15/11/2012: Parlement Bruxellois : questions et réponses concernant les élections communales
Le Ministre-président Charles Picqué répond aux questions de Barbara Trachte et Philippe Pivin
A lire ci-après le compte rendu intégral de la discussion au Parlement bruxellois, révélateur des préoccupations et des conceptions de plusieurs parlementaires régionaux en matière de systèmes électoraux.
INTERPELLATIONS
Mme la présidente.- L’ordre du jour appelle les interpellations.
INTERPELLATION DE MME BARBARA TRACHTE
À M. CHARLES PICQUÉ, MINISTRE- PRÉSIDENT DU GOUVERNEMENT DE LA RÉGION DE BRUXELLES- CAPITALE, CHARGÉ DES POUVOIRS LOCAUX, DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE, DES MONUMENTS ET SITES, DE LA PROPRETÉ PUBLIQUE ET DE LA COOPÉRATION AU DÉVELOPPEMENT,
concernant "le déroulement du scrutin communal et le recours au vote électronique".
INTERPELLATION JOINTE DE M. PHILIPPE PIVIN,
concernant "les problèmes techniques survenus lors du vote dans les deux communes pilotes utilisant le nouveau système de vote électronique".
Mme la présidente.- La parole est à Mme Trachte.
Mme Barbara Trachte.- Pour la deuxième fois, la Région fut chargée d’organiser le scrutin communal. Au cours de cette année, nous avons d’ailleurs eu l’occasion d’adapter plusieurs législations, dont le code électoral communal et les ordonnances qui organisent le vote électronique en Région de Bruxelles-Capitale.
Un mois après ce scrutin, nous disposons d’informations permettant de faire un premier bilan de son déroulement. Des informations sont parues dans la presse, nous disposons aussi des procès- verbaux des différents bureaux, des témoignages émanant des témoins de partis et du rapport du collège d’experts chargé du contrôle du vote automatisé. Celui-ci date du 24 octobre et a donc été rédigé dans le délai légal, mais n’a été porté à notre connaissance que lundi dernier.
Sur la base de ces éléments, nous pouvons nous féliciter, sous réserve de l’aboutissement des recours, du déroulement général du scrutin. S’il y a eu des incidents çà et là, qui nous amènent à réfléchir à l’amélioration de la législation et des pratiques, il n’y a pas eu de problème majeur et généralisé. Cela dit, nous attendons, bien sûr, le résultat des recours qui ont été introduits.
Je souhaiterais vous faire part de certaines remarques à propos d’incidents qui ont émaillé le déroulement du scrutin. Pris isolément, ces incidents ne sont sans doute pas de nature à entacher l’organisation des élections, mais, quand on les additionne, ils ne manquent pas de soulever des questions et d’amener des réflexions sur l’organisation des élections, y compris sur le plan législatif.
Ces incidents ont eu lieu autour des bureaux ou au moment du vote électronique. Les faits qui m’ont été relatés n’ont rien de neuf, puisqu’ils se sont déjà produits lors de scrutins précédents : divers candidats se sont postés près des bureaux de vote, voire dans les enceintes mêmes des écoles ; des tracts ont été distribués au-delà de 22 heures ; des assesseurs ont scanné des bulletins de vote ou les ont introduits dans l’urne à la place des électeurs - surtout dans les communes où le nouveau système de vote électronique était utilisé -, les bureaux ont fourni des indications erronées aux témoins sur leurs droits...
On a également constaté un manque d’information des électeurs, des témoins de partis et des assesseurs sur les procédures à respecter et sur la manière de faire acter des éléments aux procès- verbaux.
Ces exemples ont été rapportés par des témoins de partis, par la presse ou par des électeurs. Ils sont importants pour l’évaluation du déroulement des élections et des dispositions que nous avons adoptées au cours des derniers mois. Je songe par exemple au nouveau système de désignation des présidents de bureau et des assesseurs. Les incidents identifiés lors du scrutin nous éclaireront sur son efficacité.
J’en viens au vote électronique. Pour la deuxième fois, la Région a choisi d’y recourir. Je ne reviendrai pas sur les étapes qui ont mené à cette décision, mais je rappelle que pour notre groupe, aucun des deux systèmes de vote utilisés le 14 octobre ne répond aux deux résolutions adoptées par le parlement.
Les communes qui ont utilisé l’ancien système ont rencontré des difficultés qu’elles avaient déjà connues lors de précédents scrutins, telles que des défaillances du crayon optique.
