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27/01/2015: Échange de vues sur le rapport du Collège des experts concernant les élections du 25 mai 2014


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CHAMBRE DES REPRÉSENTANTS DE BELGIQUE

RAPPORT FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DE L’INTÉRIEUR, DES AFFAIRES GÉNÉRALES ET DE LA FONCTION PUBLIQUE PAR M. Koenraad DEGROOTE

DOC 54 0014/002

MESDAMES, MESSIEURS,

Votre commission a examiné le rapport du Collège d’experts chargés du contrôle du système de vote et de dépouillement automatisé concernant les élections simultanées du 25 mai 2014 au cours de sa réunion du 6 janvier 2015.

I. — EXPOSÉ INTRODUCTIF

M. Emmanuel Willems, président du Collège d’experts, renvoie à la loi du 7 février 2014 organisant le vote électronique avec preuve papier (Moniteur belge du 14 février 2014), qui a modifié plusieurs points de la législation existante.

La loi précitée a élargi le cadre des missions du Collège et a également augmenté le nombre de ses membres. En outre, le Collège a été subdivisé en un Collège permanent et en un Collège non permanent. Le Collège permanent est à présent également compétent en ce qui concerne tous les aspects informatiques de la procédure électorale entre les élections successives. Autrefois, cette compétence prenait fin après les élections lors du dépôt du rapport. Le Collège permanent est assisté par le Collège non permanent au cours d’une période électorale.

Le contrôle porte sur les systèmes utilisés pour la préparation des élections, le vote des Belges à l’étranger (dans les ambassades), les systèmes utilisés dans les bureaux de vote, les systèmes de dépouillement assisté par ordinateur et la collecte et la diffusion des résultats électoraux.

Le Collège opère des contrôles avant, pendant et après les élections. Les tâches préalables consistent à réceptionner les codes des logiciels, assister à des démonstrations, réaliser des simulations, maîtriser les différents systèmes utilisés dans la chaîne, assister aux formations des présidents des bureaux de vote, assurer le suivi des accréditations par l’organe compétent, etc. Le jour du scrutin proprement dit, les membres du Collège sillonnent le pays et visitent différents bureaux de vote et de totalisation. Ils vérifient le déroulement des opérations et contrôlent si les bons systèmes sont utilisés. Si possible, des copies du support de mémoire sont effectuées.

À l’issue des élections, le Collège collecte tous les supports de mémoire. Les données sont à nouveau lues et contrôlées. Il s’agit d’un contrôle exhaustif. Dans la mesure du possible, tous les résultats sont à nouveau totalisés. Les problèmes survenus le jour des élections sont examinés.

Les élections du 25 mai 2014 ont été l’occasion d’introduire plusieurs nouveautés. Pour la première fois, le système SmartMatic a été utilisé pour les élections européennes, fédérales et régionales, en Flandre et dans deux communes bruxelloises. Dans les autres bureaux de vote électronique, on a, pour la première fois, utilisé partout le même logiciel, indépendamment du matériel. Précédemment, le marché était partagé entre deux fabricants (Steria et Stésud), qui avaient tous deux leur propre logiciel. L’utilisation d’un même logiciel avec l’ensemble du matériel a été l’une des causes du bug. Une erreur (d’origine Jites ou Digivote) a demandé des développements logiciels spécifiques. Lors de ces développements sont apparues des erreurs de programmation qui sont à l’origine du bug.

Il y a également eu une nouveauté au niveau des bureaux de canton. Jusque là, chaque système de vote était lié à son propre système de totalisation. Lors des élections du 25 mai 2014, c’est le système CODI qui a procédé aux totalisations.

Le système DepAss d’aide au dépouillement des votes traditionnels était lui aussi nouveau. Il s’agit d’un système prévoyant un double encodage, chaque bulletin de vote étant encodé par deux opérateurs. Ce système offre ainsi une garantie supplémentaire. Il a essentiellement été utilisé en Wallonie, ainsi que dans quelques communes fl amandes et pour les citoyens belges résidant à l’étranger en ce qui concerne la circonscription électorale de Bruxelles.

Web 2 est un autre nouveau système informatique utilisé pour la transmission des résultats des votes des Belges résidant à l’étranger. Pour les élections du 25 mai 2014, ceux-ci avaient donc le choix entre voter par courrier ou voter à l’ambassade. Les ambassades ont envoyé les résultats à une ambassade centrale, où ce logiciel a été utilisé pour effectuer l’envoi crypté des résultats au serveur du ministère des Affaires étrangères à Bruxelles.

