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05/10/2015: Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale : rapport relatif aux auditions sur les systèmes de vote


Voici le rapport officiel des auditions du 5 octobre 2015 au parlement de la Région de Bruxelles - Capitale. Il a été publié le 20 Juin 2016.

Il a été approuvé par MM. Emmanuel De Bock et Julien Uyttendaele, rapporteurs et est joint en annexe du document suivant : http://www.weblex.irisnet.be/data/crb/doc/2015-16/129202/images.pdf

Ci-joint les annexes de ce document.

Pour rappel, PourEVA avait fait son propre compte rendu pour combler ce vide : Auditions d’experts au Parlement Bruxellois.

I. SPF Intérieur, service Élections :

M. Régis Trannoy

M. Régis Trannoy se présente. Son service organise toutes les élections de compétence fédérale : les élections du Parlement européen, celles de la Chambre des représentants et celles des parlements de Région et Communauté.

Il rappelle qu’une première expérience de vote électronique a eu lieu en 1991 : à Verlaine et à Waarschoot. Suite à la réussite de cette expérimentation, une première vague d’automatisation a été mise en place dans plusieurs communes du pays en 1994. Il s’agissait de 20 % de la totalité des électeurs en Belgique.

Une deuxième vague d’automatisation a eut lieu en 1998, bonne pour un quota de 44 % de la totalité des électeurs. Ce premier système de vote « première génération » s’est maintenu jusqu’en 2010 dans cette proportion.

Le nouveau système Smartmatic est entré en vigueur pour les élections communales de 2012.

En 2001, nous avons connu la régionalisation des élections communales et provinciales. Suite à cette régionalisation, les premières élections de la compétence de la Région bruxelloise (qui était communales) ont eu lieu en 2006. Au même moment est arrivé le débat sur l’avenir du vote électronique. Le fédéral et les entités fédérées ont entamé une coopération afin de déterminer quel serait l’avenir du vote électronique.

Cela a débouché sur une étude universitaire. Un consortium d’université belge a été nommé pour faire une étude sur quel pourrait être le futur système de vote électronique en Belgique. Le résultat de l’étude a décrit le système idéal. Il s’agit d’un système qui émet un bulletin de vote papier contenant à la fois un code-barres et le format dactylographié du vote.

Suite à cette étude, un débat a eu lieu au Parlement fédéral en juillet 2008. Le Parlement fédéral a demandé au Gouvernement fédéral de lancer un marché public pour développer ce nouveau système de vote. Ce marché public a fait l’objet d’une collaboration entre le fédéral et les entités fédérées intéressées. Dans un premier temps il s’agissait uniquement de la Région flamande. La Région de Bruxelles-Capitale a rejoint le fédéral en 2011.

Ce marché a été attribué à Smartmatic. Cette société a vendu des machines utilisées dès 2012 et en 2014 dans deux communes bruxelloises, à savoir : Saint-Gilles et Woluwe-Saint-Pierre.

Pour l’avenir, il a été décidé de ne plus utiliser les systèmes de vote « première génération » lors des élections de compétence fédérale. Il s’agit d’un système avec des cartes magnétiques et sans papier.

Le 12 mars 2015, les communes en ont été informées par lettre du ministre fédéral de la Sécurité et de l’Intérieur. Le ministre de la Sécurité et de l’Intérieur fédéral M. Jambon a également demandé début juillet 2015 aux entités fédérées quelles étaient leurs intentions pour le futur : vote papier, vote électronique ou vote électronique avec papier ? Pour les élections de sa compétence, l’État fédéral continuerait à utiliser le même système de vote.

Les prochaines élections sont prévues en 2018 et 2019 : il faudra bien s’y préparer. Si c’est le retour au vote papier, il faudra à nouveau former des gens. Il faudra également former les électeurs qui n’ont plus l’habitude de ce système de vote. Si l’on passe à un nouveau système de vote, même si les communes sont habituées à l’ancien système électronique, il faudra également s’y habituer.

Cette lettre précisait également que le pouvoir fédéral adoptera, dans un souci de cohérence, d’économie et d’uniformité, le même système de vote (papier et/ou électronique) pour les élections de sa compétence que celui ou ceux choisi(s) de manière autonome par chaque entité fédérée (régionale ou communautaire) pour les siennes. L’objectif étant que les électeurs puissent par conséquent voter dans leur commune de la même manière pour toutes les élections. Au niveau du choix, la Région de Bruxelles-Capitale est confrontée à des situations qui lui sont spécifiques. L’élément le plus important c’est la taille des bulletins de vote. M. Régis Trannoy déplie en présence des commissaires un document de vote assez grand qui sera celui des élections de la Chambre si l’on devait retourner au vote papier en Région Bruxelles-Capitale.

