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Plaidoirie dans l’affaire de discrimination au Civil

Bassem/../Lefebure contre L’Etat belge


Plaidoirie dans l’affaire de discrimination au Civil :
Bassem/../Lefebure contre L’Etat belge.

Monsieur le Président,

Il va probablement vous sembler étrange que dans une affaire de cette importance, nous n’ayons pas déposé de conclusions.

Une affaire grave et pourtant très simple.

En quelques mots, voici un rappel des discriminations que nous avons subies par la faute de l’Etat et pour lesquelles nous demandons réparation :

Le 13 juin 1999 nous avons été obligés de remplir notre devoir d’électeurs par le truchement d’un système appelé "vote automatisé".

Ce système nous a discriminés en ce sens qu’il nous a forcés à prendre un bulletin de vote sous forme de carte magnétique et dont le contenu nous était inconnu.

Alors que les électeurs qui ont reçu un bulletin en papier, eux, pouvaient vérifier que celui-ci était bien vierge, ce qui est fondamental avant d’entrer dans l’isoloir !

Ce système nous a discriminés en ce sens qu’il nous a forcés à confier notre intention de vote à une machine, qu’il nous a obligés à faire confiance aux gestionnaires de cette machine et à espérer donc, que notre vote et uniquement notre vote, serait convenablement transcrit sur notre bulletin magnétique.

Alors que les électeurs "papier", eux, ont pu maîtriser leur vote sans aucun intermédiaire et étaient certains, à la sortie de l’isoloir, que le contenu de leur bulletin correspondait bien à leur volonté !

Ce système nous a discriminés en ce sens que nous n’avons eu aucune garantie que l’urne électronique n’altérerait pas le contenu de notre bulletin magnétique puisque son couvercle, au travers duquel les bulletins magnétiques doivent passer, contient un élément actif, un ordinateur et que celui-ci n’a pas pu être vérifié par les assesseurs.

Alors que les urnes destinées aux bulletins en papier, elles, sont passives et ne peuvent donc pas altérer les bulletins et elles ont donc, pu être vérifiées entièrement et totalement par les assesseurs avant d’être scellées.

Et enfin, ce système nous a discriminés en ce sens qu’il n’offre aucune transparence sur les dépouillements virtuels et que nous avons dû faire confiance aux seuls gestionnaires de l’urne électronique pour vérifier les résultats.

Alors que les électeurs "papier", eux, ont bénéficié d’un dépouillement public et surveillé par des témoins !

La différence de traitement entre le mode de vote que nous avons subi et celui offert aux électeurs "papier" est telle que les niveaux de "qualité" respectifs sont incomparables.

Ces discriminations sont à un tel point évidentes qu’aucun des défendeurs n’a osé les aborder dans leurs conclusions.

Puisqu’aucun des défendeurs n’a jugé utile de répondre à notre argumentation, nous avons donc trouvé inutile de répéter le contenu de notre citation dans des conclusions.

C’est pour cela que nous n’avons pas déposé de conclusions.(n’en avons pas déposées ?)

Nous avions entrepris, depuis plusieurs mois et pour certains, depuis plusieurs années avant les élections, d’avertir le Pouvoir Législatif et le Pouvoir Exécutif de l’anomalie de la situation.

Ces anomalies, ces dysfonctionnements, nous ont semblé à ce point évidents que nous avons volontairement limité les moyens de notre argumentation à la discrimination uniquement.
Il ne nous a pas semblé utile, à ce stade, de faire appel aux lois supranationales, puisque notre Constitution devrait suffire à défendre convenablement nos droits civils et politiques.

Ces discriminations ont donc été appliquées en toute connaissance de cause et les pièces jointes à notre dossier vous le prouveront en abondance.

C’est (donc) le caractère fautif qui nous pousse à demander réparation.

Nous demandons simplement la réparation d’une faute.

Nous avons donc cité les deux Pouvoirs fautifs dans cette affaire :

Le Pouvoir Législatif et le Pouvoir Exécutif.

Le Pouvoir Législatif car il aurait pu ne pas créer une telle loi ou l’abroger dès qu’il s’était aperçu de son aberration.

Le Pouvoir Exécutif car il a désigné les communes où ce système serait appliqué et qu’il aurait pu, par Arrêté Royal, les "soustraire" à ce régime, dès qu’il s’était aperçu de l’aberration (de ce système ).

Ne l’a-t-il pas fait pour la commune de Mouscron le 11 avril 1999, deux mois avant les élections du 13 juin ? Voir le Moniteur du 30 avril 1999 !

A tout cela que répondent les défendeurs ?

Le Premier Ministre désigne le Ministre compétent et déclare l’affaire irrecevable vis-à-vis de lui.

Nous le remercions d’avoir réagi simplement et immédiatement. (En 1 seul jour )

Si nous avons cité le Premier Ministre, c’est pour qu’il désigne le Ministre compétent et pour qu’il soit impliqué dans une affaire aussi grave.

Les Présidents du Sénat et de la Chambre, eux, répondent à peu près de la même manière que le Premier Ministre, mis à part qu’ils ont attendu six mois et une ordonnance basée sur l’article 747 § 2 du code judiciaire pour le faire !

Nous déplorons une telle attitude de leur part, attitude qui a contribué à encombrer votre Tribunal pour en finale, répondre aussi simplement et erronément.

