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02/03/2001: Jurbise : Annulation des élections communales 2000


C’est par un ARRET du Conseil d’Etat du 2 mars 2001 que les élections communales de la commune de Jurbise ont été annulées, pour une mauvaise manipulation de disquette et le non respect des procédures.

Voici la version texte de l’ARRET N°93.716 :

LE CONSEIL D’ETAT, VIIIe CHAMBRE,

Vu la requête introduite le 29 décembre 2000 par
Mario LONGO qui demande l’annulation des élections communales
qui ont eu lieu à Jurbise le 8 octobre 2000 ;

Vu le dossier administratif déposé par le Gouverneur
de la province du Hainaut ;

Vu l’avis prévu par l’article 5 de l’arrêté royal
du 15 juillet 1956, modifié par l’arrêté royal du 16
septembre 1982, publié au Moniteur belge du 10 janvier
2001 ;

Vu le mémoire en réponse déposé par le Ministre de
l’Intérieur ;

Vu le rapport de M. LOMBAERT, auditeur au Conseil
d’Etat ;

Vu l’ordonnance du 20 février 2001 fixant l’affaire
à l’audience du 28 février 2001 ;

Vu la notification de l’ordonnance de fixation et
du rapport aux parties ;

Entendu, en son rapport, Mme GEHLEN, conseiller
d’Etat ;

Entendu, en leurs observations, Me LETELLIER,
avocat, comparaissant pour le requérant, et Me TULKENS,
loco Me MAHIEU, avocat, comparaissant pour le Ministre de
l’Intérieur ;

Entendu, en son avis conforme, M. LOMBAERT, auditeur ;
Vu le titre VI, chapitre II, des lois sur le
Conseil d’Etat, coordonnées le 12 janvier 1973 ;

Considérant que les éléments utiles à l’examen du
recours sont les suivants :

1. Le requérant s’est porté candidat aux élections
communales du 8 octobre 2000 à Jurbise, sur la liste no 5
du parti socialiste. Il était conseiller sortant et a
présenté sa liste. Il a été élu conseiller communal.

Les résultats proclamés le 8 octobre 2000 sont les
suivants :

- liste no 2 (Ecolo) : 1 siège (chiffre électoral : 586),

- liste no 5 (PS) : 7 sièges (chiffre électoral 1691),

- liste no 14 (NC) : 1 siège (chiffre électoral : 575),

- liste no 15 (LB) : 12 sièges (chiffre électoral 2870).

Cette répartition résulte des quotients 293,00000
pour la liste no 2, 211,37500 pour la liste no 5, 287,50000
pour la liste no 14 et 220,76923 pour la liste no 15 ; les
quotients qui permettraient à chacune de ces listes
d’obtenir un siège supplémentaire sont, respectivement et
dans l’ordre : 195,33333 ; 187,88888 ; 191,66666 ; 205,00000.

2. Le 15 novembre 2000, le requérant et Christian
VREUX ont introduit une réclamation auprès de la députation
permanente du conseil provincial du Hainaut, demandant,
selon son dispositif, "D’annuler, pour causes
d’irrégularités susceptibles d’influencer la répartition
des sièges entre les différentes listes, l’élection
communale qui a eu lieu le 8 octobre 2000 à Jurbise.

A titre subsidiaire, avant dire droit, procéder à
une relecture des cartes magnétiques contenues dans les
urnes électroniques et procéder à un second dépouillement
des suffrages exprimés".

3. Les 12 et 15 décembre 2000, la députation
permanente a procédé à des mesures d’instruction.

L’objectif de la première mesure est défini comme
suit dans le procès-verbal qui la relate : "De manière à
permettre de lever toute ambiguïté en ce qui concerne les
résultats obtenus au bureau de vote no 11 et décodés à
partir d’une disquette qui a été réimprimée, l’objectif de
la réunion est d’établir une comparaison entre les résultats
donnés par la disquette en question et ceux figurant
sur la disquette qui constitue le support original".

Quant à la seconde mesure, elle avait pour objectif de
"refaire le dépouillement EPROM par EPROM", c’est-à-dire
vérifier la totalisation des votes.

