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27/04/2014: La Ministre de l’Intérieur interrogée sur la légalité de l’utilisation du système DEPASS


Contrairement à tous les autres systèmes de vote électronique utilisés en Belgique, le système de Dépouillement Assisté par ordinateur n’a pas fait l’objet d’une législation spécifique, n’a pas fait l’objet d’un débat du législateur, ne fait pas l’objet d’une publicité auprès des électeurs, le code source des logiciels ne sera pas publié, le matériel n’est pas propriété de l’état, la liste des communes et canton concernés n’est pas rendu publique.

Mais selon le ministère de l’intérieur et sa ministre, son utilisation est légale grâce au dernier alinéa de l’article 165 du Code Électoral (introduit dans la législation en 2009).

PourEVA a déjà mis en doute la légalité de l’utilisation du système DEPASS de Dépouillement Assisté par ordinateur en Wallonie lors des élections communales... avec les conséquences pour 49 bourgmestres wallons.

Après une très longue insistance, nos représentants ont pu rencontrer le cabinet de la ministre de l’intérieur pour lui faire part de nos inquiétudes. Déjà à cet occasion, l’argument de l’article 165 du Code Électoral était déjà invoqué. Le temps était encore disponible pour prévoir une loi spécifique permettant de débattre de l’opportunité et de la façon de contrôler ce système... mais nous n’avons pas été entendu.

Regardons de plus près les modification apportée à la loi électorale :
14 AVRIL 2009. - Loi portant diverses modifications en matière électorale :

Art. 34. Les articles 161 à 165 du même Code sont regroupés sous un chapitre IV/1 intitulé " De la clôture des opérations de dépouillement et de la transmission des procès-verbaux. "

Art. 35. Dans l’article 165 du même Code, modifié par les lois des 18 décembre 1998 et 12 août 2000, sont apportées les modifications suivantes :
1° les mots " tant au niveau du canton que de la circonscription, de la province ou du collège " sont remplacés par les mots " tant au niveau de la circonscription que de la province ou du collège " ;
2° l’article est complété par trois alinéas rédigés comme suit :
" Pour le recensement tant partiel que général des voix, les cantons utilisent uniquement le logiciel fourni et agréé lors de chaque élection par le ministre de l’Intérieur, après avis de l’organisme reconnu à cette fin par le Roi par arrêté délibéré en Conseil des Ministres.

Pour la transmission digitale des résultats et des procès-verbaux, les bureaux principaux utilisent uniquement le logiciel fourni et agréé lors de chaque élection par le Ministre de l’Intérieur, après avis de l’organisme reconnu à cette fin par le Roi par arrêté délibéré en Conseil des Ministres.

Les logiciels utilisés pour le recensement électronique des voix par les bureaux de dépouillement doivent être agréés lors de chaque élection par le Ministre de l’Intérieur, après avis de l’organisme reconnu à cette fin par le Roi par arrêté délibéré en Conseil des Ministres. "

On peut remarquer qu’il s’agit bien ici de "De la clôture des opérations de dépouillement et de la transmission des procès-verbaux."

Et le troisième alinéa parle du recensement électronique des voix :
Les logiciels utilisés pour le recensement électronique des voix par les bureaux de dépouillement doivent être agréés lors de chaque élection par le Ministre de l’Intérieur, après avis de l’organisme reconnu à cette fin par le Roi par arrêté délibéré en Conseil des Ministres.

Dans le projet de loi déposé par le Gouvernement le 5 février 2009, à moins d’un an des élections, et pour lequel il a demandé l’urgence, l’exposé des motifs ne parle pas de dépouillement automatisé.

Et le commentaire des articles n’est pas plus éclairant sur le système visé par ce dernier alinéa : Pour des raisons de sécurité, il est également préférable que, si des bureaux de dépouillement voulaient utiliser des logiciels de recensement automatisé des suffrages, ceux-ci soient agréés par le ministre de l’Intérieur, sur l’avis d’un tel organisme d’avis reconnu à cette fin par arrêté royal délibéré en Conseil des ministres.

