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20/01/2016: Contribution de PourEVA à l’Examen Périodique Universel


En mars 2015 l’association PourEVA a été contactée par la Ligue des Droits de l’Homme afin de fournir une contribution écrite pour l’Examen Périodique Universel [1] de Janvier 2016 en rapport avec l’objet de notre association.

Cet examen est basé sur trois types de documents : un rapport national rédigé par les autorités de l’État, une compilation préparée par le Haut-Commissariat des Nations Unies aux Droits de l’Homme et des informations additionnelles fournies par des parties prenantes, et c’est dans cette dernière catégorie que notre rapport figure.

Bien que plusieurs textes fondamentaux font référence au droit à des élections libres et honnêtes, c’est un sujet qui est en général peu abordé par les pays examinateurs d’un État occidental, espérons qu’il en sera autrement cette année.

Vous trouverez néanmoins ici notre contribution datant de Juin 2015.

1. Introduction

PourEVA (Pour une Éthique du Vote Automatisé) est [2] une association de fait créée en 1999, indépendante de tout parti politique, qui regroupe des citoyens qui contestent les systèmes de vote automatisé tels qu’ils ont été mis en place en Belgique dans une partie du pays. Nous nous opposons à ces systèmes car ils privent les électeurs de toute possibilité de contrôler de façon effective et efficace les élections auxquelles ils sont obligés de participer [3].

Les membres de l’association poursuivent tous un objectif commun : le retour à un système de vote et de dépouillement qui respecte réellement les principes démocratiques. Nous nous référons notamment à l’article 21 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme [4], à l’article 25 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques [5], à l’article 9 de la Convention relative aux droits des personnes handicapées [6], ainsi qu’aux principes énoncés par l’OSCE [7] et l’EODS [8].

2. Situation

Depuis 1991, date de la première expérimentation de vote électronique dans deux cantons électoraux, le système a été progressivement étendu à la moitié du pays. Ces cinq dernières années, la Belgique a connu 3 moments électoraux, qui ont chacun connus divers incidents.

En juin 2010 avaient lieu des élections fédérales anticipées. Toutes les communes ayant utilisé précédemment le vote électronique ont continué à le faire. Comme pour chacune des élections précédentes, le Collège des experts constate de nombreux problèmes techniques tant au moment des votes que lors des opérations de totalisation. Il constate à nouveau que, très souvent, les procédures légales ne sont pas respectées [9]. Les résultats des élections de Bruxelles-Capitale, seule région où 100% des électeurs sont soumis au vote électronique, seront connus avec retard.

En octobre 2012, ce furent les élections communales et provinciales. Fin du quasi statu quo existant depuis 1999 : en Flandre, un peu moins de la moitié des communes utilisent un nouveau système « hybride » de vote électronique produisant des tickets, mis au point par la firme Smartmatic. En Région bruxelloise, on continue à voter électroniquement partout mais dans deux communes, le système de Smartmatic remplace les anciennes machines à voter. En Wallonie, contre l’avis du Gouvernement régional, les trente-neuf communes qui utilisaient précédemment les anciens systèmes de vote électronique continuent à le faire. Autre nouveauté : dans une cinquantaine de communes, un système de dépouillement assisté par ordinateur nommé « DEPASS » fourni par une société privée, a été utilisé [10].

Ceci sans qu’aucune loi n’encadre ce système et sans que le Collège des experts ne s’y intéresse. De très nombreux incidents ont émaillé ce scrutin, tout particulièrement dans les communes ayant utilisé le nouveau système : résultats faussés du fait d’écrans tactiles trop sensibles, non-respect des procédures légales, pannes en tous genres, etc [11]. Malgré l’impression de tickets, pas plus que les anciens systèmes électroniques, le système de Smartmatic n’a permis de contrôle citoyen sur les opérations électorales car seule la totalisation électronique a été prise en compte. Si le Collège des experts a bien organisé, très localement, le recomptage de quelques urnes, ce ne fut pas fait sous le contrôle de citoyens-électeurs ordinaires ni de témoins de listes. La loi encadrant ce nouveau système n’indique d’ailleurs pas dans quel cas un recomptage des tickets doit avoir lieu ni qui devrait l’effectuer même s’il en mentionne la possibilité théorique.