Les opérations restent très complexes pour les présidents de bureau et de bureau principal. Ces derniers ne respectent donc pas toujours les instructions à la lettre. Le rapport d’experts évoque d’ailleurs des "procédures parallèles" qui ne respectent pas totalement les règles adoptées par notre parlement.
Des témoins de mon parti ont également constaté que des enveloppes contenant les supports électroniques avaient été descellées par du personnel communal (et pas par le président du bureau principal) dans une pièce distincte de celle du bureau. Il en a été de même pour la séparation de supports après comptage.
Des présidents de bureau de vote se sont retrouvés avec des supports électroniques vierges sur lesquels ne figurait aucun résultat ; ils ont été invités à retourner dans leur bureau de vote pour enregistrer à nouveau les résultats, alors que l’ordonnance prévoit de recompter les bulletins au bureau principal.
Si de tels incidents peuvent paraître négligeables, ils enfreignent toutefois la législation. Or cette dernière vise à défendre une série de principes dans le déroulement du scrutin. Il faut réfléchir à leur mise en œuvre.
En outre, de nombreux retards ont été constatés, tant dans les opérations de vote que dans le dépouillement des résultats, preuves de la relative efficacité du vote électronique.
En ce qui concerne Smartmatic, le nouveau système testé dans deux communes bruxelloises, il est logique qu’il n’ait pas été exempt de problème, vu que son utilisation constituait une grande première. Je ne m’étendrai pas sur cette question puisque certains de ces incidents font l’objet de recours.
Par contre, des problèmes de scanner ont été signalés. L’enregistrement du vote ne fut pas toujours clair pour les électeurs. Impliquait-il un son ou une lumière ? La réponse n’était pas évidente pour tous, il se pourrait donc que des votes n’aient pas été enregistrés alors que les bulletins en papier ont bien été introduits dans les urnes.
Je pense que les présidents et assesseurs n’ont pas pu systématiquement informer les électeurs de la possibilité de vérifier leur vote sur leur ticket, ou en utilisant l’isoloir de vérification. De plus, présidents et assesseurs n’ont pas pu faire strictement respecter la zone d’attente.
Enfin, la rapidité de lecture des résultats a également connu des ratés dus au système Smartmatic. Il faudra impérativement analyser tous ces dysfonctionnements.
Si je recense tous ces incidents, c’est parce que cela est nécessaire à l’évaluation de la législation et à l’amélioration des procédures.
Quel est votre bilan de la préparation et du déroulement du scrutin, tant pour les deux communes pilotes ayant utilisé le système Smartmatic que pour les dix-sept autres qui ont eu recours à l’ancien système ?
Quelles instructions précises ont-elles été données aux présidents des bureaux de vote et aux présidents de bureaux principaux pour le bon déroulement du scrutin ? Ceux-ci ont-ils pu bénéficier d’une formation ? Si non, pourquoi ? Quelle évaluation peut-on faire du nouveau processus de désignation des présidents et assesseurs ? Fonctionne-t-il ? Qu’en est-il du nombre de désistements ? Globalement, cette nouvelle procédure de désignation permet-elle d’avoir des présidents et assesseurs mieux formés et plus professionnels ?
À ce stade, avez-vous déjà pu procéder à une analyse de tout cela ?
Pour les communes ayant eu recours à l’ancien système de vote électronique, les problèmes évoqués en juillet dernier - le refus de la société Stéria de confectionner le logiciel de vote et de fournir une assistance le jour du scrutin - ont-ils pu être contournés ? Si oui, comment ?
À quelle heure ont été obtenus les résultats pour chacune des communes ? Comment se fait-il que pour certaines communes, les résultats aient été publiés sur le site internet de la Région avant même d’être prononcés officiellement par le juge de paix, conformément à la législation ?
En ce qui concerne les communes qui ont eu recours à l’ancien système, je souhaiterais également connaître le coût engagé lors de ce scrutin pour les opérations spécifiquement liées au vote électronique : honoraires des sociétés privées, matériel, etc.
Quant aux deux communes pilotes, ont-elles rencontré des problèmes dans la préparation des élections ou le jour du scrutin, tant au niveau technique qu’au niveau de l’appréhension par les électeurs du nouveau système ?
Disposez-vous d’une estimation du nombre d’électeurs ayant eu recours au scanner qui permettait de vérifier la comptabilisation de son vote dans un isoloir à part ?