Ensuite, l’orateur présente un gigantesque document dont il conviendrait de se servir pour les élections du Parlement bruxellois. Ce document contient en tête-bêche des listes du groupe linguistique néerlandais et du groupe linguistique francophone pour le Parlement bruxellois ainsi que les listes pour l’élection des 6 membres bruxellois du Parlement flamand. Ce document fait plus ou moins 1 m². C’est un A0 (dans le cas du specimen présenté – pour information, le papier acheté par le pouvoir fédéral actuellement à une taille maximale de 102 x 72 cm). Vu la taille énorme de ce document et la disposition tête-bêche pour toutes les listes, M. Régis Trannoy pense que les risques de votes nuls sont assez importants. Il faudra remettre en place des bureaux de dépouillement en Région de Bruxelles-Capitale, ce qui n’existe plus depuis 1991. L’administration devra reprendre en main ses connaissances et ses compétences. Il faudra réhabituer l’électeur.

Avec le vote électronique, une fois choisi le groupe linguistique, les lecteurs sont automatiquement renvoyés vers les listes complémentaires par exemple celle des six membres du Parlement flamand pour les néerlandophones. Ceci n’est pas si évident pour un vote papier.

Il faudra désigner un nombre supplémentaire d’assesseurs. Pour une élection de compétence fédérale (comme celle de 2014 où les élections étaient simultanées), il s’agit de plus de 3.000 assesseurs à convoquer par rapport à la situation de 2014. Il faudra retrouver des locaux pour les bureaux de dépouillement idéalement situés au même endroit. Il faudra acheter des urnes qui seront forcément imposantes vu la taille des bulletins de vote.

Parlant de l’exactitude des résultats en vote papier, M. Régis Trannoy redoute une recrudescence des votes nuls à cause de la taille du document et du nombre considérable des candidats.

Certains électeurs voteront immanquablement pour des groupes néerlandophones et francophones sans y avoir droit. De plus, on peut se tromper lors du dépouillement. Il existe deux possibilités d’erreur. Au niveau du comptage même des bulletins et des votes de préférence : l’erreur est humaine dans le comptage. Une erreur peut aussi se produire lors du réencodage des résultats du bureau de dépouillement (il faut en effet encoder les résultats inscrits sur un PV manuscrit dans une application informatique). M. Régis Trannoy cite à ce propos plusieurs exemples du passé. On a par exemple observé en 2010 des différences parfois importantes – au sein de même canton – du nombre de bulletins dépouillés entre les élections de la Chambre et du Sénat alors que ce nombre aurait dû normalement être identique (tous les électeurs votant pour ces deux élections). Par exemple, 330 bulletins de différence dans le canton de Charleroi. On a également observé lors de la validation des résultats des élections communales en Province de Hainaut en 2012 (par le Collège provincial) des différences dans les votes de préférence ce qui a eu pour effet une rectification de l’élection de certains candidats ou du nombre de votes de préférence attribués à ces candidats (certains étant alors élus après cette rectification et d’autres ne l’étant plus).

II. SPRB, Administration des pouvoirs locaux :

M. Patrick Trouveroy

M. Patrick Trouveroy se présente. Il est membre du CIRB et a été détaché au Service Public Régional bruxellois dans le cadre des élections depuis 2006, date des premières élections communales régies par la Région de Bruxelles-Capitale.

L’orateur se propose de ne pas évoquer l’ancien système de vote électronique. Celui-ci a perdu de son l’actualité.

Cela fait 20 ans que Bruxelles utilise le système de vote électronique. C’est toute une génération qui n’a utilisé que le vote électronique. On parle souvent de contrôle citoyen dans la manière de vérifier son bulletin. Dans le système avec ticketing, l’électeur peut vérifier ce qu’il a voté. De plus, chaque bureau de vote est équipé d’un scanner. Il est possible à l’électeur qui le souhaite de scanner son code-barres pour vérifier son vote.

L’aisance de l’électeur est grandement accentuée par ce nouveau système de vote. Il s’agit d’écrans de 17 pouces, tactiles, placés verticalement. Il sont éventuellement couleur.