4. Le 15 décembre 2000, la députation permanente
a rejeté la réclamation et validé les élections qui ont eu
lieu à Jurbise, ainsi que les pouvoirs des candidats
proclamés élus respectivement conseillers communaux
titulaires et suppléants ;

Considérant que l’article 6, alinéa 1er, de
l’arrêté royal du 15 juillet 1956 déterminant la procédure
devant la section d’administration du Conseil d’Etat en
cas de recours prévu par l’article 76bis de la loi électorale
communale, permet à toute personne justifiant d’un
intérêt d’envoyer un mémoire au Conseil d’Etat ; que le
Ministre de l’Intérieur a envoyé un mémoire et invoque un
intérêt fonctionnel en relation avec la mise en cause de
la loi du 11 avril 1994 organisant le vote automatisé ;

Considérant qu’il a déjà été jugé qu’un intérêt de
cette nature ne constitue pas l’intérêt spécifique requis
au sens de la disposition précitée ; que le mémoire en
réponse déposé par le Ministre de l’Intérieur n’est pas
recevable ; qu’en revanche, les pièces déposées peuvent
être prises en considération en vertu des pouvoirs d’instruction
dont dispose le Conseil d’Etat en la matière ;

Considérant qu’un moyen, le deuxième de la requête,
est pris de la violation de l’article 18 de la loi du
11 avril 1994 organisant le vote automatisé ; qu’après
avoir rappelé le texte de la disposition visée, le requérant
expose qu’au soir du 8 octobre 2000, le président du
bureau principal communal n’a pas pu lire la disquette
contenant les résultats du bureau de vote no 11, qu’un
tiers, désigné par le collège sortant, a emporté cette
disquette au bureau principal cantonal où, selon le
procès-verbal du bureau de dépouillement, elle aurait été
"réimprimée" et qu’au retour de ce tiers, la disquette
ramenée par lui aurait fonctionné ; que le requérant
soutient qu’en application de la disposition visée au
moyen, le président du bureau de dépouillement devait,
comme il l’a fait pour la disquette du bureau de vote no 9,
se faire remettre une copie de la disquette du bureau de
vote en possession du président du bureau principal de
canton ; qu’il rappelle que, dans sa réclamation à la
députation permanente, il a sollicité, à titre subsidiaire
et avant dire droit, un recomptage des cartes contenues
dans l’urne du bureau de vote no 11 mais qu’au lieu de la
mesure demandée, la députation permanente a procédé à des
mesures d’instruction dépourvues de pertinence ; qu’à
propos de la comparaison de la disquette provenant du
bureau de dépouillement avec celles en possession du
président du bureau principal de canton, le requérant
soutient que cette comparaison "a été faite entre les
disquettes ayant été manipulées et ayant conduit à la
comptabilisation des résultats contestés" ; qu’il relève
aussi "que les fichiers contenus sur ces disquettes
portaient des dates et heures différentes" alors que les
procès-verbaux des différents bureaux mentionnent les
heures et que "les disquettes qui ont été apportées à la
députation permanente n’avaient pas été transmises à qui
de droit à la clôture des opérations électorales" ; qu’à
propos de la seconde mesure d’instruction, il reproche à
la députation permanente de n’avoir pas tenu compte de
l’information selon laquelle "il y a eu une manipulation
effectuée par un employé communal sur une machine avec
usage d’une disquette d’origine extérieure au bureau, non
renseignée au procès-verbal" ; qu’il conclut qu’en présence
d’indices sérieux et concordants permettant, même en
l’absence d’observation au procès-verbal, de mettre en
doute la régularité de l’ensemble des opérations à partir
du bureau de vote no 11, il incombait à la députation
permanente de procéder à un comptage des cartes magnétiques
mais que cette mesure est devenue inopérante, puisque
l’urne de ce bureau a été descellée ;

Considérant qu’à l’issue du scrutin, le support
original de mémoire et la ou les copies de ce support sont
placés dans des enveloppes distinctes et remis, contre
récépissé, au président du bureau principal cantonal ou
communal ; que l’article 18 de la loi du 11 avril 1994
organisant le vote automatisé porte que :
" Le président du bureau principal de canton ou
communal, selon le cas, procède, dès réception des
supports de mémoire provenant du bureau de vote, à
l’enregistrement du support original sur le support de
mémoire destiné à la totalisation des votes.
Si l’enregistrement au moyen du support de mémoire
original se révèle impossible, le président du bureau
principal recommence l’opération au moyen de la copie de
ce support.
Si cette opération se révèle également impossible,
le président du bureau principal requiert de la commune
concernée la fourniture de l’urne électronique correspondante ;
après l’avoir descellée, il procède à un
enregistrement complet des cartes magnétiques qu’elle
contient. L’enregistrement du bureau de vote terminé,
le président scelle à nouveau l’urne et la retourne à la
commune. Il procède ensuite à l’enregistrement du
nouveau support de mémoire ainsi constitué"
 ;

