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24/09/2006: Elections communales du 8 octobre 2006 : lettre de protestation au juge de paix


Un citoyen indigné annonce sa décision de refuser de voter par le moyen du système automatisé en vigueur dans sa commune et donne les raisons de ce choix.

Auderghem, le 24 septembre 2006

Monsieur Pierre Cauchie, Juge de Paix,
Chaussée de Wavre, 1789, 1160 Bruxelles

Copie au Président du bureau de vote n° 4 de la section « centre » de la commune d’Auderghem

Lettre recommandée

Concerne : Elections communales du 8 octobre / refus de voter par le truchement du vote automatisé

Monsieur,

J’ai reçu, il y a peu, ma convocation électorale. Pour la cinquième fois, je suis mis dans l’obligation d’exercer mon devoir d’électeur au moyen d’un système de vote automatisé. Ce système prive les électeurs de toute possibilité de contrôle des opérations électorales : il leur est impossible de lire ce qui se trouve sur la carte magnétique qui leur est remise, ni avant ni après le vote et ils ne peuvent savoir ce qui s’y trouvera indiqué après son passage dans l’urne électronique. Il n’y a plus de dépouillement ; ce sont des machines qui décodent les disquettes provenant des urnes électroniques.

Le législateur a confié la tâche de vérifier le bon fonctionnement des élections aux présidents des bureaux de vote, aux assesseurs et aux témoins des partis. Depuis l’introduction du vote électronique, aucune de ces personnes n’est en mesure d’affirmer que tout s’est déroulé correctement, car ce sont des machines qui opèrent, non pas sous leur contrôle mais sous celui d’experts en informatique : si une machine tombe en panne, le président du bureau de vote fait appel à un technicien d’une firme privée désignée à cet effet. Qui peut affirmer qu’aucun vote ou décompte n’est perdu ou modifié lors de cette intervention ?

Le législateur a bien décidé que des experts, désignés dans le cas présent par les assemblées parlementaires régionales, surveilleraient l’ensemble des opérations électroniques avant et pendant les élections. Mais dans leurs rapports concernant les quatre élections précédentes, les experts désignés par les divers parlements constataient que, dans la pratique, seuls les techniciens des sociétés qui avaient installé les systèmes étaient en mesure de les contrôler efficacement.

Mais même si ces experts contrôlaient vraiment les systèmes informatiques utilisés, il n’en resterait pas moins que la grande masse des électeurs se verrait toujours dépossédée de toute possibilité de contrôler elle-même les élections. Et c’est bien là le fond du problème : avec le vote électronique tel qu’il est organisé en Belgique, il n’y a plus de contrôle citoyen des élections, ce qui est pourtant un principe de base de la démocratie représentative.

En cette année 2006, la Belgique préside l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (O.S.C.E.). Une de ses institutions spécialisées, le Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme (BIDDH) est chargé d’aider à garantir des élections libres et honnêtes, par l’envoi d’observateurs un peu partout dans le monde. Le manuel de l’observateur de l’OSCE édition 2005 condamne clairement les « systèmes de vote électroniques qui ne laissent pas de trace papier vérifiée par l’électeur lui-même et qui ne sont pas consultables manuellement ». Les autres recommandations de l’OSCE à propos du vote électronique ne sont pas non plus respectées en Belgique. Le manuel de l’OSCE le confirme donc : le vote automatisé actuel belge ne correspond pas aux normes internationalement reconnues d’une élection démocratique.

La Belgique et les Pays-Bas restent, à ce jour, les seuls Etats européens à avoir introduit à grande échelle de tels systèmes incontrôlables par les citoyens-électeurs. Par contre l’Irlande, qui avait pourtant déjà dépensé 52 millions d’euros dans l’achat de machines à voter électroniques en 2004, a fait marche arrière et ne les a pas utilisées.

Lors des élections fédérales, régionales et européennes de juin 1999 et lors des élections communales d’octobre 2000, j’ai rempli mon devoir électoral, comme je l’avais toujours fait auparavant (en votant et en remplissant à de multiples reprises une fonction d’assesseur au dépouillement), tout en remettant une lettre de protestation au président de mon bureau de vote. Depuis 1999, le combat que je mène, avec d’autres citoyens, contre ce déni de démocratie qu’engendre le vote automatisé tel qu’il est actuellement pratiqué en Belgique a pris diverses autres formes : pétitions, actions en justice, conférences, articles dans la presse, rédaction de lettres ouvertes aux parlementaires, rencontres de mandataires publics, etc. Mais depuis cette même année 1999, la situation en la matière n’a pas évolué : 44 % des électeurs (22 % en Wallonie, 49 % en Flandre et 100 % dans la région de Bruxelles-capitale) sont obligés de voter « à l’aveugle », avec une carte magnétique.
C’est pourquoi, cohérent avec moi-même, et plus que jamais soucieux de la pérennité de notre démocratie représentative, dont les élections constituent, à mes yeux, la pierre angulaire, et bien qu’il m’en coûte, je prends aujourd’hui, pour la troisième fois consécutive, la décision de marquer mon opposition résolue au vote électronique tel qu’il est pratiqué en Belgique en refusant de voter de cette façon. Le jour des élections, je me rendrai dans le bureau électoral où je suis censé remplir mon devoir d’électeur. Après avoir constaté qu’on m’oblige une fois de plus à voter par un moyen non démocratique puisque incontrôlable par les citoyens-électeurs, bien qu’il m’en coûte, je manifesterai mon refus de voter de cette manière au Président du bureau de vote et je lui remettrai une copie de la présente lettre, en le priant de l’annexer au procès verbal des opérations électorales qu’il a la charge de rédiger. Je marquerai, de cette manière, mon attachement à notre démocratie représentative et mon refus d’une procédure électorale qui banalise le moment du choix de nos représentants politiques en déresponsabilisant les citoyens.

Je me réserve en outre le droit de rendre publique cette démarche à caractère protestataire.

Je vous prie de croire, Monsieur le Président, à l’expression de mes meilleurs sentiments.

Michel Staszewski