27/01/2008: Un rapport biaisé qui propose un système de vote, de dépouillement et de totalisation inacceptable
PourEVA analyse l’étude des systèmes de vote électronique récemment publiée par un consortium de sept universités belges
Les universitaires chargés par les gouvernements fédéral et régionaux de "procéder à une étude comparative indépendante des systèmes de vote utilisés" (p. 2 de la première partie du rapport Le rapport BeVoting sur le futur du vote électronique en Belgique) ont produit un document complètement biaisé. Cela apparaît de manière flagrante dans la deuxième partie de leur étude qui est consacrée à l’examen comparé de différents systèmes de vote électronique. Aucune comparaison n’y est faite entre ces procédés et notre système de vote papier, comme s’il allait de soi que ce dernier, qui est pourtant encore utilisé par 56 % des électeurs, devrait être définitivement abandonné. De plus, les procédés qu’ils préconisent sont inacceptables en regard des exigences élémentaires de la démocratie.
On trouve une autre preuve flagrante du parti pris des auteurs de l’étude à la page 55 de la première partie où ils osent affirmer qu’en Belgique "aucun groupe ou comité d’action n’a jamais critiqué de manière systématique l’introduction graduelle des machines à voter". Non seulement ces universitaires n’ont pas pris la peine de s’intéresser aux points de vue de ceux qui se battent sans discontinuer depuis 1994 (!) par leurs écrits, des pétitions, des interpellations de leurs représentants politiques, des actions en justice, des conférences, des actions publiques de protestation, contre un système de vote électronique indigne d’une démocratie ; mais ils osent affirmer leur inexistence ! Il n’y a décidément pire sourd que celui qui ne veut pas entendre !
Le présent article, écrit dans l’urgence, ne prétend pas analyser en détails l’ensemble d’un rapport qui fait 425 pages et contient, dans sa première partie, une analyse de nombreux systèmes différents, automatisés ou non, expérimentés de par le monde.
Les considérations qui suivent concernent surtout le système qui a la préférence du consortium d’universitaires, à savoir ce qu’ils nomment un "système amélioré de vote à l’aide de bulletins en papier".
Voici la description résumée de ce système qu’on trouve à la page 3 de la deuxième partie de l’étude : "L’électeur exprime son vote à l’aide d’une machine à voter électronique, qui imprime ce vote d’une façon lisible par un être humain sur un bulletin de vote et l’enregistre sous une forme traitable par ordinateur sur ce même bulletin de vote, soit dans un code à barres, soit dans une puce RFID (Radio Frequency IDentification). Après impression du bulletin, l’électeur vérifie que le vote imprimé correspond bien aux choix exprimés par le biais de l’ordinateur de vote. Ensuite l’électeur fait en sorte que seule la partie traitable par ordinateur reste visible soit en pliant le bulletin, soit en l’insérant dans une enveloppe. Dans les deux cas, le bulletin plié ou l’enveloppe est présenté(e) au président du bureau de vote qui vérifie l’absence de marques non autorisées, après quoi le bulletin est introduit par l’électeur dans l’urne du bureau de vote".
Il est en outre prévu que les urnes de plusieurs bureaux de vote seront rassemblées dans un "centre de lecture des bulletins" et que les bulletins seront"dépouillés" par une machine équipée d’un lecteur de codes-barres ou d’un lecteur de puces RFID. (p. 28)
UN SYSTEME NON DEMOCRATIQUE
Il n’est pas besoin d’entrer dans plus de détails techniques pour mettre en évidence l’incompatibilité d’un tel système avec un principe de base d’une élection démocratique. Il s’agit du critère essentiel de validité d’un système électoral d’un point de vue démocratique qu’est le contrôle effectif des opérations électorales par les citoyens-électeurs eux-mêmes. Il est complètement négligé au profit du critère "confiance des électeurs" (voir par exemple page 77). Le système préconisé est en effet absolument incontrôlable par les électeurs. Il est question d’"observateurs indépendants", de "vérificateurs" ou d’"administrateurs-systèmes" dont-il n’est pas dit comment ils seraient choisis. Ce qui est certain c’est que ces rôles ne pourraient être remplis que par des experts en informatique. Ceci est incompatible avec cette exigence démocratique d’un contôle effectif de l’ensemble des opérations électorales par les citoyens-électeurs eux-mêmes.
