21/10/2015: Questions parlementaires sur le coût du vote électronique
Lors de la réunion de la Commission de l’Intérieur du 21 octobre 2015, plusieurs questions ont été posées au Ministre au sujet du vote électronique.
Nous vous proposons de les consulter, avec leurs réponses, ci-dessous.
Version complète et officielle : http://www.lachambre.be/doc/CCRI/pdf/54/ic252.pdf
CHAMBRE DES REPRESENTANTS DE BELGIQUE
COMPTE RENDU INTEGRAL AVEC COMPTE RENDU ANALYTIQUE TRADUIT DES INTERVENTIONS
COMMISSION DE L’INTERIEUR, DES AFFAIRES GENERALES ET DE LA FONCTION PUBLIQUE
Mercredi 21-10-2015 Après-midi
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Questions jointes de
M. Philippe Pivin au vice-premier ministre et ministre de la Sécurité et de l’Intérieur, chargé de la Régie des Bâtiments, sur "la demande du gouvernement wallon concernant le vote électronique" (n° 5790)
M. Benoit Hellings au vice-premier ministre et ministre de la Sécurité et de l’Intérieur, chargé de la Régie des Bâtiments, sur "la mise en oeuvre des recommandations du collège d’experts chargés du contrôle du système de vote et de dépouillement automatisés et la concertation en cours avec les Régions en vue de l’organisation des prochains scrutins" (n° 5850)
Orateurs : Philippe Pivin, Benoit Hellings, Jan Jambon, vice-premier ministre et ministre de la Sécurité et de l’Intérieur, chargé de la Régie des Bâtiments
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Philippe Pivin (MR) : Monsieur le président, monsieur le ministre, le 3 juin dernier, le Parlement wallon adoptait une résolution appelant le gouvernement fédéral à supprimer le système de vote électronique pour les élections régionales, fédérales et européennes.
Une semaine plus tard, vous précisiez, en réponse à une interpellation que je vous avais faite sur le sujet, n’avoir pas encore reçu de demande des entités fédérées quant à l’organisation des systèmes de vote pour les prochaines élections. Votre volonté était de tendre vers une harmonisation du système de vote pour tous les prochains scrutins.
Le 2 juillet 2015, le gouvernement wallon communiquait avoir transmis officiellement une demande au gouvernement fédéral afin que le système de vote électronique en Wallonie soit abandonné pour les élections de 2019 (régionales, fédérales et européennes).
S’il est indispensable que les garanties soient assurées en termes de sécurité, de confidentialité, de transparence et d’intégrité du vote, il apparaît que l’initiative wallonne a été prise sans concertation avec les autres Régions. Par ailleurs, on constate que la Flandre poursuit, quant à elle, dans la voie du système de vote électronique nouvelle génération dit Smartmatic. Cela se comprend vu le fonctionnement de ce système lors des derniers scrutins organisés.
Et, au centre de cet état de fait, vous avez la Région bruxelloise qui organise toutes les élections depuis 1994 munie du système de vote électronique mais qui reste actuellement étrangement silencieuse, alors que les communes ont de votre part reçu non pas l’injonction mais le conseil de ne plus utiliser le matériel de vote en leur possession. Considérant les demandes tant de l’Association de la Ville et des Communes que de la Conférence des bourgmestres, il me semble important que nous puissions vous demander un certain nombre d’informations sur la situation qui se présente actuellement.
Monsieur le ministre, le gouvernement wallon a-t-il bien communiqué ses intentions au groupe de travail interministériel et entités fédérées quant au choix qui a été exprimé par le Parlement wallon ? Avez-vous reçu une demande officielle du gouvernement wallon à ce sujet ? Que comporte précisément cette demande officielle ? Celle-ci a-t-elle été prise en concertation avec le collège d’experts en charge de l’analyse du fonctionnement des élections de 2014 ? Êtes-vous informé d’une concertation qu’aurait entreprise le gouvernement wallon avec les autres entités fédérées ? Avez-vous reçu une demande du gouvernement bruxellois dans le cadre du renouvellement du matériel Jites, par le matériel Smartmatic ?
Quelles démarches ont-elles été effectuées par vos services auprès du gouvernement wallon ? Une procédure de concertation est-elle prévue ? Le cas échéant, dans quel délai et avec quels interlocuteurs ?
