09/12/2014: PARLEMENT WALLON : PROPOSITION DE RÉSOLUTION demandant l’abandon du vote électronique
déposée par MM. Hazée et Henry
DÉVELOPPEMENT
Introduit sous forme d’expérience-pilote en 1991, le vote électronique a été plus largement utilisé à partir de 1994, année où une législation spécifique, à savoir la loi du 11 avril 1994 organisant le vote automatisé, a été mise en place. Suite à la régionalisation des compétences concernant l’organisation des élections communales et provinciales, la possibilité de recourir au vote électronique a été inscrite dans le Code de la Démocratie locale et de la Décentralisation.
Force est néanmoins de constater que, depuis sa mise en place, le système utilisé a fait l’objet de nombreuses critiques. Ces critiques portent sur les aspects démocratiques du vote électronique, à savoir l’impossibilité pour l’électeur de vérifier que son vote a été correctement enregistré, l’impossibilité de contrôle citoyen lors des opérations de totalisation, ou encore l’impossibilité de garantir le secret du vote, et plus largement sur la difficulté d’appréhension du système par certains publics spécifiques, comme une partie des personnes âgées.
En outre, des incidents ont régulièrement émaillé les scrutins (pannes, bugs, etc.). Le plus spectaculaire avant les élections de 2014 s’était produit en 2003, lorsqu’un candidat avait obtenu dans un bureau de vote plus de voix de préférence que le nombre total de voix enregistrées par sa liste. Plus récemment, lors du dernier scrutin de 2014, les difficultés ont été multiples et larges, puisqu’on a déploré des problèmes lors de la comptabilisation des voix de préférence, un défaut d’enregistrement de plus de 2000 votes, des lectures de résultats sans assesseurs ni témoins, des erreurs lors du vote de certains électeurs européens, votant à des niveaux de pou-voir pour lesquels ils n’en avaient pas le droit, ou encore la publication des résultats par les médias avant la publication sur les sites officiels. Ces difficultés sont tout simplement inadmissibles. Sans oublier que des questions se posent aussi de façon constante quant au respect de la procédure prévue par la loi électorale lors des opérations de vote et de dépouillement (les votes tests à faire au début et à la fin du scrutin ne sont pas systématique-ment réalisés ou ne sont pas réalisés conformément à la procédure ; les urnes sont laissées sans surveillance dans les locaux de vote après la clôture des opérations devote ; les enveloppes contenant les supports de totalisation sont ouvertes hors de la présence des présidents des bureaux de vote et de leurs bureaux ; etc.) [1].
Enfin, les avantages avancés par les promoteurs du vote électronique (coût réduit, plus grande rapidité d’obtention des résultats, ...) ont été démentis parles faits. Ainsi, l arrêté du Gouvernement wallon du 7 novembre 2013 portant exécution de l’article L4211-3, §5 du CDLD et réglant la récupération du surcoût du vote électronique a calculé un coût du vote électronique, par électeur, de 1,37 euro, contre 0,10 euro par électeur en cas de vote papier.
Des constats similaires ont par ailleurs mis fin aux expériences en matière de vote électronique dans de nombreux pays. Il en va ainsi des Pays-Bas qui, après avoir été à la pointe en la matière, ont pris la décision de revenir intégralement au vote papier. Tel est aussi le cas d’autres pays comme l’Allemagne, la Grande-Bretagne, l’Italie, la Finlande, ou encore la Norvège [2]. La Belgique fait dès lors figure d exception.
Il y a également lieu de souligner les recommandations que formule la Commission de Venise dans son Code de bonne conduite en matière électorale afin notamment de permettre la libre expression de la volonté de l’électeur et la lutte contre la fraude électorale :
« Le vote électronique doit être sûr et fiable. Il est sûr si le système peut résister aux attaques délibérées ; il est fiable si, par lui-même, il fonctionne, quelles que soient les déficiences du matériel ou du logiciel. En outre, l’électeur doit pouvoir obtenir confirmation de son vote et le corriger, si nécessaire, dans le respect du secret du vote. Par ailleurs, la transparence du système doit être garantie, en ce sens que son fonctionnement correct doit pouvoir être vérifié."
En Wallonie, le Gouvernement wallon avait lui-même reconnu la nécessité de revoir le système de vote automatisé, lorsqu’il déclarait, en 2009, dans sa Déclaration de politique régionale, que « le Gouvernement entend mettre fin à l’expérimentation actuelle de vote électronique en Wallonie afin de renforcer le contrôle démocratique sur l’organisation des élections communales et provinciales. Le Gouvernement favorisera les types de vote traditionnels et étudiera la possibilité d’expérimenter des alternatives électroniques qui permettent de conserver les bulletins de vote papier afin de procéder, le cas échéant, à un comptage manuel avec témoins."
Étant donné le coût élevé des alternatives électroniques,le Gouvernement wallon décidait, en juin 2011, de reve-nir au vote papier. Il laissait toutefois le choix aux communes concernées par le vote électronique de continuer dans cette voie, à charge pour elles de financer le surcoût résultant du vote électronique par rapport au coût du vote papier. Un contentieux est d’ailleurs en cours devant leConseil d’État quant à la répercussion sur les communes concernées de ces coûts supplémentaires.
Au vu de tous ces éléments, les auteurs de la présente proposition de résolution estiment qu’il est temps d’arrêter les frais et de supprimer la possibilité de recourir au vote électronique et ce, quel que soit le niveau auquel se tiennent les élections. Parallèlement à la proposition de décret visant à abroger le système de vote automatisé pour les élections provinciales et communales qu’ils ont déposé, les auteurs de la présente proposition de résolution proposent que leParlement wallon demande au Gouvernement wallon de relayer auprès du Gouvernement fédéral les préoccupations du Parlement wallon relatives au vote électronique et sa demande qu’il ne soit plus recourut à ce type de vote.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
demandant l’abandon du vote électronique
Le Parlement wallon,
A. Vu la réglementation encadrant l’organisation des élections, et plus particulièrement la loi du 11 avril 1994 organisant le vote automatisé et la loi du 7 février 2014 organisant le vote électronique avec preuve papier ;
B. Considérant les nombreuses faiblesses affectant le vote électronique, tant en termes de démocratie que d’appréhension par certains publics ;
C. Considérant les recommandations formulées par laCommission européenne pour la démocratie par le droit, dite la Commission de Venise dans son Code de bonne conduite en matière électorale ;
D. Considérant que de nombreux incidents en lien avec le vote automatisé ont régulièrement émaillé les scrutins ;
E. Considérant que les incidents, multiples et importants, survenus lors du scrutin du 25 mai 2014, justifient à eux seuls un retour intégral au vote papier ;
F. Considérant que bon nombre de pays limitrophes et plus largement européens ont renoncé au vote électronique ;
G. Considérant que la perte de confiance de la population dans les institutions démocratiques est aggravée par le manque de transparence et les défaillances sérieuses du scrutin électronique.
Demande au Gouvernement wallon,
de relayer auprès du Gouvernement fédéral la position du Parlement wallon en vue de l’abandon du vote électronique pour les élections du Parlement wallon et, par conséquent, sa demande de voir modifier les législations fédérales qui le permettent et l’organisent.
S. HAZÉE
Ph. HENRY
[1] http://www.levif.be/info/actualite/belgique/bugaelectoralalearap-portadaexpertsaconclutaauacafouillageageneral/articlea4000671858053.htm?nbahandled true&utmJmedium Email&utmJcampaign NewsletteraRNBDAGLV&utmJsource Newslettera26/06/2014