant le logiciel auront été réduits puisque au départ, ces firmes étaient celles qui devaient rémunérer le Bureau Van Dijk.

Ensuite, si j’ai bien compris, une firme s’est présentée au titre d’organisme contrôleur. Ce monopole de fait est quelque peu dérangeant, surtout pour un ministre qui défend des positions libérales sur le plan économique.

Notre système électoral, qui est la base de la démocratie, doit être exempt de toute suspicion.

Quoi qu’il en soit, je me réjouis que la clause de confidentialité soit considérée comme nulle et non avenue, de sorte qu’elle devrait sauter.

Par ailleurs, une deuxième société devrait être désignée pour contrôler les logiciels, en toute transparence puisque le collège d’experts pourra prendre connaissance du rapport des deux firmes chargées d’exercer le contrôle en question.
Il restera à analyser de manière approfondie l’impact du vote informatisé sur l’électeur en termes de démocratie. J’insiste pour qu’un débat significatif ait lieu à ce propos.