Benoit Hellings (Ecolo-Groen) : Monsieur le ministre, le 6 janvier dernier, le collège d’experts nous a présenté, en commission de l’Intérieur, un rapport extrêmement critique sur la façon dont se sont déroulées les opérations électorales par voie informatique lors des élections de mai 2014.
Ces remarques qui n’étaient pas que techniques portaient tant sur le système Jites, monsieur Pivin, que sur le système Smartmatic.
Le 3 juin dernier, sur l’initiative du groupe Ecolo, le Parlement wallon adoptait une résolution enjoignant le gouvernement à abandonner les procédures de vote automatisé pour les prochaines élections, pour des raisons éthiques mais surtout budgétaires.
Au début de ce mois, une lettre du gouvernement wallon vous serait parvenue comme l’a indiqué mon collègue précisant cette demande formelle.
Avez-vous bien reçu cette lettre et, si oui, pourrais-je en obtenir copie ? Six mois après les conclusions du collège d’experts présentées en commission de l’Intérieur, pourriez-vous me préciser où en est le SPFIntérieur dans la mise en œuvre des recommandations ?
Pour rappel, celles-ci demandaient entre autres l’abandon du système Jites, ce qui me paraît évident, mais aussi la modification profonde des procédures liées au système Smartmatic. Je vous rappelle qu’on avait décelé une erreur en moyenne de deux votes par urne entre l’urne papier et l’urne électronique. Ce système Smartmatic a fait l’objet d’un important investissement fédéral en 2014.
Pourriez-vous préciser, selon les études les plus récentes de votre département, le coût moyen par électeur d’un vote effectué sur un système Smartmatic et celui effectué par la méthode traditionnelle sur papier ?
Jan Jambon, ministre : Monsieur Pivin, je vous confirme que le ministre-président du gouvernement wallon, par un courrier qui m’a été adressé en date du 2 juillet de cette année, a sollicité l’abandon du vote électronique pour les prochaines élections. Dans la mesure où la Région wallonne est compétente pour les élections locales de 2018, je prends acte de l’abandon du vote électronique dans cette Région. À cet égard, je vous rappelle mon courrier du 12 mars 2015 adressé aux communes dans lequel je faisais part de ma décision d’abandonner l’utilisation des systèmes de vote automatisés de première génération Jites et Digivote lors des élections fédérales en 2019. Ce sont les élections européennes, législatives et régionales. Cette décision est basée sur le rapport officiel relatif aux élections du 25 mai 2014 du collège des experts parlementaires. J’ai demandé, comme vous l’avez mentionné, monsieur Pivin, de ne plus utiliser ce matériel daté pour les prochaines élections.
Je n’ai pas connaissance d’une concertation du gouvernement wallon avec les autres entités fédérées concernant l’abandon du vote électronique. En date du 10 juillet 2015, j’ai adressé au ministre- président de la Région de Bruxelles CAPITALE un courrier afin de connaître les perspectives d’avenir en Région bruxelloise en matière de procédure de vote.
De manière plus formelle, je peux vous informer qu’un projet d’arrêté royal a été soumis au Conseil des ministres afin de modifier l’arrêté royal du 14 mars 2014 portant désignation des cantons électoraux et des communes pour l’usage d’un système de vote électronique, ceci afin d’y supprimer la mention relative aux cantons ayant encore utilisé le système de vote automatisé de première génération en 2014. Une fois cet arrêté modifié, il ne sera plus réglementairement possible d’utiliser ce système dans ces cantons lors des élections de compétence fédérale. Je confirme par courrier ce qui précède au ministre-président du gouvernement wallon.
En outre, je vous informe que dans la mesure où l’abandon des systèmes de première génération en Région wallonne impliquera certains changements dans le processus d’organisation des prochaines élections en 2018 et 2019, mes services, en collaboration avec l’autorité régionale et les communes wallonnes concernées, veilleront à prendre les mesures nécessaires afin d’assurer une transition dans les meilleures conditions.
Monsieur Hellings, en ce qui concerne le rapport du collège des experts suite aux élections de 2014, comme j’en ai déjà informé cette commission, j’ai adressé le 12 mars 2015 un courrier aux communes concernées par lequel je faisais part de ma décision d’abandonner l’utilisation des systèmes de vote automatisé de première génération.
Les recommandations techniques et procédurales du collège des experts en rapport avec le système Smartmatic font encore l’objet de concertations entre le SPF Intérieur et les administrations flamande et bruxelloise qui utilisent également ce système, afin que des solutions communes puissent être adoptées en perspective des scrutins de 2018 et 2019.