Le Collège d’experts n’a pu, faute de temps, étudier et analyser en détail les nouveaux systèmes mentionnés. Le Collège n’a en effet été composé que relativement tard en vue des élections du 25 mai 2014. Les informaticiens du SPF Affaires étrangères ont également dû consacrer beaucoup de temps à une cyberattaque de leur serveur par un logiciel malveillant et, de ce fait, n’ont pas disposé du temps nécessaire pour répondre à toutes les questions du Collège.

En outre, le rapport à l’examen du Collège devait être remis dans les quinze jours à compter des élections. Les dernières corrections relatives aux résultats des élections n’ont été disponibles que dix jours après les élections.

Dans ce délai strict, le Collège a concentré son attention sur les systèmes qu’il est le seul à pouvoir analyser de manière approfondie. Il s’agit des systèmes pour lesquels il n’existe pas de preuves papier et dont les résultats ne peuvent donc pas être contrôlés a posteriori. L’attention s’est dès lors focalisée sur le système Jites/Digivote. En outre, le système SmartMatic a également été examiné, parce qu’il a été utilisé pour la première fois pour les élections européennes, fédérales et régionales.

Le système Jites a occasionné les problèmes connus concernant le bug. Dans le même temps, le système SmartMatic a également généré un certain nombre de problèmes assez considérables. Premièrement, l’ergonomie de ce système a entraîné des difficultés, de sorte que, dans un certain nombre de cas limités, des électeurs n’ont pas reçu la bonne carte de vote pour exprimer leur vote. Lorsqu’un électeur qui ne peut voter que pour les élections européennes se présente, le président du bureau de vote doit en effet effectuer une manipulation dans le système, de manière à ce que la carte de vote qui est délivrée donne uniquement accès aux listes pour les élections européennes.

À la suite d’erreurs de manipulation, certains électeurs européens ont toutefois eu accès tant aux élections européennes qu’aux élections fédérales et régionales. Inversement, certains électeurs belges n’ont eu accès qu’aux élections européennes.

L’interface utilisateur destinée au président d’un bureau de vote a donc entraîné un certain nombre d’erreurs et de fautes d’inattention.

Deuxièmement, des problèmes sont également apparus lors du recomptage des bulletins de vote provenant des urnes SmartMatic. Lors de deux recomptages complets d’urnes sélectionnées au hasard, on a constaté une différence de deux voix, qui se trouvaient dans l’urne mais qui n’avaient pas été scannées et comptabilisées dans le système. Cela peut être dû à une distraction de l’assesseur, le bulletin ayant été déposé dans l’urne sans avoir d’abord été scanné. Il se peut aussi que des électeurs munis de deux bulletins de vote (un pour eux-mêmes et un par procuration) n’aient scanné qu’un seul des deux bulletins.

Les problèmes précités ne sont pas inhérents au système informatique, mais sont plutôt des erreurs de procédure ou de manipulation dues à l’inattention du président, de l’assesseur ou de l’électeur.

M. Willems explique que le rapport contient une série de recommandations concernant les problèmes constatés, comme par exemple certains blocages du système, le bug informatique, la sécurité, etc. Le rapport contient aussi un résumé des points les plus importants, ainsi qu’en annexe, en ce qui concerne le bug, les corrections techniques des résultats, et ce, de manière exhaustive.

II. — ÉCHANGE DE VUES

M. Koenraad Degroote (N-VA) constate que le rapport plaide en faveur de l’abandon du système Jites (DOC 54 0014/001, p. 75). L’intervenant fait aussi remarquer que SmartMatic a également posé quelques problèmes. Le plaidoyer en faveur du maintien de ce système peut-il être commenté davantage ?

Quelle instance décidera de la suppression ou du maintien de tel ou tel système ? Le SPF Intérieur est-il seul à décider, ou bien d’autres institutions interviennent-elles aussi dans le processus décisionnel ?

M. Emmanuel Willems, président du Collège d’experts, affirme que le Collège d’experts n’a aucune objection contre l’utilisation de SmartMatic. Le système a prouvé pour la seconde fois qu’il était bien conçu et qu’il fonctionnait bien dans la pratique. Lors de sa première utilisation en 2012, le système a souffert de quelques maladies de jeunesse, auxquelles il a été remédié. Les problèmes ont donc été beaucoup moins nombreux lors des élections du 25 mai 2014.