À quelle heure ont été obtenus les résultats dans ces deux communes ? Il me semble que ce fut relativement tard. Quel a été le coût engagé lors de ce scrutin pour les opérations spécifiquement liées au vote électronique : honoraires de la société Smartmatic, matériel, etc. ?
Enfin, puisque nous avons à présent connaissance du rapport des experts, que pensez-vous de leurs recommandations ? Selon moi, certaines sont plus intéressantes que d’autres. Je pense à la publication plus large du code source, à l’amélioration du système Smartmatic au niveau du vote de référence, ou encore à la modification des avertissements sonores de ce système qui posèrent un problème pratique le jour des élections. L’évaluation de ces recommandations mériterait un débat en soi.
Les experts recommandent un recomptage partiel des bulletins de papier. Je ne peux que relever cette information puisque je vous ai dit à plusieurs reprises qu’un recomptage papier devait être systématiquement organisé dans certains bureaux en plus du recomptage des bulletins enregistrés par voie électronique.
Au vu des "procédures parallèles" qu’évoquent les experts, ils recommandent par ailleurs le respect des instructions de la Région par les communes. Il serait intéressant de se pencher sur ce point.
De même, les experts préconisent une information plus efficace et une meilleure formation des présidents et assesseurs.
On pourrait également remettre en question la pertinence de leur recommandation de recourir à la procédure en vertu de laquelle les électeurs déposeraient leur ticket dans l’urne dans le cadre du système Smartmatic. Ceux-ci seraient ensuite scannés lors du dépouillement. Je suis très dubitative à ce sujet, mais il serait intéressant d’y réfléchir.
Mes questions visent une véritable analyse du scrutin pour évaluer quelles modifications, notamment législatives, devraient être mises en œuvre pour améliorer les choses à l’avenir.
Mme la présidente.- La parole est à M. Pivin pour son interpellation jointe.
M. Philippe Pivin.- Deux systèmes ont coexisté lors des élections communales. Or, certaines informations ont rapidement fait état de 300 à 400 appels au numéro de support technique de la coordination régionale. La presse a relayé, dès le matin du 14 octobre, un certain nombre de problèmes techniques dans les communes pilotes.
Suivant la résolution votée par le parlement sur le système de vote électronique, le respect des conditions de sécurité, de confidentialité, de transparence et d’intégrité du vote avait été clairement exigé.
Mon interpellation a été introduite avant la communication du rapport des experts. Cependant, à la lecture de celui-ci, il est apparu que de nombreux points troublants justifiaient mon initiative. Selon le rapport, "la mission de contrôle du collège d’experts à l’occasion des élections communales de 2012 fut particulièrement ardue".
Si nous sommes toujours dans l’attente de décisions juridictionnelles, il nous paraît utile d’éclaircir quelques éléments, et surtout de savoir quelles mesures ont déjà été prises afin de répondre aux remarques, suggestions et recommandations du collège d’experts.
Un matériel quelque peu obsolète a, une nouvelle fois, permis d’organiser nos élections communales. Nous savons tous qu’il aurait dû être remplacé depuis des années. Vous ne vous êtes pas montré pressé de le faire, en vous limitant à un test dans deux communes. Vous avez eu de la chance, et nous aussi.
Nombre de problèmes ont néanmoins été relevés dans le rapport des experts.
Je suppose que nous vous entendrons sur les déficiences techniques. Mes questions portent essentiellement sur le système électronique Smartmatic.
Combien de problèmes, techniques ou autres, ont- ils été enregistrés lors des élections ? Confirmez- vous le nombre de 300 à400appels au centre d’assistance technique ? Combien de ces appels concernaient-ils l’ancien système ?
Est-il exact que des cartes de vote ont été utilisées par des citoyens alors que la procédure de vote test était toujours activée, ce qui n’aurait pas permis d’enregistrer ces votes ?
Combien d’électeurs ont-ils vérifié leur vote en allant dans un isoloir scanner leur vote papier ? Cela nous permettrait de savoir combien de gens étaient intéressés par cette mesure.
De combien de secondes est le temps d’attente entre deux affichages d’écran des machines à voter, pour l’ancien système et pour le nouveau ? Ce délai est-il identique à chaque étape de la procédure de vote ?
Le collège d’experts a remarqué que la qualité des codes sources n’était pas suffisante. Pouvez-vous nous commenter cette affirmation ? Ceci crée-t-il un risque pour l’intégrité des votes comptabilisés ?