M. Patrick Trouveroy souligne ensuite la facilité de l’accompagnement lors du vote. La langue d’accompagnement est à distinguer du collège électoral pour lequel on souhaite voter. Pour les élections communales de 2018, pour Schaerbeek, Molenbeek et Bruxelles, le bulletin de vote serait de 1 m de long sur 72 cm de largeur. Il faut évidemment mettre cette taille en relation avec la taille de l’isoloir.

Comme les électeurs bruxellois ont perdu l’usage du vote papier, nous risquons d’être confrontés au panachage et pour les électeurs néerlandophones l’oubli du vote complémentaire pour le Parlement flamand est réel. Le risque existe aussi que certains électeurs francophones retournent leur bulletin pour procéder à ce vote auquel il ne convient pas de participer.

M. Patrick Trouveroy souligne encore la rapidité des résultats obtenus. À Anvers, par exemple, deux heures ont été nécessaires pour encoder 369 bureaux pour trois élections alors que pour le canton de Peruwelz, il a fallu deux heures pour encoder 7 bureaux de vote aux élections européennes.

La rapidité du vote électronique est nettement supérieure. M. Patrick Trouveroy donne ensuite d’autres exemples à l’appui. Tout ceci ne tient pas encore compte des données hors PV qui peut être retardé quant à lui. M. Trannoy a souligné toutes les difficultés à remettre en place des bureaux de dépouillement. Fait est que nous avons perdu le know-how nécessaire. Au sein de l’administration, il reste encore quatre personnes qui ont le souvenir lointain d’avoir travaillé avec un vote papier.

Le vote électronique permet encore de réduire, voire supprimer, énormément les fraudes. M. Patrick Trouveroy évoque le cas d’un assesseur de bureau de dépouillement qui a changé certains votes en faveur de certains partis de sa préférence.

Au niveau de la transparence du système électronique, il est à noter que le l’État est propriétaire du système de ses logiciels. Ils sont publiés, ce qui est relativement rare. Le système d’exploitation de Smartmatic est un Linux. C’est-à-dire un open source. Il est donc parfaitement possible de connaître le code des machines.

À propos de l’audit des systèmes, M. Patrick Trouveroy renvoie au travail fait par la société SIG qui est une spin-off de l’Université d’Amsterdam. Elle a accordé quatre étoiles sur cinq pour la machine du président et la machine à voter de type Smartmatic. Le reste qui ne pouvait pas être fait par le système était bouclé par les systèmes de procédures. Il a été reproché de ne pas générer de mots de passe sur place. C’est pourtant ce qui a posé le plus de problèmes en 2006. Ainsi, on a pu observer que certains présidents de bureau de vote généraient leur propre mot de passe, mais oubliaient ensuite le mot qu’ils avaient eux-mêmes mis en place. C’est pourquoi on est effectivement revenu en arrière à ce sujet. Le pouvoir organisateur génère désormais les mots de passe. C’est ce qui permet d’aider en cas d’oubli.

Le logiciel correspond également à la recommandation de 2004/11 du Conseil de l’Europe. L’étude qui a été menée pour mettre au point le système Smartmatic s’est largement basée là-dessus.

Enfin, l’étude faite par les universités belges a été vérifiée par la Commission de Venise.

Qui utilise ou utilisera le système Smartmatic ? Tout d’abord la Flandre. Toutes les grandes villes – Gand exceptée – s’en servent. Probablement la Communauté germanophone s’en servira.

Enfin il convient d’évoquer le nerf de la guerre : quel en est le prix ?

Au dernier contact avec la société Smartmatic, et tout en sachant que les prix sont liés à la fluctuation du dollar, il s’agit des chiffres suivants. Pour l’achat, sachant que le contrat avait été établi pour 1.000 bureaux de vote dans l’optique de les conserver jusqu’en 2027, la discussion a porté sur 648 bureaux avec prolongation jusqu’en 2030. Quelque soit l’option prise par la suite (achat ou location) chaque bureau comprenant cinq machines à voter, une machine de président, une urne, un scanner et le petit matériel (des cartes nécessaires pour le faire fonctionner) coûterait à l’achat : 11.585 euros hors TVA. Si l’on compte des 20 % que le Fédéral a mis sur la table jusqu’à présent, cela reviendrait à 11.215 euros TTC. Au niveau de la location, on compte 1.975 euros par journée électorale et par bureau de vote.

