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30/05/2014: Le dépouillement par ordinateur pose aussi question


Cela fait cinq jours que tous les yeux sont tournés sur le #bug2505 du vote automatisé, mais les médias semblent ne pas couvrir l’inquiétante automatisation et privatisation du dépouillement des bulletins papier.

Selon nos calculs, 20% des électeurs votant sur papier ont eu au moins un de leurs bulletins de vote dépouillé et compté par le truchement d’un programme informatique supposé assister les assesseurs dans cette tâche. Soit près de 650.000 électeurs en Wallonie (32% des votants "papier") et plus de 177.000 en Flandre (9% des votants "papier").

Pourtant, des partis en quête de voix supplémentaires pour obtenir l’un ou l’autre siège pourraient s’engouffrer dans la faille du "bug" et utiliser l’argument de la douteuse utilisation d’ordinateurs et de système informatique dans les bureaux de dépouillement pour introduire ou étayer un recours.

Tout semble s’être passé dans le plus grand des secrets tant et si bien que les électeurs concernés n’en ont pas été avertis et qu’il est difficile de savoir quels bulletins de quelle(s) élection(s) sont passés à travers ce système électronique. Et la presse n’a pas encore fait écho de cette révolution rampante bien silencieuse.

Dans ces communes (voir carte), au lieu de respecter strictement le code électoral qui explique comment trier et compter les bulletins de vote, c’est le mode d’emploi de la société Stésud, inventeur du système de DEPouillement ASSisté par ordinateur (DEPASS), qui a été utilisé comme référence. Et les présidents de bureau de dépouillement ont reçu instruction du ministère de l’Intérieur de ne pas appliquer certains articles spécifiques de la loi électorale.

Évidemment, les électeurs n’ont rien à craindre puisque ce logiciel a été agréé sur base de l’avis de l’organisme reconnu à cette fin... le même qui n’a pas vu le bug pourtant bien réel ayant affecté le vote automatisé en 2014 (ni d’ailleurs le "double-clic" du système Smartmatic en 2012).

Mais contrairement au vote automatisé qui fonctionne sur du matériel propriété de l’État, avec des disquettes préparées par le ministère de l’Intérieur et pour lequel il existe une loi électorale spécifique, le système de dépouillement assisté par ordinateur ne jouit pas d’une telle attention du législateur.

En effet, avec DEPASS, le matériel appartient à la société Stésud qui loue ses services et semble former les utilisateurs du système. Pas de code source publié non plus puisque le logiciel reste la propriété de cette société privée qui prépare tout. Pour DEPASS, pas de législation spécifique ayant fait l’objet d’un débat et qui prévoit d’encadrer le système... Non, ici c’est un petit bout de paragraphe rajouté dans le code électoral en 2009 qui sert de justification à son utilisation. Il semblerait même que cet article de loi ne soit pas applicable dans la loi qui régit les élections européennes.

Contrairement au vote automatisé, pour lequel le Roi désigne par arrêté royal la liste des communes participantes, pour DEPASS la liste des communes dépend uniquement de l’efficacité de conviction et des connexions des vendeurs de la société Stésud.

Le Collège d’experts ayant exprimé le souhait de vérifier l’utilisation du système DEPASS, le Service public fédéral Intérieur écrit un courrier aux Présidents des cantons l’utilisant.

Le ministère de l’Intérieur a également produit une note juridique qui indique que selon lui le Collège des experts peut observer l’utilisation du système DEPASS. Une nouveauté de plus pour le Collège des Experts fédéral, qui découvrira également le système Smartmatic.

L’association PourEVA a pourtant dénoncé l’utilisation de ce système en Wallonie lors des élections de 2012, le doute jeté sur la légalité de la désignation de 49 bourgmestres wallons, l’absence de contrôle par le Collège des experts wallon et l’assourdissant silence du Gouvernement wallon sur le sujet lorsqu’il a fait rapport au Parlement wallon.

Nous avons même proposé des solutions pour mettre ce système sous le contrôle des citoyens assesseurs, mais force est de constater que nous n’avons pas été entendus par la Ministre de l’Intérieur qui n’a pas voulu créer la législation adéquate.

Alors que pour une défaillance du vote électronique, le ministère de l’Intérieur peut en cas de problème rejeter la faute sur le fournisseur et la société fournissant la certification... ici, ce sont les présidents de bureaux principaux et les présidents de bureaux de dépouillement qui semblent prendre toute la responsabilité de l’utilisation de ce système. Quant à la responsabilité financière, il semble que ce sera à charge des communes au prorata du nombre d’électeurs.