17/03/2015: Lettres aux communes victimes du "bug"
PourEVA a, depuis le 17 mars, adressé un courrier aux mandataires communaux des 39 communes wallonnes et 17 bruxelloises victimes du "bug du 25 mai".
Madame, Monsieur, membre du Conseil communal de …….,
Entre 1991 et 2002, les représentants de l’époque de votre entité ont opté pour le vote électronique, imposant aux citoyens d’exprimer leur volonté politique par ce moyen. En « expérimentation » en Belgique depuis un quart de siècle, ce système de vote prive les citoyens d’un des droits intrinsèques à tout système se qualifiant de démocratique : le contrôle du processus de désignation de ses représentants.
Comme l’a bien démontré le « bug » du 25 mai dernier, l’utilisation de machines à voter induit que seuls des techniciens informatiques sont capables de vérifier le fonctionnement correct du système électoral, d’intervenir en cas de problème, et de « garantir » que la désignation des mandataires « issus des urnes » correspond à l’expression des électeurs. En mai dernier, trois jours après le scrutin, des techniciens et des fonctionnaires ont jugé que des magistrats devaient déclarer la nullité de plus de 2 000 votes pourtant régulièrement exprimés : le système informatique était incapable de les lire !
Selon ses initiateurs, le vote électronique devait permettre des économies, augmenter la fiabilité des opérations électorales et accélérer la communication des résultats. Aucun de ces objectifs n’a été atteint.
Plus de 72 heures après le scrutin du 25 mai, les résultats n’étaient toujours pas « validés » par les magistrats Présidents de cantons, tâche qu’ils doivent remplir en toute indépendance. Qui plus est, le contrôle effectué a posteriori par le Collège des Experts atteste que les résultats pourtant finalement validés par ces Présidents ne reflètent même pas la volonté de l’électeur : en Communauté germanophone, un siège est en réalité en ballotage. Il aurait pu générer une autre majorité. À Bruxelles, l’annulation des votes techniquement illisibles a pu modifier la désignation d’au moins un élu.
Outre qu’elle éloigne l’électeur de la maîtrise du processus, cette technique de vote opaque altère profondément la confiance du citoyen quant à la légitimité de ses représentants.
On peut d’ailleurs raisonnablement penser que les résultats des élections du 25 mai 2014 ont finalement été entérinés tels quels uniquement parce qu’en Belgique ce n’est pas une instance indépendante mais les élus eux-mêmes qui valident leur propre élection (scandaleuse exception parmi les États démocratiques).
Et que dire des incidents précédents : un candidat crédité de plus de voix de préférence que la totalité des suffrages attribués à sa liste (Schaerbeek, 2003) ; des résultats intermédiaires incohérents avec les résultats finaux déclarés valides (Anvers, 2004 et Liège, 2006) ; un nombre de votes en case de tête identique pour quasi toutes les listes (Jurbise, 2000) ; un parti crédité de 100% des suffrages (partiellement) dépouillés (25 mai 2014)… ? Il est dès lors légitime de penser que ces « résultats » découverts car manifestement incohérents ne représentent que la pointe d’un iceberg d’erreurs non détectées.
Le vote électronique n’est manifestement, à l’heure actuelle, ni rapide ni fiable !
Qu’en est-il de l’objectif économique poursuivi ? L’analyse du coût du vote électronique réalisée en 2005 par le Ministère fédéral de l’Intérieur l’estimait déjà au triple de celui du vote papier. Et vous le savez, le calcul réalisé par le gouvernement wallon en 2012 arrête un différentiel 13 fois plus onéreux !
Quasi toutes les 39 communes « électroniques » wallonnes ont initié une procédure auprès du Conseil d’État afin d’éviter d’assumer ce surcoût manifeste. Ce faisant, les plaignantes promeuvent implicitement le maintien de la mutualisation des surcoûts de leur choix d’opter pour ce système de vote. Autrement dit, depuis plus de 20 ans, les communes wallonnes votant « papier » financent solidairement le choix technologique de 15% des entités de la Région.
En ces temps de disette budgétaire, de rationalisation financière, il serait irresponsable que l’autorité publique - donc, vous - cautionne un gaspillage des contributions citoyennes au fonctionnement de la société pour un système de vote qui, après 25 ans d’expérimentation, n’a toujours pas fait ses preuves.
Qu’en sera-t-il demain ?
Le vote par carte magnétique, obsolète depuis une décennie mais maintenu par acharnement, inertie ou conservatisme, ne survivra pas au 25 mai 2014.
Le nouveau système, avec « preuve papier », est-il donc plus sûr ? Absolument pas !
L’audition du Collège des Experts en Commission Intérieur du Parlement fédéral, en ce début janvier 2015, atteste que ce système a également connu des défaillances, opportunément masquées par le retentissement du « bug » de l’ancien système. Or, ce « bug » n’est, somme toute, qu’une « simple » erreur de programmation, une erreur d’écriture. Le système avec « preuve papier » n’est en aucune façon à l’abri d’une telle erreur. D’ailleurs, rappelons-nous du problème du « double-clic » lors des élections communales de 2012, reconnu par le Conseil d’État, entraînant l’élection de candidats totalement inconnus, voire, comme à Woluwe-Saint-Pierre, favorisant une liste mieux positionnée sur l’écran tactile.
Nonobstant un coût d’équipement prohibitif (par bureau de vote : 3, 4, 5 machines à voter chacune munie d’imprimante, deux scanners, une machine d’initialisation des clés pour voter, l’ordinateur du président de bureau…), cette « preuve papier », sans même évoquer l’atteinte manifeste au secret du vote, n’est en définitive qu’un leurre démocratique. En effet, l’urne ne prend en compte qu’un code QR (code barre en deux dimensions qu’il faut scanner) illisible par tout un chacun. Aucun comptage manuel des tickets n’est organisé. Les quelques tests néanmoins réalisés après coup par le Collège des Experts établissent des différences entre le contenu de l’urne (les « tickets ») et le résultat fourni par le scannage opéré lors du vote.
L’heure n’est plus aux études. La prochaine échéance électorale est communale, dans trois ans. Il est indispensable de s’emparer activement, dès aujourd’hui, de la question. Vous êtes, Madame, Monsieur, membre du Conseil communal, devant un choix assez clair : allez-vous prochainement entériner une obstination technocratique dispendieuse sapant la confiance de l’électeur en ses représentants ou permettre à cet électeur de recouvrer un droit démocratique fondamental confisqué de facto par l’inaccessibilité technologique ?
Savez-vous que votre commune a dû, à l’approche de chaque élection, confirmer le choix du mode de scrutin ? Il n’y a plus lieu de tergiverser.
Nous, membres de PourEVA, sommes prêts à vous faire bénéficier de notre expertise technique et démocratique acquise en 20 ans d’existence. Nous répondrons avec intérêt à toute sollicitation de votre Conseil dans la préparation de la prise de décision et/ou invitation à éclairer directement vos citoyens.
Notre site, www.poureva.be, réunit déjà de multiples réflexions (les principes et valeurs démocratiques …), prises de position, réactions, analyses, comparaisons avec les systèmes d’autres pays… N’hésitez pas à le visiter.