Considérant qu’il ressort du procès-verbal du
bureau de dépouillement et de recensement que, pour le
bureau de vote no 11 :
" La disquette initiale a dû être réimprimée suite
à un problème informatique.
Après vérification, elle a inscrit les données
chiffrées qui figuraient au support papier" ;
que la députation permanente admet, dans la décision dont
appel, que le président du bureau principal communal n’a
pas respecté le prescrit de l’article 18 précité lorsqu’il
a été confronté à la défectuosité d’une copie du support
de mémoire provenant du bureau de vote no 11 ; que la
députation permanente a procédé à deux mesures d’instruction ;
qu’elle constate que la première, consistant en une
comparaison des informations fournies par la disquette
"réimprimée" avec celles fournies par les disquettes
"copies", révèle des résultats identiques ; qu’elle en
déduit que "la totalisation de l’ensemble des résultats du
scrutin communal de Jurbise s’est faite sur base de
données incontestables", en ce compris pour le bureau de
vote no 11 ; qu’à l’occasion de la seconde mesure d’instruction
visant à vérifier la totalisation des votes, il a été
constaté que l’urne du bureau de vote no 11 était descellée ;
que la décision dont appel ne fait aucune mention de
cet élément mais constate seulement que le recensement
général des votes opéré au départ des "EPROM" des huit
bureaux de vote a fourni des résultats "exactement identiques
à ceux du recensement général des votes dressé le 8
octobre par le Bureau principal" ;

Considérant que la circonstance que l’urne provenant
du bureau de vote no 11 a été descellée à une date
indéterminée se situant entre le 8 octobre et le 15
décembre 2000 ne permet pas d’exclure la possibilité de
manipulation des cartes magnétiques qui s’y trouvaient ou
leur remplacement par des cartes autres que celles effectivement
utilisées par les électeurs ; que l’opération de
vérification des disquettes a été menée par le représentant
d’une firme privée, à l’aide de son propre ordinateur
portable équipé du logiciel permettant la lecture et la
comparaison des disquettes des bureaux de vote ; qu’il
n’existe aucune impression sur papier des résultats du
bureau de vote no 11 ; que les disquettes des bureaux de
vote ne sont pas lisibles et qu’une vérification de la
totalisation n’est pas possible sans le logiciel d’une
firme privée ; qu’enfin, il est troublant de constater que
c’est une disquette en provenance du bureau de vote no 11,
"réimprimée" selon des modalités qui restent obscures, qui
a été la source de difficultés alors que le requérant
dénonce - certes sans pouvoir s’appuyer sur les constatations
d’un procès-verbal - le fait qu’une disquette de ce
bureau a été pendant un temps indéterminé en possession
d’une personne qui ne faisait pas partie dudit bureau ;

Considérant qu’il est établi que l’article 18 de
la loi du 11 avril 1994 organisant le vote automatisé n’a
pas été respecté ; qu’en raison des circonstances décrites
ci-dessus, il n’est pas possible au Conseil d’Etat,
statuant comme juge d’appel et en pleine juridiction,
d’opérer un contrôle sur les résultats de l’élection en ce
qui concerne le bureau no 11 ; que le nombre d’électeurs y
ayant voté est largement supérieur au nombre de voix qui
permettrait de modifier la répartition des sièges entre
les listes ; que le moyen est fondé,

D E C I D E :

Article unique.

Le recours est accueilli. La décision de la
députation permanente du conseil provincial du Hainaut du
15 décembre 2000 est infirmée. Les élections qui ont eu
lieu à Jurbise le 8 octobre 2000 sont annulées.

Ainsi prononcé à Bruxelles, en audience publique,
le deux mars deux mille un par :

M. GEUS, président de chambre,

Mme DAURMONT, conseiller d’Etat,

Mme GEHLEN, conseiller d’Etat,

Mme HONDERMARCQ, greffier.

Le Greffier, Le Président,

M.-Cl. HONDERMARCQ. J.-Cl. GEUS.