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05/01/2012: Smartmatic et le secret du vote


A plus d’un titre, le système de vote Smartmatic ne respecterait pas le secret du vote de l’électeur et permet à un membre du bureau de retrouver qui a voté pour qui, en particulier pour les électeurs votants dans l’isoloir adapté aux personnes à mobilité réduite.

Le plus inquiétant est que ces problèmes n’auraient pas été révélés par la certification du système pourtant nécessaire à son utilisation.

Le système BeVoting et sa mise en oeuvre dans le prototype Smartmatic légèrement différent se propose de rassurer l’électeur quant au bon fonctionnement des ordinateurs grâce à l’impression de tickets de vote.

Nous avons déjà fourni beaucoup de critiques du système BeVoting et en particulier du prototype testé le 27 octobre 2011. Mais il apparaît qu’un des principes de base du vote démocratique est mis à mal par le système Smartmatic : le secret du vote.

Le scénario du code barre qui ne scanne pas

Avec le nombre de tickets imprimés et scannés le jour d’une élection utilisant le système Smartmatic, de nombreux tickets ne seront pas scannés, ou pas scannés du premier coup. Ceci peut être dû à un bug informatique, un problème d’imprimante ou une mauvaise manipulation du ticket.

L’électeur se retrouve dès lors coincé devant le scanner de l’urne qui ne veut désespérément pas accepter son bulletin. Là tout le bureau de vote vient essayer de l’aider, président de bureau en tête et chacun essaye à son tour de scanner le bulletin de vote, lentement, de gauche à droite. Certains soupçonnent l’électeur d’avoir fait quelque chose d’incorrect ou imaginent que le bulletin a déjà été scanné une première fois. Surtout, le vote secret de cet électeur passe de mains en mains. Finalement, le président du bureau de vote décide que ce ticket sera conservé et mis de côté pour analyse et que le citoyen pourra re-voter, en espérant que cette fois tout se passe bien.

Au final, avec le système Smartmatic, le secret du vote de cet électeur ne sera plus secret du tout et ce ticket fera l’objet de toutes les analyses.

Les tickets qui viennent de la machine de vote pour citoyens moins valides

Dans tous les bureaux de vote électronique, la commune ou le président de bureau essaye d’installer un isoloir plus accessible que les autres où une personne en chaise, en béquille ou très âgée et qui voudrait voter assis puisse le faire. Cet isoloir est parfois hors de la classe et loin de la surveillance du bureau de vote, ce qui pose d’autres problèmes. Avec les tickets générés par le prototype Smartmatic, cela pose un problème supplémentaire. Chaque rouleau de "caisse" d’un bureau de vote est unique par sa couleur, sa teinte ou tout simplement son niveau de jaunissement. On sait aussi que dans cet isoloir, sur cet ordinateur de vote, très peu de tickets seront imprimés. Bref, tout qui aura accès aux tickets de l’urne pourra constater pour quel(s) type(s) de partis votent ces personnes, voir s’il y en a vraiment peu, savoir qui a voté comment. En vote papier c’est l’équivalent de faire voter dans un isoloir avec un crayon orange au lieu d’un rouge comme partout ailleurs.

Au final, avec le système Smartmatic, le secret des électeurs moins valides est bien mal respecté.

L’ordre des votes reconstitué et le secret de celui qui a voté avant ou après moi

Tous les tickets de vote d’une machine à voter viennent d’un même rouleau et sont découpés ou arrachés les uns après les autres.

Une série d’indices sur le ticket de vote permet, avec un peu de patience, de reconstituer la séquence exacte des votes pour retrouver quel était exactement le premier, le deuxième... vote sur chaque machine de vote.

Les indices sont aux nombres de trois :

  1. La coupure entre deux tickets laisse une imperfection, qui comme une pièce de puzzle permet d’assembler un ticket avec celui qui le précède ou le suit.
  2. Les dessins sur les bords des tickets permettent de vérifier que le puzzle est bien assemblé.
  3. Encore sur le dos des tickets, un numéro tous les x centimètres permet en vérifiant cette distance de savoir exactement si ce sont bien des tickets qui se suivent.

Ces trois informations mises ensemble permettent de reconstruire facilement la séquence des votes. Si un électeur sait que sa femme a voté avant lui dans le même isoloir que lui et que son voisin a voté après lui toujours dans le même isoloir, il peut, moyennant un accès aux tickets de votes, retrouver son ticket et comment ces deux personnes ont voté.