En effet, le Code Judiciaire (art. 42) spécifie que pour les matières qui concernent directement l’une des deux entités du Parlement, il faut citer les Présidents concernés.
("objet du litige entre dans les attributions du Sénat ou de la Chambre...")

Quoi de plus direct pour une assemblée qu’une loi qui prévoit et décrit justement la manière de renouveler les membres de cette assemblée ?

Si les Assemblées peuvent décider de la manière dont elles vont être renouvelées et qu’ensuite elles se déclarent irresponsables, il y a là une dérive inadmissible que nous ne comprenons pas.

Nous considérons donc que les Présidents du Sénat et de la Chambre sont responsables des préjudices que nous avons subis en ce sens qu’ils représentent les Assemblées fautives d’avoir élaboré une loi qui a permis de telles discriminations.

Le Ministre de l’Intérieur, lui, pour esquiver la plainte, essaye de vous faire croire que nous nous plaignons des résultats des élections et que ce sont donc les diverses Assemblées qui peuvent analyser ce type de plainte lors de leur installation.

Mais ce n’est pas l’objet de notre plainte.

L’objet de notre plainte est, qu’ayant été avertis de la problématique, les Pouvoirs cités sont fautifs des discriminations que nous avons subies le 13 juin 1999.

Et constatant que notre Code affirme, très justement, que toute faute doit être réparée, nous demandons réparation.

Et puisqu’il ne peut exister d’équivalence au droit de vote, nous vous demandons l’annulation de élections du 13 juin 1999 et l’organisation de nouvelles élections sur des bases plus justes, pour nous permettre de voter de manière non discriminatoire cette fois et réparer ainsi la faute.

Ce n’est pas pour contester des résultats que nous portons plainte mais parce que nous avons été discriminés du fait que nos droits civils et politiques ont été bafoués,

alors que les électeurs qui votaient avec un bulletin en papier, eux, ont pu bénéficier des garanties démocratiques les plus élémentaires en matière de scrutins.

Ceci est à ce point vrai, que le 15 septembre 2000, il y a à peine quatre mois, votre propre Tribunal, dans une ordonnance en référé, affirmait qu’une telle manière de procéder n’est conforme au Pacte International auquel notre pays adhère !

Nous voudrions citer une phrase de cette ordonnance :

<< Il apparaît évident, prima facie, que les droits garantis par l’article 25 b du Pacte International relatif aux droit civils et politiques sont incompatibles avec un système où les erreurs et les fraudes ne pourraient être détectées que par le pouvoir en place au moment des élections et non pas par des instances ou personnes indépendantes.>>

Et Maître Mahieu qui était encore l’avocat du Ministre de l’Intérieur, défendeur dans cette affaire là, pourra vous confirmer que le système dont il est fait référence dans cette citation était bien le système de vote automatisé !
Certains essayeront de vous convaincre qu’il ne vous incombe pas de juger de la qualité de la loi organisant le vote automatisé.

Nous tenons alors à vous rappeler qu’il ne s’agit pas d’apprécier la justesse de cette loi mais de constater que c’est de son application dont il s’agit et que c’est la manière dont elle a été appliquée qui nous a discriminés.

On vous prétendra très certainement qu’il n’était pas possible d’installer en une seule fois dans tout le pays le système de vote automatisé...

C’est faux ! Depuis la parution de la loi organisant le vote automatisé, l’Etat a (avait ) eu cinq ans pour installer ce système dans tout le pays et éviter ainsi de nous discriminer..

En outre il aurait pu , comme cela se fait dans l’industrie, maintenir les deux systèmes en parallèle jusqu’au moment où tous les bureaux de vote auraient été équipés de ce système !

Cela aurait alors permis de laisser le choix du système aux électeurs et de ne pas nous discriminer.

Vous verrez dans les pièces jointes, que l’un de nous avait demandé au Ministre de l’Intérieur, la transparence sur ce système de vote automatisé.

Cela aurait peut-être permis de nous assurer de toutes les étapes d’un vote automatisé et aurait peut-être rendu ce système presqu’aussi transparent que le vote papier et la discrimination eut été moins flagrante et peut-être plus acceptable.

Mais même la transparence nous a été refusée !

Monsieur le Président (ou Madame la Présidente), en conclusion, je voudrais donc vous rappeler tout simplement que le 13 juin 1999, pour voter, nous n’étions (même) pas en mesure de savoir ce qu’il y avait sur notre bulletin magnétique !

En comparaison avec les électeurs qui, eux, ont reçu un bulletin en papier, la différence de traitement est intolérable, discriminatoire et injustifiée.

Le 13 juin 1999, nous avons été privés de certains droits civils et politiques, au sens du Pacte International (et du bon sens), alors que les électeurs qui ont reçu un bulletin en papier, eux, ont eu leurs droits parfaitement respectés.

Au sens de notre Constitution nous avons été discriminés.

Nous vous demandons donc de déclarer :

- que nous avons été discriminés fautivement ;
- que pour réparer la faute, l’Etat doit réorganiser des élections sur des bases plus justes ;
- que pour réparer le tort moral, les défendeurs doivent verser à chaque plaignant un euro symbolique ;
- et que les frais de procédures sont à charge des défendeurs.

Je vous remercie pour votre attention et cède la parole, si vous le permettez, à mes compagnons pour vous apporter leurs éventuels brefs commentaires.