Il faut donc se demander si le dépouillement assisté par ordinateur est un "recensement électronique des voix" ou un "recensement automatisé des suffrages". Est-ce que le législateur pensait vraiment au système de dépouillement assisté par ordinateur qui à l’époque ne résidait dans l’esprit de ses concepteurs de la société Stésud ?

Le législateur n’a pas prévu de modifier le déroulement du dépouillement qui fait l’objet du chapitre "DU DEPOUILLEMENT DU SCRUTIN". Dans ce chapitre, l’article 156 du code électoral précise comment les bulletins sont classés par catégorie (type et liste) et l’article 159 précise que "Les bulletins de chaque catégorie sont comptés successivement par deux membres du bureau."

On le voit, contrairement à ce qu’indique la ministre dans sa réponse, avec le dépouillement manuel, tous les bulletins sont bel et bien compté deux fois (article 159) et dans les fait, tant que le comptage ne donne pas le même résultat, on recompte.

On notera également que les témoins ont forcément l’occasion de voir tous les bulletins comme le prévoit l’article 158 "Lorsque la classification des bulletins est terminée, les autres membres du bureau et les témoins examinent les bulletins sans déranger le classement et soumettent au bureau leurs observations et réclamations."

La ministre dans sa réponse indique que le président du bureau principal de canton (qui organise les bureaux de dépouillement) peut décider d’utiliser le système DEPASS et déroger à ces articles. C’est l’astuce prévue par le ministère de l’intérieur dans les instructions aux présidents. Mais il faut bien pourtant que quelqu’un paye ce système... la ou les communes du canton.

Alors que ce n’est pas précisé dans la loi, la ministre indique pour rassurer que le collège des experts pourra étendre sa mission à la vérification du système DEPASS et procéder le cas échéant à des recomptages de bureau de dépouillement ou à l’analyse du code source de celui-ci.

Rappelons-le, la publication du code-source pour les logiciels électoraux est le résultat d’une victoire en justice des membres de l’association PourEVA. Interviewé pour un article de l’hebdomadaire LE VIF le fournisseur du système DEPASS rappel que Stésud reste le propriétaire du logiciel. Pourtant rien n’empêche de rester propriétaire du logiciel est de le rendre public, c’est le principe même des logiciels "Open Source".

Lorsque d’autres systèmes de vote électronique tel que la lecture optique ou le ticketing ont été introduits dans la loi électorale, le législateur a prévu explicitement un contrôle par le collège des experts. En 2012, les membres du collège des experts Wallons n’ont pas considéré ou n’ont pas eu le temps matériel de s’intéresser au système DEPASS comme on peut le constater dans leur rapport et les membres du collège des experts Bruxellois ont bien précisé dans leur rapport qu’il était très difficile de surveiller de multiples systèmes de vote électronique différents... alors pourquoi leur en rajouter un supplémentaire ?

Même si les experts peuvent consulter le code source du système DEPASS, ils auront toutes les difficultés à vérifier que c’est bien ce logiciel qui est utilisé dans tous les bureaux de dépouillement ; en effet, contrairement aux autres logiciels de vote électronique, les machines ne sont pas la propriété de l’État et les disquettes ou clefs USB ne sont pas préparée par le ministère de l’intérieur. Il n’y a donc aucune des sécurités mises en place pour le vote électronique.

Lorsque PourEVA a rencontré les experts de l’OSCE, ils semblaient très intéressés par ce système de dépouillement, mais malheureusement ils n’organiseront pas de mission d’observation ce 25 mai 2014, nous ne pourrons donc pas connaître leur avis sur ce système et la manière cavalière dont il a été introduit dans le processus électoral.

Bref, sans débat, sans législation spécifique et sans introduction d’un contrôle spécifique par le collège des experts comme tout les autres systèmes de vote électronique, sans aucune information des citoyens, le système DEPASS est en train de s’immiscer dans le processus électoral sans aucune mesure permettant un contrôle citoyen effectif et efficace.

Portfolio

  • Articles 34 et 35 rajouté en 2009