25/01/2001: Plaidoirie pour l’audience au Conseil d’Etat
Affaire Antoun / Ministre de l’Intérieur
Plaidoirie pour l’audience du 25 janvier 2001 au Conseil d’Etat dans l’affaire Antoun / Ministre de l’Intérieur : Annulation du refus de transparence sur le vote automatisé.
M. le Président, Mesdames, Messieurs,
Je sais que les procédures devant votre Conseil sont principalement écrites et je ne vous demanderai donc que quelques minutes de votre temps pour ma plaidoirie.
Vous avez décidé d’aborder le fond du litige et je m’en réjouis tout particulièrement car il est évident, que dans cette affaire, L’Etat a tout tenté pour qu’on n’y arrive pas, allant jusqu’à présenter un document dont l’annulation aurait pu être déclarée uniquement sur base de l’incompétence du signataire.
La partie adverse, le Ministre de l’Intérieur, a tout essayé pour que vous ne soyez pas aujourd’hui devant la question posée par ma requête :
Le Pouvoir Exécutif, peut-il m’occulter les éléments du vote automatisés ?
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Au début, il affirmait que, pour rendre les procédures électorales "sûres", il "devait" les rendre secrètes.
Au point d’essayer de vous faire croire que seul des spécialistes pouvaient vous aider à comprendre sa position.
Il déclarait donc que les rouages des scrutins vous échappaient et ne relevaient donc plus que d’une toute petite minorité intellectuelle...
Ensuite, il a affirmé que je n’avais aucun intérêt dans cette affaire et que vous devriez rejeter ma requête.
Il déclarait donc que les scrutins n’étaient plus d’intérêt public !
Et en finale, dans sa dernière plaidoirie, il a essayé de vous convaincre, par l’ironie et la moquerie, que je menais un "combat" d’un "style" et d’une "époque moyenâgeuse" et "révolue"...
Il déclarait donc qu’exiger le respect de mes droits constitutionnels était risible et n’était plus d’actualité !
A une époque où il est des plus commun, d’utiliser des ordinateurs pour une multitude d’actes sans demander à en connaître le fonctionnement intime... on peut tenter de ridiculiser ma demande de transparence et vous faire croire qu’il s’agit là d’une revendication stérile, tatillonne et "d’arrière garde".
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Et c’est là que réside l’ aberration.
Lors de toutes ces utilisations quotidiennes, il m’importe en effet peu de savoir comment ces ordinateurs mènent à bien leurs tâches car je peux en final vérifier l’exactitude (de l’acte demandé) car :
Il n’y a pas de secret (entre le gestionnaire de l’ordinateur et moi) à propos de l’acte demandé...
Par contre, le secret de mon vote, empêchant toute identification de mon bulletin ( dès que je m’en suis séparé), élimine toute possibilité de m’assurer qu’il a convenablement été pris en charge et qu’il n’a pas été altéré par le système.
Le secret de mon vote empêche toute vérification postérieure !
Il en résulte donc que la seule vérification possible qui me reste est une vérification théorique et préalable de toutes ses composantes.
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Puisque vous avez décidé d’apporter la solution la plus complète au litige, je voudrais rappeler à ce stade et très brièvement quelques notions sur le fonctionnement des ordinateurs.
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Le principe de base des ordinateurs est : la programmation.
C’est à dire, la "mise en place" par des experts, d’une série "d’ordres" que la machine devra exécuter.
Ces "instructions", ces "directives" peuvent aller jusqu’à donner l’ordre de ne plus exécuter une partie du "programme" que l’on aurait rendu public, au profit d’une autre partie que l’on aurait occulté sous un quelconque prétexte.
Et donc, si une partie des instructions est gardée secrète, la publicité partielle offerte perdrait tout son sens puisqu’elle pourrait parfaitement être rendue inopérante par la partie occultée.
La moindre parcelle cachée de ces systèmes peut "masquer" le "démantèlement", le "dérèglement" de l’ensemble...
Et c’est donc pour cela que j’ai demandé à connaître les moindres détails tant logiciels que matériels de cette manière de me faire voter.
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Je sais parfaitement que l’objet du litige porté devant votre Conseil n’est pas le fait que le législateur ait voulu introduire dans les isoloirs, une machine pour prendre en charge mon vote ou qu’il ait voulu se "débarrasser" des assesseurs et des témoins pour effectuer les dépouillements
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L’objet du litige est que le Pouvoir Exécutif, à l’occasion de l’introduction du vote automatisé, s’octroie le droit d’en occulter les rouages et de m’en interdire l’accès, et cela, relève de votre Conseil.
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C’est d’avenir et de futur dont il s’agit.
C’est la toute première fois qu’un tel litige a lieu et, par votre arrêt, j’espère que vous contribuerez à poser une balise pour le futur, une norme, à laquelle j’ai droit :
la transparence des scrutins, et cela, quelques soient les méthodes a venir.
Car ce sont les méthodes qui doivent s’accommoder aux principes
et non les principes qui devraient pâtir des limites technologiques et de leur pauvreté..
J’espère vous avoir convaincu qu’il ne peut exister de circonstances permettant de m’occulter le moindre des rouages des scrutins automatisés, sous peine d’admettre et d’accepter que dorénavant ceux-ci ne relèvent plus de la population, c’est a dire de la Nation, mais des seuls experts nommés par le Pouvoir en place ce qui, en matière de scrutins n’est pas conforme au sens démocratique le plus élémentaire...
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Je vous remercie pour votre attention et vous prie d’annuler l’acte en question et de condamner la partie adverse aux frais.