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13/06/2005: A propos du monstre du Loch-Ness

Entre l’isoloir et le salon.


Régulièrement il refait surface. Quoi ? Le monstre du Loch-Ness ? Non, le vote électronique à distance. Combien de fois faudra-t-il rappeler pourquoi le vote à distance n’est pas une option démocratique ?

Comment éviter que les citoyens votent avec les pieds c’est à dire en les gardant dans leurs confortables pantoufles plutôt que de les user dans les files des bureaux de vote ? La solution : la e-democracy s’invite dans votre salon.

Faire du home-voting, comme on fait du home-banking du home-shopping ou encore comme on « vote » pour les jeux télévisés.
La démocratie numérique à portée de doigt et clic !
Et le secret du vote ?
Mais voyons, le secret est assuré, la connexion est sécurisée, cryptée protégée quoi !
Non, je veux dire où est l’isoloir ? Plus besoin ?
tu veux rire, personne ne te voit !
Ah bon, vraiment personne ?
Et l’isoloir, à quoi ça sert alors ?

Tout ce petit monde semble être né d’aujourd’hui. Mais voyons, c’est quoi encore cette histoire d’isoloir ? Est-ce pour cacher la honte de celui qui vote ? Parce qu’il a l’air troublé ? Comment, vous dites que tout vote sérieux s’effectue dans un isoloir ?

Pourquoi personne, ni même (et surtout) les membres (adultes) de la famille ne peuvent accompagner l’électeur dans l’isoloir ? Pourquoi le président du bureau de vote n’aime pas beaucoup venir « aider » les personnes qui le demandent et pourquoi leur demande-t-il de ne pas prononcer à haute voix le nom de leur candidat ?

Mais bon sang, mais c’est bien sûr ! Souvenez-vous ! Tout cet attirail poussiéreux de rideaux, de cloisons bon marché, de tablettes, sorte de guichets dont même les bureaux de poste ne voudraient plus maintenant que la poste est devenue La Poste, ces gens assis derrière une rangée de tables qui vous observent le sourire en coin, qui vous demandent de vous dépouiller pour un instant de votre identité, précieusement cachée sur le bout de plastique que vous leur tendez, bref, tout ça, c’était pas uniquement le vieux décor défraîchi du passé, tout ça, c’était pour mettre fin à la vente de votre vote.

La vente ? Oui, telle qu’elle se pratiquait dans des temps pas si reculés (et se pratique encore là où le vote est bancal). Vous pouviez « vendre » votre vote contre la promesse de conserver un emploi, d’échapper à des représailles, de plaire à votre famille, bref, pour vous faire « bien voir ». Bien sûr maintenant il est encore possible de promettre à un candidat de voter pour lui, de prétendre en public qu’on soutient tel ou tel parti localement influent, mais il n’y a plus de preuve à montrer à un « acheteur » potentiel de bulettin, on n’est plus obligé de vous croire, vous vendez une parole, rien de plus, car personne ne se penche sur votre épaule pendant que vous êtes dans l’isoloir et les assesseurs sont là pour y veiller.

Et le vote à distance dans tout ça ? Et bien oui, malgré toute la science des cryptographes et toute la ferveur des nouveaux e-democrates, la nature humaine ne change pas et le home-voting constitue évidemment un recul énorme vers une époque qu’on croyait révolue. Le vote par correspondance pose le même problème et c’est bien pour ça qu’il est limité, sauf dans certaines contrées où on se moque du secret électoral.

Petite fiction du e-vote à distance (pas si fictive) :

- Chéri dis-moi sur quel candidat je dois cliquer ?
- Pourquoi ne pas inviter Monsieur l’échevin à passer prendre un verre pendant qu’on vote ?
- Tu sais que Mémé peut voter sur l’ordinateur dans son home maintenant ?
- Oui ils sont même aidés par les gens de la commune pour leur montrer comment faire. Il paraît que l’année prochaine au cyber-espace ils feront de même. On n’arrête pas le progrès hein ?
- Tu crois que c’est vrai tout ce que ces gens de PourEVA disent à propos des systèmes de home-voting qu’on a vendu à l’étranger ?