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01/06/2007: Pourquoi je refuserai de voter le 10 juin

Lettre à la Présidente du canton électoral d’Ixelles


"La confiance ne peut s’instaurer que dans un système contrôlable, et celui-ci ne l’est pas".

Lettre adressée A Madame BODENSTAB, Juge de Paix, Présidente du Canton électoral d’Ixelles (avec copie au Président du bureau de vote)

Madame,

Nous voilà à nouveau tenus de remplir notre « devoir électoral » au moyen du vote électronique. Comme depuis les élections précédentes, malgré les efforts de certains membres du Parlement bruxellois (cf. la Résolution déposée en date du 28 avril 2005 par le Parlement bruxellois), rien n’a été modifié de façon significative à cette procédure, je m’insurge à nouveau contre ce mode de scrutin, et ceci toujours pour les raisons qui m’ont fait refuser le vote électronique lors des élections précédentes. Pour mémoire, en voici quelques-unes :

- L’électeur n’est pas en mesure de vérifier son oqte ni le devenir de celui-ci, ou contrôler le bon déroulement de la procédure électorale puisque le système est totalement opaque, et que l’ensemble de l’opération n’est gérée que par les « machines ».

- Les présidents et assesseurs ne peuvent s’avancer d’une quelconque façon à dire qu’ils assurent « l’honnêteté » du vote, puisqu’ils doivent se borner à appliquer un « mode d’emploi » technique et à surveiller le fonctionnement de machines dont ils ne savent rien (ils ne connaissent pas la teneur de « l’initialisation », ni le devenir des votes dans les opérations de centralisation, par exemple) : il n’y a donc pas de contrôle démocratique possible.

- Les seuls « contrôleurs » de l’opération électorale sont les techniciens gestionnaires des firmes privées et le Collège des Experts désignés par le Parlement (quelques personnes, dans le meilleur des cas, pour plusieurs milliers d’ordinateurs ! ne pouvant évidemment se faire qu’une idée très.. .partielle de l’ensemble du (bon) fonctionnement du vote électronique). De plus, les recommandations (même à titre consultatif) de ce Collège sont restées lettre morte au Parlement, lequel n’a, semble-t-il, jamais réellement débattu du fond du problème.

- Les erreurs et anomalies constatées lors des expériences de « ticketing » précédentes n’ont pas été prises en compte, et toute vérification a posteriori des élections étant impossible, les doutes et inquiétudes ( sans même évoquer les « manipulations » - indétectables- potentielles) restent évidemment totalement présents (le Ministre s’était borné à faire une action médiatique « cosmétique » pour redonner « confiance » à la population - et la Région wallonne a refusé le vote électronique sans doute uniquement parce qu’il est bien plus coûteux que le « vote papier »).

Mais confiance en quoi ? La confiance ne peut s’instaurer que dans un système contrôlable, et celui-ci ne l’est pas.

De surcroît, il me semble que les garanties pour notre démocratie représentative, mises (très soigneusement) en place, historiquement, par le Code électoral s’amenuisent progressivement. Enfin, comment la « confiance » dans le vote informatisé pourrait-elle s’instaurer lorsque l’on sait de façon de plus en plus formelle que tous les systèmes électroniques peuvent être altérés par l’intervention de divers éléments impondérables et imprévisibles. De nombreuses études sur la sécurité informatique, en France, aux Etats-Unis, en Hollande montrent bien le côté aléatoire du système, et ceci sans même parler des « imprécisions » relevées par le Collège des Experts inhérentes à la procédure mise en place en Belgique. J’ajouterai que tout perfectionnement des techniques informatiques ne saurait rendre le scrutin moins opaque pour le citoyen, puisque c’est le principe même de l’intermédiaire entre l’électeur et son vote qui est en cause, et que ceci renforce le fossé qui se creuse de plus en plus entre le citoyen et la politique : beaucoup de gens sont maintenant conscients de cet écart préjudiciable à tous.

Je me trouve donc à nouveau devant une contradiction fondamentale : le désir - et le devoir - de voter et de participer ainsi de façon active et responsable à la vie politique, et l’obligation de transmettre mon vote par le truchement d’un outil technique, incontrolable dont je ne sais rien de la fiabilité, opaque et, partant, non démocratique.

Entre autres moyens de protester contre cet état de fait, je vois celui de m’abstenir de voter, quoiqu’il m’en coûte moralement et civiquement, et je me rendrai donc à mon bureau de vote, le jour des élections, avec une copie de la lettre que je me permets de vous faire parvenir, et demanderai au Président de bien vouloir l’annexer au procès-verbal des opérations électorales dont il a la charge, mais je ne voterai pas.

Je vous prie de croire, Madame, à l’expression de mes sentiments respectueux.

Claire VERHESEN