Bien qu’elle soit un peu plus chère que l’achat, l’intérêt de la location est le suivant. Les communes ne doivent plus stocker de matériel ni s’en soucier. Elles n’ont plus à faire la vérification de 10 % du matériel lors des années qui ne sont pas électorales. Elles ne doivent plus faire les 100 % de vérification lors des années électorales. Ceci représente un certain nombre d’heures conséquent pour le personnel communal. Cette économie substantielle justifie aux yeux de l’orateur le passage au système location. Dans cette hypothèse, les machines sont localisées chez Smartmatic et elles sont remises 10 jours avant l’élection dans leurs locaux prêtes à être utilisées.

M. Patrick Trouveroy précise encore que cette offre vaut aujourd’hui, mais qu’elle peut fluctuer. Le prix entre 2012 et aujourd’hui n’a cependant pas bougé d’un seul euro.

III. Association de la Ville et des Communes de la Région de Bruxelles-Capitale :

Mme Corinne François

Mme Corinne François indique que le conseil d’administration de l’AVCB a décidé de se pencher à son tour sur la délicate question du mode de votation pour les élections d’octobre 2018 ainsi que les élections de 2019. Elle a pris position le 22 avril 2015 en demandant au Gouvernement bruxellois de prendre position pour permettre aux communes de s’organiser. Gouverner c’est prévoir. Parfois, il s’agit d’anticiper ce qui n’est pas prévisible. En l’occurrence, ce n’est pas le cas : les élections prochaines sont prévisibles.

Les communes sont actuellement en possession d’un matériel obsolète dont elles ne savent que faire. Elles doivent le conserver pour l’instant mais doivent aussi prévoir les montants dans leur budget pour pouvoir lancer d’éventuels marchés publics et acheter le matériel nécessaire.

Dans ce contexte, il y a lieu pour les communes de se concerter avec l’État fédéral et avec la Région puisque les communes doivent recevoir de cette dernière des permissions pour acquérir du matériel informatique.

Mme Corinne François renvoie ensuite à la note de l’AVCB qui a été transmise aux commissaires. (Annexe)

Le dossier du vote électronique a connu de multiples rebondissements. Ce qui est arrivé lors des élections de 2014 était véritablement la chronique d’un bug annoncé. Une série de problèmes avait été décelés à l’avance. Lors de l’examen par le collège chargé de mener l’enquête, une série de problèmes techniques avait été pointée. Le code du logiciel notamment était de mauvaise qualité. Il y avait aussi des problèmes de sécurité pour les mots de passe, etc.

Il avait été souligné la nécessité pour le SPF Affaires intérieures de disposer du know-how afin d’être mieux à même de contrôler les actions de sociétés externes (d’informatique).

L’AVCB a pris la position suivante : elle insiste sur la nécessité de supprimer la pratique du contrôleur contrôlé. Il y a lieu de réévaluer les recours à introduire pour le comptage. Afin de rétablir la confiance du citoyen dans la légitimité de ses élus, il y a lieu que l’autovalidation des élections par les assemblées elles-mêmes prenne fin et soit remplacée par un contrôle judiciaire ou autre. Il n’appartient en effet pas au Parlement de valider sa propre élection.

La transparence est indispensable pour le contrôle. La connaissance des modes de certification est essentielle.

D’ores et déjà, les communes ont vraiment besoin de savoir quelle attitude adopter.

Il n’est pas envisageable que l’on ait une décision différente dans l’organisation des élections de 2018 et celles de 2019. Il est pratiquement impossible pour les communes de remplacer le matériel dans un délai aussi court. Les deux élections doivent donc être organisées de la même façon, d’où l’importance d’une concertation avec le niveau fédéral.

La question du financement est essentielle. Mme Corinne François rappelle l’article 3 de la loi du 11 avril 1994 qui organise le vote automatisé. Cet article stipule bien l’intervention du fédéral à concurrence de 20 % en tout cas dans les coûts d’investissement. La question de savoir si cette intervention s’applique également pour la location de matériel est ouverte.

En conclusion : la préférence de l’AVCB va clairement au vote électronique avec système de preuve papier, sous la condition de certification, de transparence et de contrôle démocratique. Par ailleurs l’AVCB plaide pour l’étude de pistes alternatives telles que le leasing qui permet d’amortir les dépenses et qui constitue une économie en termes de stockage.

IV. Pour EVA :

M. Thierry Bingen

M. Thierry Bingen remercie la commission pour avoir invité l’association PourEVA, qui est parfois présentée dans la presse comme étant le lobby du vote papier. Pourtant, comme le nom l’indique, c’est une association citoyenne « pour une éthique du vote automatisé ». L’association existe depuis 24 ans, c’est-à-dire depuis que la Belgique procède à des expérimentations en la matière.