Les problèmes qui se sont encore posés avec SmartMatic se situent surtout sur le plan organisationnel. Tout d’abord, il y a eu les cas précités d’une initialisation erronée de la carte à puce (pour les trois élections, ou uniquement pour l’élection du Parlement européen). Une solution pourrait être d’utiliser des cartes de deux couleurs différentes. Le problème n’est en tout cas pas imputable au système informatique lui-même.

En ce qui concerne le problème de non-lecture de certains bulletins, il est par exemple possible d’y remédier en faisant uniquement déposer les bulletins dans l’urne du bureau de vote, et en procédant à la lecture de tous les bulletins à la fin de la journée. Cela réduirait le risque d’erreurs, tout en maintenant la transparence du processus.

En ce qui concerne la suppression ou non du système Jites, le Collège d’experts ne prend pas de décision, mais se borne à formuler des recommandations. Quoi qu’il en soit, le système est obsolète et aurait dû être supprimé depuis longtemps déjà. Le contrat d’entretien du logiciel et du matériel a cependant été à chaque fois renouvelé, tant que le nouveau système n’était pas disponible. De toute façon, dans l’intervalle, certains supports de données ou drives ne sont plus disponibles pour le système Jites. Cela signifie qu’une partie du système n’est de facto plus utilisable. Il a également été difficile de trouver des disquettes en nombre suffisant. Tout cela indique qu’il est grand temps de supprimer le système.

Dès 1999, le Collège d’experts a attiré l’attention sur la mauvaise qualité du code source de Jites. Ce problème est en outre une cause directe du bug informatique survenu en 2014. Ce problème ne peut plus être résolu.

C’est au SPF Intérieur qu’il appartient, en concertation avec les Régions, de décider de la suppression du système. La Région flamande a déjà pris une décision et a résolument opté pour le nouveau système. La Région wallonne semble vouloir en revenir au vote papier. En Région bruxelloise, les choses ne sont pas encore claires.

M. Benoit Hellings (Ecolo-Groen) rappelle que dès le lendemain des élections du 25 mai 2014, le groupe auquel il appartient a demandé à ce que le Collège d’experts chargé du contrôle du système de vote et de dépouillement automatisé soit entendu. Il est donc heureux d’entendre la présentation de ce rapport, qui intervient toutefois assez tardivement.

Il est inquiétant de constater que non seulement le système Jites de vote automatisé sans preuve papier est dépassé, mais qu’en plus, le système de vote automatisé SmartMatic présenté comme un système plus efficace présente quelques questionnements fondamentaux.

Compte tenu de ce constat ainsi que du coût de ces systèmes, M. Hellings se dit plus opposé que jamais au vote électronique.

Les systèmes de vote et de dépouillement électroniques ont fait l’objet d’une certification sur la base des avis rendus par PriceWaterhouseCooper (PwC). Cette société a donné, notamment en ce qui concerne le système CODI de totalisation des résultats des bureaux de vote, un “avis globalement positif et dit être en mesure de conclure, avec une assurance raisonnable que l’application est compatible avec le matériel, qu’elle satisfait aux exigences de la législation et qu’elle est fiable et adéquate” (voir DOC 54 0014/001, p. 19-20). L’intervenant déduit de l’exposé de M. Willems que le système CODI n’était ni fiable, ni adéquat.

M. Emmanuel Willems, président du Collège d’experts, conteste cette interprétation. Le système CODI a en réalité joué son rôle puisqu’il a refusé de lire et de totaliser des disquettes contenant des résultats incohérents. En raison de la complexité des systèmes, il est impossible de connaître immédiatement les raisons pour lesquelles un contrôle de cohérence échoue : comment savoir en effet si l’on est en présence d’une disquette défectueuse ou frauduleuse ? Sachant qu’une disquette représente environ 700 votes et que la comptabilisation des résultats qu’elle contient peut avoir un impact sur le résultat des élections, le fabriquant a choisi une solution de sécurité consistant en l’arrêt du processus en cas d’échec du contrôle de cohérence. En l’occurrence, le problème a touché de nombreuses disquettes et l’arrêt du processus a donc eu des conséquences importantes.

M. Benoit Hellings (Ecolo-Groen) observe que l’objectif du contrat conclu avec PwC était précisément de prévenir ce type de problème.