Le manuel de support à la formation du nouveau système fut publié en deux versions différentes. Comment est-ce possible ? Les directives qui auraient été données dans la commune de Woluwe-Saint-Pierre ne correspondaient pas, semble-t-il, aux directives transmises par la Région. Idem pour la commune de Saint-Gilles où, de plus, l’ouverture des enveloppes scellées comprenant les mots de passe des machines se serait faite avant la constitution des bureaux. Ceci peut créer un souci au niveau de la sécurisation du vote et de l’intégrité des machines de vote. D’autre part, l’existence ou la présence de cartes de secours n’aurait pas été mentionnée dans les instructions.
Par ailleurs, la carte à puce d’initialisation de la machine à voter devenait inutilisable si elle restait trop longtemps dans la machine. Cette information semblait inconnue du personnel des bureaux de vote.
Il apparaît en outre que le vote de référence scanné ne pouvait pas être supprimé. Seule une mention papier pourrait tracer une telle erreur. Cependant, des votes annulés ont, quant à eux, pu être scannés. Comment cette contradiction est-elle possible ?
Je vous passe les détails tels que la mauvaise qualité des imprimantes, les problèmes de compatibilité des systèmes dans la procédure de totalisation, le matériel informatique (clé USB) livré surchargé d’informations sans aucun intérêt pour le personnel des bureaux de vote, etc.
Par contre, comment expliquez-vous que les systèmes de démonstration n’aient été délivrés aux communes que huit jours avant l’échéance et, surtout, qu’ils offraient pour seule démonstration dans nos communes bruxelloises un vote pour une élection provinciale ? Cette démonstration est bien éloignée de la réalité du vote bruxellois et omet certaines étapes d’affichage telles que le choix de la langue.
Comment se peut-il que des cartes marquées d’une autre élection aient été délivrées aux votants ? En quoi consistaient les marques visibles sur les cartes ?
Comment accepter que, le jour des élections, à 6h30 du matin, un responsable régional réponde au téléphone au responsable communal de Koekelberg qu’il s’attendait à son appel concernant les codes d’activation des machines des présidents de bureau puisque les codes transmis n’étaient pas exacts ? Il savait que les enveloppes délivrées à la commune de Koekelberg contenaient des codes erronés.
Comment expliquez-vous ces mystères qui glacent le sang lorsqu’ils surviennent une heure à peine avant l’ouverture des votes ? Ces situations témoignent d’un manque de préparation. Nous avons agi très tardivement et dans la précipitation.
L’essentiel est que les critères de sécurité et de transparence n’aient pas entaché les opérations de vote.
Considérez-vous l’utilisation du nouveau système comme une réussite ?
Quel en a été le coût financier global à l’issue de cette journée passionnante du 14 octobre 2012 ?
Discussion conjointe
Mme la présidente.- La parole est à Mme De Pauw.
Mme Brigitte De Pauw (en néerlandais).- Des élections démocratiques doivent avoir lieu au suffrage universel égal et secret, via un système de vote garantissant la fiabilité, la sécurité et le secret du vote.
L’utilité du système du vote électronique, introduit depuis une dizaine d’années, n’est plus à prouver. Les électeurs s’y sont peu à peu familiarisés. Il n’y a donc aucune raison de revenir au vote papier.
Ce système présente plusieurs avantages : il permet de communiquer les résultats plus rapidement, d’éviter la plupart des erreurs humaines et de réduire le nombre de personnes nécessaires pour mener les opérations de vote.
Les dernières élections communales se sont plutôt bien passées, tant avec l’ancien qu’avec le nouveau système, à l’exception d’une plainte introduite dans une commune.
Des contrôles ont eu lieu, avant, pendant et après les élections. La plupart des éléments pointés dans le rapport du Collège portent sur des détails mineurs, qui pourront être rapidement résolus.
J’ai toutefois deux remarques.
La première concerne le laps de temps trop important au niveau de l’affichage des différents écrans et la deuxième porte sur la complexité des procédures, qui nuisent à la convivialité et à la transparence du système.
Comme le conclut le Collège d’experts, il s’agit là de maladies de jeunesse du nouveau système, qui pourront être rapidement résolues.
Il importe que nous prenions ces recommandations en compte afin d’optimaliser le système pour les prochaines élections dans deux ans.