Le recomptage visuel des bulletins papiers n’est envisagé que sur plainte (de qui ? Pourquoi ? Dans quelles conditions ? Tout cela n’est pas précisé) et le rapport ne prend pas position sur la question de savoir quel serait le résultat pris en compte en cas de divergence entre le comptage électronique et le comptage manuel.
REJET PEU CONVAINCANT D’UN AUTRE SYSTEME CONTROLABLE PAR LES ELECTEURS
La lecture optique des bulletins papiers sans codes-barres est condamnée avec très peu d’arguments qui sont par ailleurs très peu convaincants (p. 78) : il est affirmé, sans preuves, que ce système serait plus coûteux que le système proposé dans le rapport ; il serait "relativement lent" ; "susceptible d’erreurs" et produirait "de grandes quantités d’informations qu’il faut transmettre et conserver pour pouvoir effectuer des vérifications". Le rapport ne mentionne pas que le collège d’experts désigné par les différents parlements pour contôler les élections l’a déclaré à deux reprises "fiable et mûr" et ne fait aucune mention du fait qu’un tel système offrirait l’énorme avantage de permettre un contrôle visuel de l’ensemble des opérations électorales par des citoyens-électeurs ordinaires. Rappelons que la position de PourEVA est qu’un tel système est acceptable si la législation électorale prévoit un contrôle significatif et systématique (dans tous les bureaux de dépouillement) de la conformité du dépouillement par lecture optique, par le moyen de recomptages manuels par des citoyens-électeurs non experts en informatique.
NEGLIGER LA QUESTION DU COUT ?
Les informations données quant aux coûts des différents équipements proposés sont très lacunaires. Elles ne permettent aucune comparaison, ni avec le système traditionnel, ni avec les systèmes automatisés ayant déjà été utilisés en Belgique. Cela n’est pas sérieux.
Rappelons que selon les chiffres officiels publiés par le Ministère de l’Intérieur en 2005, le vote électronique tel qu’il a été utilisé ces dernières années en Belgique coûte trois fois plus cher que le vote papier (Sénat : Le Ministère de l’Intérieur révèle le coût réel du vote électronique).
LE VOTE A DISTANCE EST A REJETER DANS TOUS LES CAS
Notons encore à propos des votes à distance (que le rapport ne défend pas), qu’il est mentionné une seule fois cette vérité élémentaire que, dans tous les cas, les votes à distance ne garantissent pas le secret des votes (p. 107) : "... il subsiste des questions relatives à la coercition, à l’achat de votes, etc, ... qui sont difficiles à éviter, quel que soit le système de vote à distance mis en oeuvre".
Pourtant, Ailleurs dans ce rapport, cet élément essentiel semble complètement négligé. Le vote par Internet, absolument incontrôlable tant du point de vue de la garantie du secret du vote que de la prise en compte de celui-ci, apparaît au contraire comme le but final à atteindre un jour.
CONCLUSION
Un examen sommaire du système préconisé par les auteurs de l’étude suffit à le condamner car il saute aux yeux que l’un des principes essentiels qui doit régir une élection démocratique, à savoir le contrôle entier des opérations électorales par les citoyens-électeurs et les témoins de partis, seule garantie possible de l’honnêteté du processus, n’est absolument pas rencontré.
D’une manière plus générale, nous sommes frappés par le parti pris de cette étude, comme si les chercheurs de ces sept universités avaient tous succombé au mirage de la "modernité". Pour les membres de PourEVA (qui comptent parmi eux une proportion importante d’informaticiens), des innovations techniques ne peuvent être utilisées lors des élections que si elles sont compatibles avec ce principe de base qui doit régir une démocratie représentative : le jour des élections c’est l’ensemble des citoyens-électeurs qui exercent la souveraineté. C’est donc à eux qu’appartient le contrôle de la régularité des opérations électorales et non à des "experts" émanant des pouvoirs en place ou de firmes privées. Et ce n’est que de cette façon, en établissant pour tous la transparence des opérations électorales, qu’on pourra obtenir de façon durable la "confiance des électeurs".
PourEVA