M. Emmanuel Willems, président du Collège d’experts, dit ignorer le contenu exact du contrat conclu avec PwC.

Il rappelle que dans la mesure où le SPF Intérieur ne dispose pas des ressources humaines adéquates pour pouvoir faire un contrôle en profondeur de l’adéquation des applications, le Collège avait recommandé, lors d’élections précédentes, de “sous-traiter” ce contrôle. C’est dans ce contexte qu’un appel d’offres à eu lieu et que PwC a été retenu pour rendre un avis préalable à la certification. C’est sur la base de cet avis que le ministre de l’Intérieur pouvait décider d’agréer les systèmes ou pas.

La société PwC a en outre pris certaines précautions dans la rédaction de son avis puisqu’il est en effet question d’une “assurance raisonnable”. M. Willems ajoute que le laps de temps qui était imparti pour rendre cet avis avait pour conséquence qu’il était pratiquement impossible de tout contrôler.

À cela s’ajoute les modifications tardives que le législateur apporte à la législation électorale : les sociétés sont donc soumises à un rythme élevé pour produire les logiciels et les faire agréer. En outre, la reproduction et la distribution des disquettes par le SPF Intérieur prend du temps. C’est la raison pour laquelle le Collège d’experts plaide depuis longtemps pour un gel de la législation pendant une période déterminée précédant les élections.

M. Benoit Hellings (Ecolo-Groen) souligne que dans son avis, PwC n’a pas vu les lignes de code erronées du logiciel CODI. Il est donc légitime de se demander si PwC n’a pas failli dans sa mission.

Concernant le système SmartMatic, le Collège d’experts a évoqué des cas où des électeurs européens ont reçu des cartes à puce permettant de voter pour toutes les élections et celui, inverse, de Belges recevant des cartes pour électeurs européens. L’intervenant demande si ce problème s’est également posé avec le système Jites.

M. Emmanuel Willems, président du Collège d’experts, répond par l’affirmative mais précise que ce problème n’est pas inhérent au vote automatisé : il pourrait également se produire dans le cadre du vote papier. En l’occurrence, il s’agit d’un problème lié à la procédure d’initialisation des cartes pour voter.

M. Benoit Hellings (Ecolo-Groen) remarque que l’interface du système SmartMatic était aussi peu convivial que celui de Jites, pourtant beaucoup plus ancien.

Le Collège connaît-il le nombre de cartes magnétiques qui ont été concernées par de telles erreurs de manipulation ?

M. Jean-Marc Paul, secrétaire du Collège d’experts, répond qu’il est impossible de répondre a posteriori à cette question dans la mesure où les cartes ont été utilisées et que les votes ont été émis. Comme M. Willems l’a indiqué, le problème ne vient pas du système lui-même mais de son ergonomie et du manque d’attention de l’opérateur.

M. Benoit Hellings (Ecolo-Groen) regrette toutefois que le recours au vote automatisé avec ou sans support papier empêche de vérifier combien de personnes ont été induites en erreur par une mauvaise manipulation.

Le rapport précise qu’il n’a pas été possible au Collège d’experts de vérifier, de manière exhaustive, l’impact des votes non valides sur la répartition des sièges au sein d’une même liste. Quelle en est la raison ?

M. Jean-Marc Paul, secrétaire du Collège d’experts, nuance cette affirmation : des vérifications ont bel et bien eu lieu, notamment par le SPF Intérieur qui a tenu compte d’un scenario du “pire des cas” (voir DOC 0014/001, p.45). Cette vérification permet de conclure que si l’on attribuait les votes invalides aux candidats les plus “proches”, il y aurait pu avoir, dans deux cas, un basculement des voix au sein d’une même liste et ce tant pour l’élection du Parlement bruxellois que pour la Chambre.

M. Emmanuel Willems, président du Collège d’experts, ajoute que si le Collège n’a pas pu procéder à un examen exhaustif, c’est en raison du délai imparti pour déposer son rapport qui, conformément à la loi du 7 février 2014, est de quinze jours. Or, presque dix jours ont été nécessaires pour détecter l’impact complet du bug. C’est la raison pour laquelle priorité a été donnée au contrôle de la répartition des sièges entre les listes.

Quant au contrôle de la répartition des sièges au sein d’une même liste, le nombre de combinaisons possibles à explorer étant nettement supérieur, le Collège s’est limité à une vérification partielle entre candidats les plus proches.