Quelle est votre évaluation personnelle des dernières opérations électorales ? Quels sont les éléments du rapport que vous entendez traiter en priorité ?
Mme la présidente (en néerlandais).- Vous ne pouvez pas interroger le ministre-président sur ses intentions.
Mme Brigitte De Pauw (en néerlandais).- Un dernier problème qu’il importe de résoudre est celui du délai de publication des résultats électoraux sur le site internet.
Mme la présidente.- La parole est à M. Doyen.
M. Hervé Doyen.- Je voudrais citer la conclusion du rapport : "Tout le potentiel pour devenir un système de vote automatisé et convivial est présent." Indépendamment de toutes les questions qui se posent et des lacunes, il y a donc un potentiel important.
Les élections de 2014, c’est demain. On sait que les procédures d’achat de matériel sont très longues ; on en a encore eu la démonstration cette fois-ci. Les communes doivent-elles s’attendre à devoir acheter du nouveau matériel ? Il a été dit et redit que cette fois-ci était la "der des der". Cela fait quatre fois qu’on nous dit cela ! Un jour, les ordinateurs ne s’allumeront plus.
Dans notre commune, une urne dans un des bureaux est tombée en panne. Il a fallu, dans le bureau principal du juge, que l’on reprenne les huit cents cartes d’un bureau de vote et qu’on les repasse manuellement dans une autre machine, ce qui a pris deux heures. Il est assez paradoxal qu’avec ces systèmes électroniques il faille procéder à de telles manipulations.
M. Charles Picqué, ministre-président.- Ce n’est pas la première fois.
M. Hervé Doyen.- Ce n’est pas la première fois, mais visiblement le matériel finit vraiment par vieillir. De l’aveu même des informaticiens de la commune de Jette, on arrive au bout.
Mme la présidente.- La parole est à M. de Patoul.
M. Serge de Patoul.- Je ne veux nullement entrer dans un débat qui aurait une quelconque incidence sur les recours actuels, mais le système porté par la Région a été mis en cause. Je suis donc étonné que la Région ne se soit pas fait entendre par le collège juridictionnel à ce sujet. Pour quelle raison la Région n’a-t-elle pas décidé d’intervenir ?
Par ailleurs, je me pose une question fondamentale sur le fonctionnement de ce nouveau système utilisé dans les deux communes pilotes. En effet, il permet à l’électeur d’imprimer un ticket afin de vérifier son vote. Ce ticket peut aisément être photographié. À l’inverse d’un écran, que l’on peut photographier et changer immédiatement après, un ticket ne peut être modifié sans recommencer l’ensemble de la procédure de vote. Ce type de mécanisme risque d’aboutir à une forme de marchandage du vote puisque l’on peut aisément photographier le vote exprimé sur le ticket.
Ce système présente, selon moi, un vrai risque, à terme. Je n’ai pas de solution, mais il me semble qu’il y a une réflexion à mener pour apporter une réponse à ce risque.
Mme la présidente.- La parole est à Mme P’tito.
Mme Olivia P’tito.- Vous avez exprimé votre pleine satisfaction le 17 octobre dernier, lors de la déclaration de politique générale, quant au bon déroulement global du scrutin dans l’ensemble des communes bruxelloises, et remercié l’administration des pouvoirs locaux pour le travail réalisé.
Depuis, nous avons reçu le rapport du collège d’experts, qui lui-même conclut au bon fonctionnement global de l’ancien système de vote automatisé et au potentiel certain de Smartmatic, le nouveau système de vote avec preuve papier, même s’il présente "d’inévitables problèmes de jeunesse". Parmi ceux-ci, on retrouve :
les confusions relevées entre les votes de référence et les votes réels ;
les problèmes de confidentialité dus à certaines imprimantes qu’il a fallu ouvrir, rendant visible le vote exprimé.
Le groupe PS demande que l’on procède à une évaluation claire du nouveau dispositif, que l’on puisse débattre à nouveau de ce vote automatisé à l’aune de ces nouvelles études et analyses, mais aussi de l’accord de gouvernement qui prévoit d’améliorer le contrôle citoyen du vote électronique pour les élections communales, voire de supprimer ce dernier.
Je comprends qu’on dise qu’on revient au Moyen- Âge avec le vote papier, mais si le système électronique implique des doubles imprimantes, des doubles urnes, et si le rapport coût-bénéfice est disproportionné, il faudrait pouvoir remettre ce système en question sereinement et sans tabou. Garder à l’esprit le rapport coût-bénéfice en matière de démocratie prend tout son sens quand on pense que plus de 17% de personnes n’ont pas voté lors des dernières élections.