M. Thierry Bingen est membre de cette association citoyenne. Il est ingénieur informaticien comme la majorité des membres de l’association ; il n’est donc pas un informaticien du dimanche. Depuis 42 ans, l’orateur est impliqué dans des sociétés informatiques dans lesquelles il a participé à la conception et à la mise en place de systèmes sophistiqués en Belgique et ailleurs dans le monde. Au repos depuis une dizaine d’années, M. Thierry Bingen a créé sa propre société avec une cinquantaine de collaborateurs afin de développer des systèmes de pointe dans des activités économiques diverses. Tout ceci pour indiquer qu’il n’est pas un technophobe, loin de là.

Si M. Thierry Bingen est conscient de toutes les possibilités de l’informatique, il est également conscient des limites de l’application de l’informatique aux activités humaines.

C’est volontiers que l’orateur s’associe aux paroles du Président Charles Picqué à propos du choix d’un système de vote : « Il s’agit surtout de garantir au citoyen-électeur un mode de vote fiable dans lequel il a confiance, car les résultats ne souffrent pas la moindre ambiguïté. ».

C’est exactement le souci qui anime PourEVA depuis sa création. L’association a pour but de disparaître aussi vite que possible faute d’utilité.

Les problèmes rencontrés le 25 mai 2014 ont été un peu brossés sous le tapis sous prétexte que l’on avait décidé d’abandonner ce système. Cela n’aurait plus de sens de s’y intéresser. En sa qualité d’enseignant universitaire, l’intervenant a la curiosité de vouloir comprendre les phénomènes dans la longue durée et des leçons que l’on peut tirer des expériences réelles.

On a souvent parlé de problèmes liés à la vétusté du matériel acheté il y a 20 ans. Pourtant, ce matériel était pratiquement neuf puisqu’il avait très peu servi. C’est comme si l’on se serait servi de son PC à la maison pendant deux semaines.

On a parlé d’erreurs humaines. Soi-disant des électeurs se seraient mal comportés devant l’appareil. M. Thierry Bingen est d’avis que le seul responsable est le logiciel. Dire que le logiciel était ancien est dénué de sens puisqu’un logiciel ne s’use pas, à plus forte raison lorsqu’on ne s’en sert pas. Et d’ailleurs, ce logiciel n’était pas si ancien que cela puisqu’il venait d’être revu par la société qui le fournit. C’est à l’occasion de la réfection que le problème qui a désorganisé l’élection a été introduit. L’erreur avait été faite dans les trois mois qui ont précédé l’élection.

Il est exact que des erreurs peuvent se glisser dans des logiciels. C’est pourquoi les logiciels sérieux font l’objet de contrôles approfondis avant leur mise en service. Dans sa sagesse, le législateur a prévu une procédure de contrôle. Les événements ont prouvé qu’elle était malheureusement totalement inadéquate puisque les auditeurs de Price Waterhouse Coopers sont complètement passés à côté du problème.

Le problème apparu nous a été révélé par hasard. C’est le blocage d’un autre programme dans la chaîne de traitement (Codi) qui a fait apparaître les incohérences introduites dans les machines à voter Jites. La loi n’avait rien prévu pour faire face à ce genre de situation.

Le Collège des experts a fait un travail remarquable et a bien mis en lumière le chaos qui s’est installé. Si par des pressions exercées par la ministre de l’Intérieur, on a finalement prononcé des résultats définitifs au bout d’une quinzaine de jours, ce qui est un nouveau record de vitesse pour un vote automatisé, on savait pertinemment que ces résultats ne correspondaient pas à la volonté de tous les électeurs puisque la volonté de 2.250 d’entre eux a été mise à la poubelle !

M. Thierry Bingen souligne que l’on a utilisé pendant plus de 20 ans des programmes dont personne n’a jamais su s’ils fonctionnaient correctement. La seule garantie était celle donnée par Price Waterhouse Coopers dont on a compris toute l’inanité.

Le nouveau système dit Smartmatic a la réputation d’avoir fonctionné sans problèmes le 25 mai 2014. Cette opinion est sans fondement. Smartmatic n’a pas provoqué de blocages dans la suite des traitements tout comme Jites n’en avait provoqué aucun durant les 20 années précédentes. Ce n’est pas parce que tout se passe sans incidents apparents qu’il n’y en a pas de latents. On ne sait rien de la qualité des programmes utilisés par Smartmatic sauf ce que Price Waterhouse Coopers nous en a dit, mais nous savons aujourd’hui le crédit que nous devons leur accorder.