M. Benoit Hellings (Ecolo-Groen) observe que dans le rapport communiqué le 30 mai au Collège d’experts par la société Stésud, celle-ci faisait état d’une trentaine d’urnes manquantes. Selon le Collège — qui a ensuite constaté qu’en réalité, une cinquantaines d’urnes manquaient — le SPF Intérieur ignorait cette absence. Comment expliquer cette situation ?

M. Jean-Marc Paul, secrétaire du Collège d’experts, précise que cette anomalie a été constatée au moment où le Collège a souhaité réalisé une série de tests et de vérifications : dans le cadre de ces vérifi cations, le Collège a constaté que d’autres urnes que celles qui avaient été considérées par Stésud comme problématiques, contenaient également des erreurs. Ces vérifications menées au moyen de logiciels développés par le Collège lui-même ont également permis de conclure que tant le logiciel de décryptage que celui utilisé pour la totalisation des votes invalides ne permettaient pas d’aboutir à des résultats corrects. Stésud a été informée de cette incohérence et a pu, de la sorte, adapter ses logiciels pour aboutir à des résultats similaires à ceux auxquels le Collège était arrivé de manière indépendante.

M. Emmanuel Willems, président du Collège d’experts, remarque que le rôle du Collège est plus simple que celui de Stésud : il est en effet plus aisé de vérifier un résultat auquel d’autres sont parvenus que d’y parvenir à partir de rien.

M. Benoit Hellings (Ecolo-Groen) observe que le rapport communiqué par la ministre de l’Intérieur dans le cadre de la procédure de vérification des pouvoirs mentionne une intervention, le 26 mai, de la société NRB pour aider l’équipe de Stésud à identifier l’origine des incohérences et donc du bug informatique. L’intervenant demande sur quelle base NRB a pu intervenir dans ce processus : le contrat liant Stésud au SPF Intérieur prévoyait-il la possibilité d’impliquer une tierce personne ?

M. Emmanuel Willems, président du Collège d’experts, ignore si le contrat prévoyait une telle clause.

M. Jean-Marc Paul, secrétaire du Collège d’experts, souligne qu’il faut tenir compte des circonstances particulières : le soir des élections, les opérations de dépouillement sont bloquées en raison de problèmes survenus au cours du contrôle de cohérence. Dans le cadre de cette situation particulièrement stressante où il n’est pas exclu de devoir procéder à de nouvelles élections, il est décidé de faire appel à des personnes ressources au sein de NRB. Cette intervention permettra d’identifier l’origine du problème et de rechercher une solution.

Le lendemain des élections, on a pu commencer à évaluer l’impact du problème sur la répartition des sièges entre les listes. Dans la mesure où cette évaluation a permis de conclure que les problèmes mis au jour n’avaient pas eu d’incidence sur la répartition des sièges, les résultats ont pu être diffusés trois jours plus tard. Toutes ces péripéties résultent de la modification de deux lignes de code.

M. Emmanuel Willems, président du Collège d’experts, ajoute que l’analyse du code source n’a jamais fait l’objet d’une certification par PwC car le SPF ne l’a pas demandé. Il s’agit, il est vrai, d’une opération extrêmement complexe et il n’est pas totalement garanti qu’une analyse aurait permis d’éviter les problèmes ultérieurs.

M. Benoit Hellings (Ecolo-Groen) demande si le Collège recommanderait au ministre de l’Intérieur chargé d’organiser les prochaines élections d’inclure dans le contrat de certification une vérification du code source ?

M. Emmanuel Willems, président du Collège d’experts, confirme que ce serait utile et que de telles vérifications ont d’ailleurs eu lieu par le passé.

M. Jean-Marc Paul, secrétaire du Collège d’experts, souligne qu’il ne faut toutefois pas croire qu’une telle démarche permettra de résoudre tous les problèmes. Il est d’avis que la réécriture du code source constitue une perte d’énergie et se fait parfois au détriment de la qualité et de la fiabilité. Il serait préférable d’améliorer, dès le départ, la qualité de l’écriture et de la paramétrisation des codes sources utilisés.

M. Benoit Hellings (Ecolo-Groen) souhaite savoir si Stésud avait l’obligation contractuelle d’adapter le logiciel.

M. Emmanuel Willems, président du Collège d’experts, indique que le système CODI sert à la collecte, à la diffusion et à la totalisation des résultats au niveau des cantons. Le système Jites est constitué des appareils présents dans les bureaux de votes. Ces deux systèmes sont donc indépendants si ce n’est que CODI est capable de relire les disquettes de Jites. A l’issue des opérations électorales au sein du bureau de vote, un comptage est réalisé par Jites qui génère un fichier résultat (par candidat et par liste). Ces résultats sont relus par le système CODI qui, à cette occasion, procède à un contrôle de cohérence. Ce contrôle ayant échoué, le processus a bloqué. L’intervenant répète que le système CODI n’est pas la cause du problème mais au contraire a permis de le mettre au jour.