Mme la présidente.- La parole est à M. Picqué.
M. Charles Picqué, ministre-président.- Il est trop tôt pour explorer des pistes d’amélioration du nouveau système. Nous pourrons le faire au début de l’année prochaine, lorsque nous aurons collecté toutes les informations utiles. Globalement, le nouveau système a bien fonctionné.
Ce lieu n’est pas une antichambre du Collège juridictionnel. Je me refuserai donc à toute appréciation sur des questions qui seront traitées par ledit collège lors de l’examen des recours. Je comprends que l’on pose des questions, mais qu’en serait-il si un incident avéré avait été constaté ? Toutefois, j’admets qu’un tel scrutin mérite d’être analysé.
Des appels ont été donnés au centre d’assistance. Ils n’ont pas été nombreux, en comparaison avec l’importance du scrutin et le nombre d’actes concernés.
Pour les anciennes machines, peu de questions ont été posées. Pour les nouvelles, des problèmes ont été signalés, mais ils étaient en majorité imputables à de mauvaises manipulations, et non au système proprement dit. La majorité ont été résolus, mais ils ont entraîné des retards et, donc, des files d’attente dans les deux communes qui avaient adopté le nouveau système. Mais, je le répète, la plupart des incidents résultaient d’une mauvaise utilisation du matériel. Peu de défaillances matérielles ou logicielles ont été constatées.
Mme Trachte, dans ce genre de scrutin, de petites erreurs humaines ont toujours été constatées dans le chef des électeurs, des assesseurs et des présidents de bureau, qu’il s’agisse du vote papier ou de l’ancien vote électronique encore en vigueur dans 17 communes.
Quoi qu’il en soit, des conclusions seront tirées lorsque nous aurons reçu un rapport complet sur le déroulement du scrutin.
J’ai lu comme vous le rapport et les remarques des experts indépendants sur le déroulement du scrutin. Leurs conclusions montrent clairement que l’ancien et le nouveau système ont répondu aux attentes. Nous avons été jusqu’à procéder, dans le nouveau système, à des recomptages "coups de sonde" qui n’ont rien démontré d’inquiétant, bien au contraire.
Suite à un débat au parlement, nous avions de toute manière décrété qu’il nous faudrait compter deux fois les votes dans tous les cas.
Mais si, à long terme, il faut envisager de toujours tout recompter dans un système électronique, retournons au papier ! Passer à un dispositif électronique en devant malgré tout recompter systématiquement les tickets n’a pas de sens, à moins de disposer d’indices ou de le faire partiellement comme ce fut le cas ici dans le cadre d’une première tentative où il fallait bien vérifier si les résultats coïncidaient. C’est déployer beaucoup de moyens pour peu de résultats.
Je dénonce ce système absurde selon lequel on dispose d’un moyen de vérification qui sera utilisé indépendamment de tout doute ou soupçon que l’on aurait au sujet d’un éventuel dysfonctionnement. Par ailleurs, vous savez bien que le vote sur papier ne posait pas de problèmes. Je ne sais pas ce que nous ferons à l’avenir, vous en déciderez.
D’autre part, l’ensemble des coûts sera détaillé lors du rapport exhaustif que je vous présenterai dans les premiers mois de 2013. Il n’y aura a priori pas de surprises par rapport aux prévisions.
Le nouveau système de vote comporte indéniablement des avantages : la possibilité d’un meilleur contrôle démocratique, une plus grande transparence pour l’électeur qui peut disposer de la preuve que l’ordinateur n’a pas été programmé à l’avance. Ainsi, ce système fournit d’une part l’assurance de la validité du vote, mais confère donc également une plus grande transparence à l’électeur.
Je vous ai toujours dit que le problème n’était pas de savoir si les systèmes étaient susceptibles d’être piratés pour détourner les voix des électeurs. C’est peu probable, à moins d’un complot terrible.
En revanche, nous ne pouvions rester indifférents au doute qui régnait dans l’opinion publique et qui a nécessité l’introduction de ce système de validation des tickets. Je suis convaincu que l’ancien système encore en application dans les 17 communes n’a pas transgressé les règles démocratiques. Mais si ne serait-ce qu’un citoyen le pense, nous devons lui démontrer que ce n’est pas le cas et lui donner l’assurance que le vote est transparent et correct.