Après analyse de ces solutions et évaluation budgétaire, celles-ci pourront être présentées au Collège des experts avant implémentation. Il peut toutefois être utile de rappeler que le collège des experts s’est toujours montré favorable au système Smartmatic puisque son président, M. Willems, a rappelé lors de l’échange de vues qui s’est tenu à ce propos en commission le 27 janvier, que "le collège d’experts n’a aucune objection contre l’utilisation de Smartmatic. Le système a prouvé pour la seconde fois qu’il était bien conçu et qu’il fonctionnait bien dans la pratique."
Après les élections du 25 mai 2014, le SPF Intérieur a effectué un calcul de comparaison des coûts inhérents au vote traditionnel papier et au vote au moyen du système Smartmatic. Le coût du vote papier est ainsi estimé à 2,1145 euros par électeur et par élection. Ce coût est de 4,4412 euros en ce qui concerne le système Smartmatic, soit le double.
Par rapport au calcul effectué dans le passé, il faut remarquer que le coût du vote traditionnel a augmenté pour passer de 1,5 euro à 2,11 euros. Ceci s’explique notamment par le fait que le prix de la pâte à papier a connu une augmentation très importante ces dernières années, mais également par le fait que les élections de 2014 étaient simultanées. Davantage de bureaux de dépouillement ont été organisés, ce qui a eu pour conséquence d’augmenter les coûts. Pour votre information, j’ai également déposé au secrétariat de la commission, un détail du calcul de ces coûts.
Philippe Pivin (MR) : Merci pour cette réponse très complète, monsieur le ministre.
Pour ce qui est de ma question n° 4, je vous demandais si vous avez reçu une demande du gouvernement bruxellois. J’ai peut-être été inattentif à cet aspect de la réponse. Vous n’avez donc rien enregistré comme demande ? Non ? Ok.
Benoit Hellings (Ecolo-Groen) : Est-il possible d’avoir une copie de la lettre du gouvernement wallon si je vous la demande par courrier ?
Jan Jambon, ministre : Oui. Je ne pense pas qu’il s’agisse d’une lettre confidentielle.
Benoit Hellings (Ecolo-Groen) : Ok, je vous la demanderai donc par courrier.
Concernant l’information capitale que vous avez donnée, à savoir le coût moyen par électeur, il est le double pour le système Smartmatic. Dès lors, dans le cadre de la question que nous devrons trancher prochainement lors de la discussion relative aux nouvelles modalités de vote pour les élections, puisqu’en Région bruxelloise et en Région flamande, toutes les communes ne votaient pas par Smartmatic, il faudra donc tenir compte de la question de la fiabilité du vote, du contrôle possible du vote par n’importe quel citoyen, mais aussi de sa dimension budgétaire.
Là, vous venez de donner un argument qui va particulièrement dans le sens du vote papier parce que deux fois plus, ce n’est pas rien ! En cette période de restrictions budgétaires, il s’agit d’une belle façon de faire des économies. Nous aurons l’occasion d’en rediscuter.
Jan Jambon, ministre : Il est aussi plus cher de voyager en train plutôt que d’aller à pied. Et pourtant on utilise le train.
Benoit Hellings (Ecolo-Groen) : Mais le train va beaucoup plus vite.
Jan Jambon, ministre : Le comptage électronique des votes est plus rapide.
Benoit Hellings (Ecolo-Groen) : Monsieur le ministre, la très grande différence entre, d’une part, le train et la marche à pied et, d’autre part, le vote électronique et le vote papier, c’est que lorsque l’on a investi dans un système de vote électronique – ce qui s’est passé en 2014 avec le système Jites –, c’est la vétusté du matériel qui expliquait les problèmes que nous avons connus. Cela a été expliqué en long et en large par le collège d’experts. Quand nous investirons de nouveau dans un système Smartmatic, éventuellement en 2019, et qu’il sera vétuste en 2024 et que nous aurons à nouveau des problèmes et qu’il faudra réinvestir dans un nouveau système parce que la vétusté expliquera les difficultés démocratiques, dans ce cas, monsieur le ministre, il faut absolument réfléchir à long terme.
Je pense que votre parti est particulièrement sensible à la question budgétaire. Vous devriez l’être aussi dans ce dossier.
L’incident est clos.