Sur la base du rapport communiqué par la ministre de l’Intérieur, dont il a été question plus haut, M. Benoit Hellings (Ecolo-Groen) constate qu’une adaptation du logiciel CODI, certifiée par PwC, est intervenue postérieurement aux élections.

M. Emmanuel Willems, président du Collège d’experts, confirme que le logiciel PGM3 du système CODI a du être adapté afin de permettre au processus de continuer malgré l’échec du contrôle de cohérence. Une certification était nécessaire pour éviter de donner lieu à d’autres problèmes. Le Collège a été avisé de cette procédure.

M. Benoit Hellings (Ecolo-Groen) demande si l’ensemble des manipulations de cartes et des modifications apportées aux logiciels ont été réalisées dans les locaux du SPF Intérieur.

M. Jean-Marc Paul, secrétaire du Collège d’experts, indique que les cartes magnétiques sont déposées dans une urne scellée. Ces urnes ne sont descellées — et les cartes qu’elles contiennent ne sont manipulées — que si l’on décide de procéder à un recomptage.

Dans le cadre de la recherche des votes erronés, un certain nombre d’urnes ont été recomptées dans les bureaux de cantons, en présence de leurs présidents, ainsi que de représentants du SPF Intérieur, voire de membres du Collège d’experts.

Quant aux modifications apportées au logiciel, il dit ignorer où ces modifications ont eu lieu mais pense que cela n’a que peu d’importance.

M. Benoit Hellings (Ecolo-Groen) pense pour sa part que la réponse à cette question n’est pas anodine. Les systèmes de votes électroniques sont mis en place par des techniciens de Stésud et de NRB en amont des élections et font l’objet d’une certification. Le jour des élections, une procédure précise doit être suivie par les présidents et assesseurs des bureaux de votes, lesquels doivent en outre prêter serment. À l’issue des opérations électorales, les urnes sont scellées pour éviter toute fraude. Or, si un problème informatique survient, sa résolution dépend du travail d’une société privée dont les agents ne sont ni assermentés ni soumis aux obligations du Code électoral. M. Hellings pense que cela pose un réel problème de principe.

M. Jean-Marc Paul, secrétaire du Collège d’experts, indique que comme le Collège l’a souligné dans son rapport, il a fallu à un moment donné que le SPF Intérieur prenne une décision, à défaut de quoi l’on aurait probablement du revoter. Les modifications ont été certifiées a posteriori et ont été apportées dans les bureaux de canton, sous le contrôle de leurs présidents respectifs.

M. Emmanuel Willems, président du Collège d’experts, observe en outre que les présidents des bureaux de canton et de circonscription sont intervenus dans le cadre de la signature des procès-verbaux qui sont les seuls ayant valeur officielle. Les chiffres publiés sur Internet sont en effet purement indicatifs. Pour le reste, il est exact que l’urgence a donné lieu à un certain assouplissement des procédures.

Pour rassurer M. Hellings, l’intervenant précise que pendant les neufs jours suivant, pendant lesquels les techniciens essayaient de trouver les bons résultats sur la base des PC de totalisation, le Collège d’experts a récupéré les supports magnétiques à partir desquels il a recommencé les opérations de comptabilisation. A partir des ces deux sources d’information différentes, Stésud et le Collège ont détecté les mêmes discordances.

M. Benoit Hellings (Ecolo-Groen) évoque ensuite une interview accordée le 10 juin 2014 par la ministre de l’Intérieur à une chaîne de télévision : elle y affirme que 10 % des votes nuls seraient annulés en dehors de tout critère légal. Le Collège a-t-il connaissance de ce phénomène ?

M. Emmanuel Willems, président du Collège d’experts, ignore le contexte dans lequel cette interview a été donnée et suppose que les chiffres dont il est question concernent l’ensemble des cantons et circonscriptions quel que soit le système de vote.

Dans le cadre du vote électronique, il est aisé pour l’électeur de voter blanc dans la mesure où cette option figure sur l’interface. Tel n’est pas le cas du vol nul qui requiert un comportement actif de l’électeur. C’est la raison pour laquelle le nombre de votes nuls est peu élevé dans le cadre du vote électronique.