J’ose espérer que vous n’imaginez pas que les ordinateurs ont été préprogrammés pour donner un résultat différent, et que le système électronique de validation des votes a également été trafiqué pour falsifier les données et fournir un résultat différent !
Dans ma commune, hormis quelques retards dus au manque de pratique des présidents et assesseurs en début de journée, l’électeur fut assez content du nouveau système. Je n’ai en tout cas pas reçu de remarques.
Il faut procéder à une analyse en profondeur de cette première expérience, et travailler de concert avec le niveau fédéral et la Flandre. Nous avons mené cette expérience à l’échelle de deux communes, tandis qu’en Flandre, elle a concerné plus de deux tiers du corps électoral. Un échange à ce sujet serait donc pertinent.
Nous avions cependant pris quelques précautions supplémentaires par rapport à la Flandre pour répondre aux remarques du Conseil d’État, notamment concernant la possibilité de lire le ticket par-dessus l’épaule de quelqu’un.
Les assesseurs et présidents ont été formés aux deux systèmes.
Je n’ai pas eu vent de problèmes liés aux critères de confidentialité. Vous pouvez aussi vendre votre vote, prendre une photo de votre bulletin papier avec votre gsm et l’annuler après l’avoir photographié !
Nous nous étions néanmoins dotés de quelques garanties du bon fonctionnement du système. Un marché avait été remporté par la société Stésud. D’après les rapports préliminaires, l’assistance le jour du scrutin a été excellente. Par ailleurs, notez que Steria, la société en charge de l’assistance jusqu’au jour du scrutin, a également bien fait son travail.
M. Pivin, la mission de contrôle des experts a effectivement été ardue. Il fallait bien s’assurer du bon fonctionnement de ce nouveau système. Je dirais que nous n’avons pas eu que de la chance. Nous avons tout fait pour écarter un certain nombre de risques en étant attentifs. Je l’ai été d’autant plus que ma commune était volontaire pour tester ce système.
Je propose de revenir plus tard avec plus de précision sur les questions posées par M. Pivin qui n’apparaissaient pas dans sa demande initiale, pour ne pas risquer, dans le contexte actuel, que mes propos soient mal interprétés.
Aucun des problèmes que vous avez évoqués n’a eu d’influence sur le scrutin. Si j’avais ce sentiment, je vous en ferais part sans aucun détour.
À ma connaissance, les appareils de démonstration n’ont pas été fournis tardivement puisque nous avons eu l’occasion d’organiser des séances longtemps avant le jour du vote.
Vous m’interrogez sur le laps de temps entre le moment du choix et le moment où l’on reçoit l’image, je vais laisser les experts et le Collège juridictionnel juger si cet élément a pu, ou non, influencer le vote.
M. Doyen s’interroge à juste titre sur le scrutin de 2014. Il n’est cependant plus directement de notre ressort. Ce n’est pas la Région qui l’organise. Il faudra néanmoins être attentif et organiser une discussion sur la contribution financière de chacun.
Reconnaissons que l’ancien parc d’ordinateurs est en bout de course, c’est une problématique à laquelle il faudra évidemment répondre. Je rappelle d’ailleurs que l’adoption du nouveau système par deux communes a permis de fournir aux autres communes des ordinateurs d’appoint. Nous avons également pu utiliser l’ancien matériel de la Région flamande qui a adopté le nouveau système à une plus large échelle.
Concernant l’administration régionale, M. de Patoul, je ne comprends pas votre question. Le Collège juridictionnel a interrogé l’administration régionale. En revanche, le niveau politique régional ne doit pas nécessairement être entendu par le Collège juridictionnel, sauf si ce dernier le juge utile. Il s’agit ici de mettre en doute ce que le niveau régional a mis en place.
Je traiterai les questions plus techniques plus tard, et je pense que, pour certaines, ce sera plutôt au collège des experts de vous répondre. Il sera utile d’entendre celui-ci au moment où nous ferons une évaluation plus globale de l’ancien et du nouveau systèmes.
Quant au taux d’utilisation spontanée des scanners par les électeurs qui voulaient vérifier leur vote, je ne le connais pas. Je ne sais pas si ces chiffres sont disponibles. Ils n’apparaîtraient en tout cas pas dans les procès-verbaux.
