16/09/2010: OSCE : Séminaire sur le vote électronique organisé à Vienne les 16 et 17 septembre 2010
« Present State and Prospects of Application of Electronic Voting in the OSCE participating States »
Séminaire organisé par la présidence kazakhe de l’OSCE en coopération avec le Bureau pour les institutions démocratiques et les droits de l’homme (ODIHR) de l’OSCE
Compte-rendu de Kommer Kleijn, le délégué de PourEVA au séminaire OSCE à Vienne
Ce séminaire a permis aux Etats membres de l’OSCE de présenter leur expérience en matière de vote électronique ainsi que leurs projets futurs.
Un grand nombre de pays étaient représentés par une bonne centaine de délégués.
Il y avait fort peu de représentants d’organisations opposées au vote électronique. A part l’association belge PourEVA, seule l’organisation kazakhe s’est manifestée comme opposant au vote électronique. J’ai pu intervenir 3 fois, une fois par session.
La tendance générale des interventions était plutôt favorable au vote électronique, surtout celles des pays d’Europe de l’Est.
Un de ces exposés contenait une contrevérité flagrante, que j’ai pu faire remarquer lors de mon intervention : l’Iralande était présenté comme un pays pratiquant le vote électronique par des cartes projetées par un délégué autrichien alors qu’en réalité le vote électronique n’y a jamais dépassé le stade d’essais et qu’il est maintenant tout a fait abandonné depuis plusieurs années !
Ces avis favorables ont entraîné incompréhension et étonnement chez les représentants des pays qui ont renoncé au vote électronique. (Pour rappel, dans l’Union européennne, la Belgique est le seul Etat à encore utiliser le système du vote électronique à grande échelle).
Malgré le recul du vote électronique en Europe de l’Ouest et en général, la présidence du séminaire réussit à créer une ambiance "constructive", positive ("on va résoudre les problèmes"). Heureusement que PourEVA était présente pour freiner de temps en temps l’enthousiasme sur l’avancement du vote électronique.
Il n’y eut pourtant aucune présentation de nouvelles techniques. Les seules solutions proposées sont toujours la trace papier ou la cryptographie end-to-end dans le cas du vote par Internet.
Une représentante de l’OSCE a expliqué qu’une trace papier n’a de sens que si une partie significative des bulletins en papier est recomptée manuellement et systématiquement et sur des bureaux choisis au hasard après la clôture des urnes. Elle fit remarquer que cela remettait en question l’intérêt du vote électronique lui-même.
J’ai ajouté que les feuilles devaient être du format A4 ou plus et ne pouvaient contenir qu’un seul vote en cas d’élection multiple (par exemple une élection nationale couplée à une élection européenne), cela pour pouvoir les trier et rendre un comptage manuel effectivement praticable. J’ai relaté l’expérience belge en matière de ticketing.
Le représentant officiel belge, Monsieur Demul, fonctionnaire au Ministère de l’Intérieur a présenté la situation du vote électronique en Belgique et signalé qu’un appel d’offre a été lancé récemment (été 2010) au niveau fédéral. Seule la Région flamande y participe. Ni la Région de Bruxelles-Capitale, ni la Région wallonne ne s’y sont associées. La Wallonie a récemment parlé d’un système de lecture optique.
Et Monsieur Demul conclut que le futur du vote électronique en Belgique est incertain (tout comme le futur du pays) .
En Estonie, l’utilisation du vote électronique qui est facultatif et par Internet concerne 5% des votes. Elle a déjà concerné 4 élections dont 2 en 2009.
Les seuls nouveaux pays déclarés comme ayant l’intention de pratiquer le vote électronique sont le Kazakhstan et la Norvège.
Rien n’aurait été dit sur le récent scandale en Inde si je n’en avais pas parlé : un groupe de contestataires y avait démontré publiquement que les machines à voter indiennes pouvaient etre manipulées au point de donner des résultats mensongers, sans autres signes d’anomalies).
Le vote électronique progresse en Russie où il est projetté de passer de 1 à 5% de votes automatisés. En plus de la lecture optique, il y aura aussi des machines DRE (pas encore utilisées, mais mises en démonstration lors du séminaire) avec VVAT mais ticket sur rouleau (ce qui empêche en pratique un recomptage manuel a cause de l’impossibilité de trier les morceaux de papier crollants). Autres problèmes liés à ce système : premièrement le rouleau reste en un bout (se ré-enroule) ce qui enregistre donc l’ordre de passage des votes, deuxièmement le papier enroulé rend donc en pratique impossible un recomptage manuel. Autre nouvauté russe : un projet (encore peu developpé) d’un système de vote par GSM ... !
Le système du vote électronique utilisé au Kazakhstan est très mauvais du point de vue démocratique. Il est assez semblable à celui de la Belgique sauf que les machines isoloirs utilisent du hardware propriétaire qui, au lieu de cartes magnétiques, utilisent des cartes à puce style Bancontact et que le PC "urne" contient aussi la liste des électeurs et est utilisé également pour l’identification de l’électeur ! On y scanne les cartes d’identité ! "Ne vous inquiétez pas, l’ordinateur n’enregistre pas le lien entre l’électeur et son vote..." . (Mais il n’existe aucun moyen de vérifier ceci). Ce système était en démonstration sur place avec une question type référendum : "Est-ce que vous soutenez l’utilisation de l’électronique lors des élections ? oui/non". Implémentation au Kazakhstan en ce moment : 1% .
En Norvège, la situation est aussi très inquiétante : les autorités préparent un système de vote par Internet "estonien amélioré", bourré de cryptographie, vérification end-to-end, open source, etc. Le représentant du ministère explique que "la cryptographie est si sophistiquée et complexe qu’il faudrait 3 heures pour l’expliquer" et "que de toute façon il ne le comprenait pas lui-même". J’ai pu répondre dans ma réplique que cela ne servait alors à rien car si lui ne comprenait déjà pas, alors le citoyen lambda ne comprendrait certainement pas non plus et que dès lors cela ne permettrait pas de contrôler le système.
Prochain événement : OSCE expert meeting on e-voting Strasbourg 16 et 17 novembre 2010, pour l’élaboration de standards.
Conclusion :
- Le vote électronique n’est pas mort, les gouvernements, mais surtout les fonctionnaires et fabricants en rêvent toujours.
- La présence d’un délégué de PourEVA fut très utile pour donner un point de vue différent. Pourquoi si peu de représentants des "contre" ? Ont-ils été invités ? Croient-ils la bataille gagnée ?