Par ailleurs, le Collège a pu mettre en évidence, au cours des élections précédentes, que le nombre de votes nuls et de votes blancs repris dans les procès-verbaux était souvent incorrect. La procédure requiert en effet l’encodage des votes nuls dans le système et compte tenu de divergences d’interprétation, certains présidents les encodaient comme des votes blancs. Il est néanmoins difficile de déterminer l’ampleur du phénomène.

Pour le reste, il ressort d’analyses réalisées par le SPF que le taux d’abstention et de vote blanc est identique quel que soit le mode de vote utilisé.

M. Willy Demeyer (PS) juge que la fiabilité des élections est essentielle dans une démocratie représentative. La problématique relative au code source et la manière dont cette question a été résolue ne le rassure donc pas.

L’argument selon lequel un contrôle approfondi préalable risque de coûter trop cher ne le convainc pas : la démocratie a un coût mais n’a pas de prix ! Il demande, dans ce cadre, si l’on ne peut envisager de recourir à un système de vote papier pouvant faire l’objet d’une lecture optique. Pareil système permettrait de combiner la rapidité dans l’élaboration des résultats et la fiabilité et renforcerait le sentiment du citoyen que les résultats qui lui sont présentés sont exacts.

M. Emmanuel Willems, président du Collège d’experts, répond que le système décrit par M. Demeyer correspond au système SmartMatic qui permet de voir son vote et qui contient un code informatique.

Le Collège a dépouillé une urne de bulletins SmartMatic et a comparé le résultat de ce dépouillement manuel au dépouillement réalisé sur la base du code informatique. Ce contrôle a démontré que le système fonctionnait correctement.

Par le passé, un système de bulletin à lecture optique traditionnelle a également été expérimenté : le bulletin noirci était ensuite scanné. Ce système est également fonctionnel mais il faut tenir compte d’un certain nombre de problèmes. Il est en effet inapplicable à Bruxelles où la taille des bulletins nécessiterait des appareils de lecture très onéreux. Par ailleurs, une calibration est nécessaire : à partir de quelle quantité de noircissement le système doit-il considérer que le vote est valable ?

M. Willems est d’avis qu’il s’agit là d’une question comparable à celle qui se pose dans le cadre du vote sur papier : là aussi, la validité du vote est laissée à l’appréciation de personnes tierces.

Le système SmartMatic qui permet l’impression du bulletin garantit qu’un contrôle est possible. Une généralisation de ce système serait souhaitable étant entendu qu’il appartiendrait à chaque canton de décider comment il souhaite dépouiller les bulletins (soit sur la base de l’information textuelle ou sur la base du code barre).

Dans tous les cas, il est essentiel que l’ensemble des votes puissent être comptabilisés ce qui n’a pas été le cas de certains votes émis dans les bureaux utilisant le système Jites ou SmartMatic.

Concernant les cas où des électeurs européens ont reçu des cartes à puce permettant de voter pour toutes les élections et celui inverse, de Belges recevant des cartes pour électeurs, Mme Vanessa Matz (cdH) demande s’il n’est pas possible de prévoir des couleurs différentes pour les cartes de votes selon le type d’électeur et d’élection, à l’image de ce qui se fait pour le vote papier ?

M. Emmanuel Willems, président du Collège d’experts, indique que d’aucuns estiment que le recours à des couleurs distinctes dans le cadre du système Jites pourrait mettre en péril le secret du vote. Pour SmartMatic, par contre, le recours à des couleurs pour les cartes pourrait être envisagé comme aide visuelle pour celui qui initialise le vote.

M. Philippe Pivin (MR) rappelle que les péripéties des dernières élections ont particulièrement touché Bruxelles et ont donné lieu à des situations cruelles pour certains candidats qui, de bonne foi, croyaient avoir été élus. Il y a là une responsabilité politique évidente due à un manque de prévoyance et d’anticipation.

M. Pivin a suivi ce dossier lorsqu’il siégeait au parlement Bruxellois. En 2009, le ministre-président du gouvernement régional annonçait que Bruxelles travaillerait main dans la main avec la Flandre et le gouvernement fédéral pour harmoniser les systèmes. Ce fut une occasion manquée. L’absence d’harmonisation est d’ailleurs une des difficultés identifiées par le Collège d’experts. Cette situation a conduit à creuser un fossé profond entre les différentes régions du pays ainsi qu’au sein même de la Région bruxelloise où des communes pilotes ont pu utiliser un système plus moderne que les autres qui ont été confrontées au fameux bug.