Enfin, en mai 2014, il y avait les 3 élections fédérales, régionales et européennes. Peu de changement par rapport à 2012 dans l’équipement des communes : aucune nouvelle commune n’adopte le vote électronique, mais celles équipées gardent le système existant. Par contre l’utilisation du système « DEPASS » est en augmentation : il a été cette fois mis en place dans 35 cantons [12]. De nombreux incidents ont malheureusement eu lieu comme d’habitude à divers endroits du pays, mais c’est surtout le fameux « bug » qui aura retenu l’attention du grand public. En effet, une erreur de programmation des logiciels de première génération encore utilisés dans 56 communes a fait que le vote de certains électeurs ayant changé d’avis au moment de voter n’a pas été enregistré [13]. Ce problème a retardé la publication des résultats officiels des élections de plus d’une dizaine de jours, mais a surtout conduit à la décision par les autorités d’annuler les votes de plus de 2200 électeurs ayant pourtant valablement voté, ce qui est problématique au regard de la loi. De plus, ces votes auraient pu parfois changer le résultat de la répartition des sièges, que ce soit entre listes différentes ou dans une même liste, bien que le Ministère de l’Intérieur assure le contraire. Le Collège des experts déplore une fois de plus ces nombreux incidents et le peu de moyen dont il dispose. Le mois suivant [14], malgré les nombreux incidents et ce fameux « bug », les parlementaires valident leur propre élection.

3. Recommandations

3.1. Faire appliquer strictement les procédures légales existantes

Des manquements de divers degrés dans l’application des procédures prévues par le code électoral ont été constatés dans de nombreux bureaux de vote lors de chaque élection. Ce non-respect de la législation met en danger l’honnêteté des élections et la sincérité des résultats. La Belgique doit veiller à l’application plus stricte de son code électoral et à ce que tout manquement soit sanctionné par la justice.

3.2. Renforcer le contrôle citoyen du processus électoral

La confiance du citoyen dans le processus des élections est capitale pour qu’il n’ait pas de doute sur la véracité des résultats. Il doit donc exister une procédure de contrôle effectif et efficace, prévue et appliquée à chaque étape du processus électoral. La Belgique doit donc veiller à ce que, notamment lorsque sont employés des ordinateurs de vote, ce contrôle soit prévu et organisé par la loi et puisse facilement être mis en place. L’électeur doit notamment pouvoir vérifer qu’il reçoit un bulletin vierge, qu’ensuite son vote y est bien enregistré, mais ne doit pouvoir voter qu’une seule fois. Il faut également prévoir des dispositions significatives permettant un recomptage des bulletins.

3.3. Renforcer le secret du vote

Le respect du secret du vote est essentiel pour que l’électeur se sente pleinement libre d’exercer son devoir électoral. L’utilisation de machines pour voter peut attenter dans certains cas au respect de ce secret, par exemple lorsque la vérification de l’identité des électeurs se fait aussi au moyen de machines lisant les cartes d’identité électroniques. L’utilisation de machines produisant un ticket comme bulletin de vote oblige aujourd’hui à ouvrir son bulletin à l’extérieur de l’isoloir pour le scanner sur l’urne électronique. La Belgique doit donc adapter les procédures actuelles pour que le secret du vote soit mieux respecté.

3.4. Autoriser les observateurs électoraux

L’observation des élections par des organisations indépendantes ou par les simples citoyens, de la préparation au dépouillement, est une garantie supplémentaire de l’honnêteté et de la sincérité du scrutin. Malheureusement, la législation belge ne permet pas actuellement cette possibilité. La Belgique doit donc modifier sa loi pour permettre la présence d’observateurs électoraux nationaux et internationaux.

3.5. Renforcer la confiance du citoyen

Les nombreux bugs qui se sont produits à chaque élection là où on utilisait des ordinateurs pour voter minent sérieusement la confiance de l’électeur dans la sincérité du scrutin. La Belgique doit donc renforcer sérieusement les processus gérant la qualité de la conception, de la production, de la certification et de la maintenance des matériels et logiciels étant utilisés pour les élections.

3.6. Veiller à l’accessibilité du vote

La Belgique compte un nombre important de personnes analphabètes ou handicapées. Leur exercice du droit de vote n’est déjà pas toujours simple avec le vote papier, mais l’utilisation de machines pour voter leur complique souvent la tâche. Néanmoins les élections doivent se dérouler au suffrage universel égal et nul ne peut donc en être exclu. La Belgique doit donc veiller à ce que l’utilisation de technologies informatiques lors des élections ne s’oppose pas à leur accessibilité par tous quel que soit son handicap ou son illettrisme.