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03/02/2014: Le rapport wallon sur les élections, ou l’art d’occulter que le pouvoir politique a failli dans l’exercice de ses compétences : l’intrusion d’une entreprise privée dans le dépouillement des bulletins de vote.

Communiqué de presse du 3 février 2014


L’article L4146-24 du Code de la démocratie locale et de la décentralisation (CDLD) de la Région wallonne est explicite : « Au plus tard le 30 mai de l’année qui suit les élections communales et provinciales, le Gouvernement fait rapport au Parlement wallon de la tenue des élections. »

Lorsque PourEVA a rencontré le cabinet du Ministre Furlan, le 19 mars 2013, il nous fut affirmé que ce rapport était en préparation. Il ne fut pourtant présenté au Gouvernement wallon que le 5 septembre, à grand renfort de communiqué de presse. Fin décembre, 14 mois après les élections, ce rapport n’était toujours pas parvenu au Parlement wallon [1] !

Un tel « retard » pouvait ne pas prêter à conséquence si tant est que ce rapport pouvait toutefois contenir des informations cruciales pour la préparation des prochaines élections de mai 2014, cette fois sous la compétence du Ministère de l’Intérieur du niveau fédéral.

Heureusement, il n’en est rien ! Ce rapport, quoique de 71 pages, ne contient rien de transcendant. Simple rapport administratif (on a fait ceci, on a fait cela), il n’a quasi aucune portée politique. Un bel exercice d’autosatisfaction : tout s’est bien passé !

La réalité est tout autre.

Les élections communales et provinciales de 2012 furent d’abord un véritable camouflet au Gouvernement wallon qui dans sa DPR (Déclaration de politique régionale) de juillet 2009 affirmait vouloir « mettre fin à l’expérimentation actuelle du vote électronique en Wallonie afin de renforcer le contrôle démocratique sur l’organisation des élections communales et provinciales. Le Gouvernement favorisera les types de votes traditionnels et étudiera la possibilité d’expérimenter des alternatives électroniques qui permettent de conserver les bulletins de vote papier afin de procéder, le cas échéant, à un comptage manuel avec témoins. » [2]. Les communes étaient prévenues !

Si, pour des raisons budgétaires, le Gouvernement wallon décidait, le 9 juin 2011, d’organiser le retour au vote papier pour les élections de 2012 dans les 39 communes wallonnes pratiquant le vote électronique, le même Gouvernement faisait néanmoins volte-face trois mois plus tard. Et le Ministre Furlan d’évoquer, le 28 septembre, en Commission du Parlement wallon [3], un lobbying d’entreprise : « En sa séance du 1er septembre 2011, le Gouvernement wallon a décidé de laisser la possibilité aux communes - on a vraiment répondu à l’autonomie communale - qui utilisent le vote électronique depuis plusieurs années, de poursuivre l’expérience pour le scrutin d’octobre 2012, moyennant la prise en charge par les communes du coût du vote électronique pour ce qui dépasse le coût du vote papier, soit environ deux millions d’euros si toutes adhèrent au système - contrairement à ce que dit l’opérateur, soyons bien clairs, parce que j’en pense qu’un lobbying a été fait avec des coûts annoncés. Sincèrement, nos estimations ne vont pas du tout dans le même sens. » Ce qui fut repris par plusieurs articles de presse [4].

Mais ce rapport sur les élections est exemplaire sur un autre aspect : l’occultation totale et volontaire de l’intrusion d’une entreprise commerciale dans les procédures électorales, particulièrement dans la phase la plus délicate, le dépouillement !
En effet, voyant probablement sa marge d’expansion [5] contrariée par la volonté du Gouvernement wallon de mettre fin à l’expérimentation électronique, la société Stésud a proposé un système mixte (papier et électronique) que le Ministre a refusé.

Qu’à cela ne tienne, Stésud a alors démarché nombre de communes wallonnes votant traditionnellement pour leur vendre, pardon, louer, le temps de l’élection [6], un système informatique de dépouillement à double encodage jamais utilisé : DEPASS [7]. L’information fut parfois relayée par les médias, tant audio-visuels que par la presse écrite. Des démonstrations du système ont été placées sur Youtube dès avril 2012.