Pour ce qui est du décalage sur lequel m’interrogeait M. Pivin, il est dû au fait que le juge de paix envoie les résultats directement à la Région dès qu’il en dispose. C’est seulement après qu’il les proclame devant les candidats et les témoins. On peut donc trouver des résultats sur internet avant qu’ils soient proclamés physiquement devant les candidats. Cela dit, ce décalage n’était que de quelques minutes. Les juges de paix ont pour mission d’envoyer les résultats au ministère de l’Intérieur, en l’occurrence la Région. Ensuite, ils sortent du bureau et proclament les résultats. Il peut s’écouler quelques minutes entre les deux occurences.
Mme la présidente.- La parole est à Mme Trachte.
Mme Barbara Trachte.- Je remercie le ministre- président pour ses réponses. Certains incidents sont effectivement à déplorer, identiques aux scrutins précédents parce qu’ils se répètent, d’autres sont nouveaux. J’essaie d’obtenir un maximum d’informations afin d’évaluer l’organisation des élections, en ce compris ses aspects législatifs.
Je me réjouis de disposer bientôt d’un rapport plus exhaustif. Je me joins à l’idée que l’on puisse entendre le collège des experts lorsque le scrutin sera déjà plus loin dans nos esprits.
Quant à la simplification des procédures, il importe de rester prudent. Les règles qui ont été adoptées ont un sens puisqu’elles visent à garantir l’intégrité des élections, la transparence du scrutin, la fiabilité et la légitimité des résultats. Méfions- nous d’une simplification à outrance. Il convient de réfléchir au sens des règles que l’on adopte en cette matière.
Concernant le recomptage, l’accord de majorité prévoit d’améliorer le contrôle citoyen. Je maintiens que le recomptage minimal que les experts eux-mêmes préconisent est nécessaire car il permet d’impliquer les citoyens dans la légitimation du résultat, mais pas nécessairement le recomptage systématique de tous les bureaux. Le nouveau système offre cette opportunité. Nous ne manquerons pas d’y revenir.
La parution des résultats sur internet avant leur proclamation par le juge de paix pose question puisqu’elle occulte cette formalité importante par laquelle les actes de présentation des bourgmestres peuvent être déposés entre les mains du secrétaire communal. Dans certaines communes, il n’y avait plus personne pour entendre ces résultats lorsque le juge de paix est sorti de son bureau pour les annoncer parce que ceux-ci avaient déjà été diffusés sur internet. Cette situation est survenue dans votre commune ainsi que dans la mienne. On en reparlera.
Il faudrait réfléchir à l’information des électeurs et à la formation des présidents, des assesseurs et des témoins, ainsi qu’à l’évaluation du nouveau système de désignation des présidents et des assesseurs.
Vous dites que vous allez vous entretenir avec le niveau fédéral et avec la Flandre. Il serait utile d’évaluer également le système de vote électronique en Wallonie, et notamment le système Depass, pour mieux évaluer ce que nous appliquons en Région bruxelloise.
Mme la présidente.- La parole est à M. Pivin.
M. Philippe Pivin.- Quand j’évoquais la chance, c’était bien entendu à propos du matériel obsolète que nous possédons encore tous, et pas du nouveau matériel.
Il est tout à fait normal que vous postposiez les réponses à certaines de mes questions.
Je me réjouis de vous voir acquiescer à la suggestion d’un rapport plus complet. Nous espérons que celui-ci tiendra compte de toutes les questions qui ont été posées aujourd’hui.
J’espérais toutefois obtenir aujourd’hui, un mois après les élections du 14 octobre, une réponse à la question du coût global de l’utilisation du nouveau matériel, qui n’a rien à voir avec le rapport des experts.
Vous ne semblez pas favorable au retour du vote papier, comme la plupart d’entre nous. Que pensez-vous, par contre, du vote par internet ? Ne peut-on faire preuve d’audace et aborder cette question ?
Mme la présidente.- Cette question fait partie de celles qui ne peuvent être posées au gouvernement dans le cadre d’une interpellation.
M. Charles Picqué, ministre-président.- Je signalerai néanmoins que je suis opposé au vote par internet.
M. Philippe Pivin.- J’aimerais avoir plus de précisions quant au coût global des élections avant la parution du rapport en janvier.
Mme la présidente.- Si le ministre-président nous transmet un chiffre global sur cette question, la commission se chargera de le faire parvenir à ses membres.
- Les incidents sont clos.