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22/09/2006: Dans la Libre Belgique du 22/9/06 : "Le vote électronique ne fait pas l’affaire de la démocratie."


Ce vendredi 22 Septembre, une page opinion écrite par l’assocation PourEVA a été publiée dans la Libre Belgique. Un encadré sur la page de couverture du journal l’annonce et invite à la lire en page 34.

Texte de l’article :

"Un CLIC antidémocratique"

Le vote électronique sera de nouveau utilisé lors des prochaines élections communales. Sans que l’on remette en cause son fonctionnement, et encore moins sa légitimité.

La Belgique « expérimente » depuis 15 ans des systèmes de vote et de dépouillement automatisés. Si, au départ, seuls deux cantons électoraux étaient concernés, depuis 1999, 44 % des électeurs (100 % à Bruxelles, 49 % en Flandre et 22 % en Wallonie) sont contraints d’utiliser un système de vote automatisé. Ceci sans qu’aucune évaluation sérieuse des « expériences » n’ait été réalisée par le Parlement fédéral.

Les objectifs proclamés en 1991 par le gouvernement pour justifier l’automatisation étaient : diminuer le nombre des assesseurs nécessaires, communiquer plus rapidement les résultats officieux des élections, augmenter la fiabilité de ceux-ci et réaliser des économies.

Le premier de ces quatre objectifs a probablement été atteint : le nombre d’assesseurs nécessaires a diminué. Ils ont d’ailleurs complètement disparu dans la phase de dépouillement. Mais l’on peut légitimement se demander s’il est sain qu’une démocratie, recherche avant tout à mobiliser le moins possible de personnes le jour où celles-ci sont amenées à choisir leurs représentants politiques, cela au point de supprimer le contrôle du bon déroulement des élections par les citoyens-électeurs. Ne serait-il pas indiqué, au contraire, de faire des jours d’élections des moments de grande mobilisation citoyenne ?

Si quelques heures de temps ont été gagnées ici ou là, dans bien d’autres endroits, des incidents en tous genres ont au contraire retardé la publication des résultats. Ce fut souvent le cas en Région bruxelloise, la seule ou le vote électronique est généralisé.

Par ailleurs, le vote électronique ne s’est pas avéré totalement fiable. Les nombreux incidents décrits dans les rapports déposés par les collèges d’experts désignés par les divers parlements l’attestent.

Quant aux surcoûts engendrés par l’automatisation, ils ont fait la Une de l’actualité politique quand les Régions, placées devant leurs nouvelles responsabilités (organiser les élections communales et provinciales) ont tout à coup réalisé, que cette « modernisation » avait un prix ... très élevé : trois fois celui du vote papier. Si le vote automatisé avait été généralisé à toute la Wallonie, il aurait coûté 23 millions d’euros supplémentaires !

L’association citoyenne PourEVA dresse un bilan très négatif de l’« expérience », non seulement en comparant les résultats obtenus en regard des buts annoncés mais aussi et surtout par le constat que le système utilisé remet en question deux des fondements de notre système de démocratie représentative : le contrôle des opérations électorales par les citoyens-électeurs et la garantie du secret du vote. Dans le système traditionnel (qui concerne toujours, rappelons-le, la majorité de nos concitoyens), chaque électeur peut vérifier lui-même l’ensemble des informations que comporte son bulletin de vote et ce sont des citoyens-électeurs qui assurent le décompte des voix. Tout cela sous le contrôle de témoins de partis, présents dans les bureaux de vote et les bureaux de dépouillement. Le vote électronique, au contraire, oblige les électeurs à faire aveuglément confiance aux machines et aux techniciens des firmes chargées par le Ministère de l’Intérieur de l’installation et de la maintenance de celles-ci. Nous considérons que cette déresponsabilisation des citoyens-électeurs est incompatible avec les principes qui doivent régir une élection digne d’un Etat démocratique. Autrement dit, quel que soit le système mis en place, l’exigence démocratique de transparence implique qu’il permette un comptage et d’éventuels recomptages effectués par les citoyens eux-mêmes de l’enregistrement papier des votes émis.

Nous tenons à insister sur le fait que la Belgique et les Pays-Bas sont, à ce jour, les seuls Etats de l’Union Européenne à pratiquer sur une grande échelle un système de vote automatisé qui échappe totalement au contrôle des électeurs. L’Irlande qui avait pourtant déjà dépensé 52 millions d’euros dans l’achat de machines à voter électroniques en 2004 a fait marche arrière et ne les a pas utilisées.

La responsabilité de nos représentants politiques n’en est que plus grande car l’automatisation des opérations électorales est un marché potentiellement colossal et le fait que la démocratie belge s’accommode d’un système opaque est un merveilleux argument pour exporter ce « produit » dans bien d’autres pays ... pas forcément démocratiques.

Face à l’immobilisme du Parlement fédéral, nous avons demandé que les parlements régionaux, désormais compétents pour ce qui concerne l’organisation des élections communales et provinciales, prennent leurs responsabilités, en prenant en considération non seulement la question des coûts mais aussi celle, plus fondamentale, du rétablissement de la compatibilité des systèmes de vote utilisés avec les exigences démocratiques. Il n’en fut rien. Le projet d’accord de coopération conclu en juillet 2005 entre le Gouvernement fédéral et les Gouvernements régionaux relatif à l’utilisation des systèmes de vote automatisé lors des élections de 2006 et 2007 a instauré une coopération de type organisationnelle, financière et technique. L’utilisation du matériel de vote de première génération sera prolongée jusqu’en 2008 date à laquelle les partis s’engagent à se concerter en vue du développement éventuel d’un nouveau système de vote électronique.

La question de la compatibilité d’un tel système avec les critères d’une élection démocratique est donc restée au second plan. Nous le regrettons profondément. Et nous nous en étonnons car, du côté francophone en tout cas, des représentants politiques de tous les partis démocratiques ont depuis longtemps manifesté de sérieuses réticences face à l’automatisation des opérations électorales.

Nous demandons encore une fois aux parlementaires fédéraux et régionaux de prendre leurs responsabilités : les élections sont le fondement de notre système politique. Les conditions de leur réalisation méritent un débat de fond car une démocratie représentative digne de ce nom est incompatible avec un dispositif qui prive les citoyens ordinaires de toute possibilité de contrôle sur les opérations électorales.

Jacques Bourgaux (avocat), Marc Deroover (ingénieur civil), Patricia Fenerberg (enseignante), David Glaude (informaticien), Kommer Kleijn (cameraman et enseignant), Hendrik Laevens (enseignant), Alexandra Mocole (ingénieur architecte), Michel Staszewski (enseignant), Michel Vandenbranden (chercheur à l’ULB) ; Claire Verhesen (libraire retraitée), membres de l’association de citoyens « PourEVA » (Pour une Ethique du Vote Automatisé - http://www.poureva.be ).