Qu’a fait le Gouvernement wallon ? Rien !

Pourtant, Stésud a remporté la quasi totalité des appels d’offre wallons pour le déroulement électronique des opérations de ce scrutin. C’est le partenaire privilégié de la cellule qui organise les élections.

Qui plus est, dans leur rapport, les experts mandatés pour surveiller le vote électronique en Wallonie mentionnent : « Une démo du système de vote et de dépouillement, DEPASS compris, a été demandée et obtenue. Celle-ci a eu lieu le 6 septembre 2012 dans les locaux de la cellule élection. » [8]

Par ailleurs, ce nouveau système électronique de dépouillement contrevenait manifestement avec le CDLD, donc avec la législation électorale en vigueur en Région wallonne.Particulièrement avec le Chapitre IV – Le dépouillement (articles L 4144-1 à L 4144-13) qui ne prévoit explicitement que l’encodage informatique du seul résultat final du dépouillement dont le déroulement est clairement détaillé : compter les bulletins par urne (L4144-5), faire des tas par liste et isoler les bulletins non valables ou litigieux (L4144-7), compter pour chaque liste (L4144-8)… 

DEPASS ne respecte pas cette procédure légale. Cette illégalité fragilise de fait la légitimité des 49 bourgmestres des communes wallonnes ayant recouru à ce système [9].

D’ailleurs, dès qu’un système informatique est utilisé pendant les opérations électorales, le CDLD en réfère systématiquement à l’article L 4141 - §1er qui dit explicitement : « Sans préjudice des dispositions des articles L4211-1 à L4261-7 relatives au vote automatisé, les opérations d’encodage numérique visées au présent Code sont exécutées au moyen d’un logiciel élaboré et fourni par le Gouvernement aux présidents des bureaux électoraux. »

Le rapport wallon indique-t-il que lors des élections 2012 le logiciel utilisé lors du dépouillement fut « élaboré et fourni par le Gouvernement » ? NON !

Le Gouvernement s’est contenté de rester au balcon : certaines communes wallonnes ont donc loué, pour le temps de l’élection, un logiciel non garanti par le Gouvernement. Avec quelle fiabilité ? Avec quel contrôle ? AUCUN !

Malgré une telle incompétence, tout s’est-il passé sans anicroches ? NON !

Le rapport wallon relève que dans pas moins de cinq communes utilisant le nouveau système (Assesse, Chimay, Libin, Neufchâteau, Ramillies), 4 recours introduits auprès du pouvoir provincial concernent le dépouillement. Mais sans jamais citer ni évoquer une seule fois ce système. En quelque sorte, le Rapport wallon noie le poisson [10].

En occultant totalement ce système « sauvage », incontrôlé par le pouvoir compétent en charge des élections (et donc responsable), le Gouvernement wallon a permis l’immixtion d’une entreprise commerciale dans le déroulement des opérations électorales, qui plus est au moyen d’un système « loué » le temps de l’élection !

Quelqu’observateur lors d’une élection dans un pays africain, asiatique, sud-américain… dénoncerait une telle intrusion avec virulence en raison de l’absence de garantie publique quant au respect des principes fondamentaux de démocratie (dont, entre autres, la possibilité pour chaque citoyen de s’assurer de la conformité du processus électoral), manque de transparence, et suspicion de trucage.

En bref, ce rapport wallon sur les élections de 2012, tant attendu, établit clairement que le Gouvernement wallon a adopté l’attitude des trois singes : «  Je ne vois pas, je n’entends pas, et je n’en parle surtout pas !  »

L’association de citoyens « PourEVA »


[2link

[3en réponse à une question orale du député Michel de Lamotte

[6au coût de 500 € (forfait) + 500 € par bureau de dépouillement, selon nos informations

[7pour DEPouillement ASSisté : link

[10Créer la confusion, embrouiller les choses pour éluder une question, donner le change. Noyer (quelqu’un) sous un flot de paroles de manière à l’étourdir.