M. Pivin demande par conséquent au Collège d’experts s’il estime que l’on pourra continuer à gérer des systèmes différents sans risquer de compliquer d’avantage le travail des techniciens et des fonctionnaires du SPF Intérieur.

Le système SmartMatic va-t-il devenir viable lorsque seront intégrés l’urne traditionnelle et la carte à puce différentiée ?

A-t-on chiffré, au sein du SPF Intérieur, le budget qui serait nécessaire pour doter l’organisation des compétences permettant de gérer le vote électronique et de la sorte, de ne plus être tributaire de sociétés privées ?

M. Emmanuel Willems, président du Collège d’experts, ignore si la démarche consistant à évaluer le coût de l’acquisition des connaissances techniques a été faite par le SPF Intérieur.

M. Jean-Marc Paul, secrétaire du Collège d’experts, répond, pour sa part, qu’il n’est pas souhaitable de conserver des systèmes de votes distincts. L’adoption d’un système uniforme constitue d’ailleurs une des recommandations formulées par le Collège dans son rapport.

Il rappelle néanmoins que l’organisation des élections communales relève des régions. La multiplicité des systèmes au sein des Régions wallonne, flamande et bruxelloise devant être gérés différemment a un coût et entraîne une perte d’énergie inutile. La généralisation du système SmartMatic associé à un dépouillement décalé dans le temps pourrait éviter les problèmes constatés. Cela étant, des améliorations devraient y être apportées de manière à éviter que des votes ne soient pas comptabilisés.

M. Emmanuel Willems, président du Collège d’experts, indique à ce propos que dans son rapport, le Collège a en effet fait part du problème de votes non comptabilisés (voir DOC 0014/001, p. 71) et avait proposé une méthode afin d’évaluer la portée de cette non-comptabilisation sur l’ensemble du pays. Il n’a toutefois pas été donné suite à cette observation qui est sans doute passée à l’arrière-plan en raison de la publicité ayant entouré le bug.

L’intervenant souligne que la majorité des membres du Collège sont informaticiens. Jusqu’à présent, ils n’avaient jamais été confrontés au problème de pertes des votes. Le système était censé garantir l’impartialité du dépouillement. Or, une “simple” erreur de programmation a eu des effets désastreux. Le Collège s’est penché sur la question de savoir comment éviter à l’avenir que des votes tout à fait valables soient perdus. Le système du vote électronique avec preuve papier — qui est privilégié par les instances internationales — répond à cette question pour autant que l’on dissocie la comptabilisation du vote de l’expression du vote.

M. Benoit Hellings (Ecolo-Groen) reconnait que le problème mis en exergue par le rapport n’est pas la discordance entre SmartMatic et Jites mais résulte des défaillances du système Jites. Il est par ailleurs exact que nombreuses sont les communes qui n’ont pas voulu se doter de SmartMatic pour des raisons budgétaires mais aussi pour des raisons de principe : doit-on laisser aux mains d’experts le choix final de nos élus ? L’intervenant estime en tout cas que le choix de continuer à appliquer le système Jites plutôt que de revenir au vote papier était une erreur.

M. Emmanuel Willems, président du Collège d’experts, comprend le raisonnement de M. Hellings.

Toutefois, que le vote soit exprimé sur papier ou par voie électronique, l’électeur ne voit qu’une partie du processus électoral. La comptabilisation des votes nécessite en effet toujours l’intervention de tierces personnes. En outre, le recours à l’informatique intervient très tôt dans ce processus, y compris pour le vote papier puisque le logiciel PGM2 est utilisé pour l’encodage des résultats. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le Collège a insisté pour qu’on étende ses missions à tous les aspects informatiques. Pour rappel, tel n’était pas le cas avant 2014.

M. Brecht Vermeulen, président, constate qu’un certain nombre de problèmes en matière informatique et de procédure électorale sont apparus lors des élections du 25 mai 2014.

Les recommandations du Collège d’experts s’avéreront certainement utiles en vue de la préparation de prochaines élections et des décisions qui devront être prises à cet égard.

Le rapporteur,
Koenraad DEGROOTE

Le président,
Brecht VERMEULEN

http://www.lachambre.be/flwb/pdf/54/0014/54K0014002.pdf