Au final, les tickets du système Smartmatic permettent facilement de reconstituer précisément l’ordre des votes sur n’importe quelle machine de vote, ce qui met en péril le secret du vote des électeurs.

Electeurs perdus demandent assistance

Tous les systèmes de vote et, en particulier, ceux sur ordinateur déclenchent pour un certain nombre d’électeurs une demande d’assistance pour voter. Le nombre de demandes d’assistance est d’autant plus grand lorsque le programme est mal conçu (pas d’étude ergonomique), l’interface utilisateur inhabituel (écran tactile, crayon optique) et la population est défavorisée (personnes peu habituées aux ordinateurs, personnes avec des difficultés de lecture ou de compréhension de la langue...).

Bref, toute une série de personnes demandent, ou non, de l’aide pour voter. Pour ces électeurs, le secret du vote est un vain mot et un assesseur malhonnête peut facilement détourner de nombreux votes pour un parti de son choix.

Il n’existe aucune statistique officielle sur le nombre de demandes d’assistance, mais toute personne ayant participé à un bureau de vote peut attester de ce phénomène qui est variable d’un bureau à un autre. Et il est fort possible que certains électeurs confrontés une fois à la gène de devoir demander de l’aide ne viendra même plus voter la fois suivante.

Sans une étude ergonomique (qui n’a sans doute pas eu lieu), il est difficile de dire si le système Smartmatic est meilleur ou pire que le vote par carte magnétique. Ce qui est certain, c’est que le système est nouveau et donc naturellement difficile, contrairement à un distributeur de billet pour lequel on peut apprendre à l’utiliser.

Un autre indice est que lors de l’expérimentation du 27 octobre 2011, aucun isoloir n’avait été mis en place et que de nombreux citoyens cobayes étaient assistés pendant l’ensemble du processus de vote. Ce test n’a donc pas pu révéler ce genre de problème.

Une des particularités du système Smartmatic est que l’on est obligé d’utiliser l’ordinateur de vote, même pour produire un vote blanc. Il n’est donc pas possible de se cacher quelques minutes dans l’isoloir pour en ressortir en donnant l’impression du devoir accompli comme c’était possible avec le vote par carte magnétique.

Les radiations électromagnétiques ont-elles été prises en compte ?

Tout système informatique génère des radiations électromagnétiques qui peuvent révéler exactement ce que la machine affiche, imprime ou reçoit comme information (clavier, souris, écran tactile...). Ce rayonnement et son utilisation pour espionner à distance un ordinateur est connu sous le nom de phénomène Tempest.

Des hackers néerlandais avaient démontré que l’on pouvait savoir quel vote était fait sur un ordinateur de vote à plus de 20 mètres de distance.

Suite à cette révélation, le Ministère de l’intérieur néerlandais a commandé une étude pour savoir comment se protéger de ce phénomène, et on peut résumer la conclusion en disant qu’il fallait tester chaque machine à chaque élection et que ces tests étaient extrêmement coûteux à réaliser. Suffisamment coûteux que pour condamner le vote électronique aux Pays-Bas.

Les machines Smartmatic sont-elles immunes à ce problème de tout système informatique ? Ont-elles étés testées ? Toutes ? Et le seront-elles avant chaque élection ?

La certification du système Smartmatic aurait dû révéler ces problèmes

Le plus inquiétant n’est pas que le système Smartmatic respecte si peu le secret du vote de l’électeur, mais le fait que ces problèmes n’aient pas été détectés et dénoncés par la société responsable de fournir la certification de ce système.

Avant l’expérimentation du 27 octobre 2011, le prototype de Smartmatic aurait dû recevoir une certification de la société PwC, et c’est seulement avec une certification positive que le prototype aurait pu être accepté et testé. Malheureusement, le rapport de PwC reste secret (comme l’on été tous les rapports de certification, et ce malgré les protestations du collège des experts) mais force est de constater que ces problèmes n’ont pas été suffisamment pris en compte.

Conclusions

Le système Smartmatic et la façon dont sont imprimés les tickets de vote met plus que jamais en péril le secret du vote de l’électeur. Malgré ces problèmes, la certification de ce système semble avoir été donnée par la société PwC et le prototype Smartmatic a été testé sur des citoyens cobayes le 27 octobre 2011.

Nous demandons à ce que le rapport de certification soit intégralement rendu public et que des réponses claires et précises soient données face aux risques de non-respect du secret du vote.

Il n’est pas acceptable en l’état de manque de transparence (certification), et vu toutes ces hypothèques sur le secret du vote, d’investir dans l’acquisition d’un tel système de vote.