À propos de la machine à voter avec « preuve papier », M. Thierry Bingen se pose de nombreuses questions. Ce système a été développé et est entretenu au Venezuela. L’électeur reçoit une espèce de ticket de caisse comme au supermarché sur lequel il peut voir, s’il a de bons yeux, la liste des candidats sur lesquels il a porté son choix. Pour autant, ce n’est pas cette liste imprimée qui sert à la prise en compte du vote exprimé. C’est le fameux code QR imprimé en tête du ticket de caisse qui servira, avec plus ou moins de bonheur, au comptage. Le citoyen ne dispose d’aucun moyen crédible pour contrôler le contenu de ce code QR. La machinegadget placée dans le bureau de vote est programmée par la même équipe qui a programmé l’impression du ticket avec le code QR. La main gauche de Smartmatic est donc d’accord avec sa main droite !

D’innombrables citoyens de notre « Smart City » sont capables de décoder des codes QR dans les aubettes de trams, mais il leur est impossible de le faire pour leur propre vote.

Cela est en contradiction avec la recommandation du rapport « BeVoting » rendu par un ensemble de professeurs d’université. Ce rapport est toujours cité, rarement lu et n’est pas entièrement pris en compte par le ministère de l’Intérieur.

Dans sa loi du 7 février 2014 organisant le vote électronique avec preuve papier, Madame Joëlle Milquet indique que ce vote est désormais contrôlable par les électeurs. La loi n’a pourtant rien institué pour contrôler quoi que ce soit.

Des bureaux de vote seront-ils désignés pour un contrôle statistique ? Où ça ? Quand ça ? Comment ça ? Par qui ? Qu’est-il prévu en cas de différence faible, ou majeure ? Rien !

Prétendre qu’un système est contrôlable, alors qu’il ne l’est pas dans les faits, relève de la malhonnêteté intellectuelle.

Le Collège d’experts a pris sur lui de faire un mini-sondage dans deux bureaux de vote Smartmatic. Le résultat est édifiant. Dans 100 % des cas (peu nombreux il est vrai) les résultats différaient des résultats papier.

Une des préoccupations majeures notées à l’occasion d’autres débats au Parlement bruxellois est d’ordre budgétaire. Des considérations sont émises sur une participation fédérale à concurrence de 20 % des investissements décidés. Sans parler des tours de passe-passe comptables connus de tous comme location ou leasing. C’est toujours aux citoyens de payer en fin de compte la totalité de la facture. Sont-ils vraiment d’accord de dépenser 10 millions d’euros, voire plus ? Les électeurs le diront aux responsables politiques. Pourquoi engloutir des millions d’euros dans des nouvelles machines à voter alors que le monde politique n’a que les mots rigueur, restrictions et austérité à la bouche ?

De plus, il y a urgence en la matière. Quand on aura tenu compte de toutes les recommandations, et particulièrement celles du Collège d’experts, que ceci aura été traduit dans un cahier des charges, qu’il aura été lancé un ou plusieurs appels d’offres européens, il ne restera plus beaucoup de temps pour analyser les propositions financières et techniques et voir leur adéquation au but recherché. Si l’on se plie aux règles des marchés publics, il est en fait déjà trop tard.

Il existe une alternative simple et efficace, peu coûteuse, contrôlable, et surtout contrôlée : c’est le vote papier.

Il est utilisé dans la majorité des communes belges ainsi que dans tous les pays voisins, où l’on s’est bien moqué de notre fiasco du 25 mai 2014. C’est la solution du bon sens.

V. Échange de vues avec M. Patrick Trouveroy

M. Emmanuel De Bock demande à connaître le timing en faisant le compte à rebours par rapport aux élections communales d’octobre 2018 pour mettre en place un vote électronique amélioré sur base du système utilisé à Saint-Gilles et Woluwe-Saint-Pierre.

M. Patrick Trouveroy rappelle qu’il s’agit d’un marché conjoint. Il s’agit d’un contrat-cadre déterminé avec le SPF Affaires Intérieur et les Régions. Pour le moment, seules deux communes de la Région de Bruxelles-Capitale font partie du premier marché. Il s’agit d’un cahier des charges ouvert. Il est donc toujours possible de s’y raccrocher. Avec un délais de 10 à 12 mois, nous avons assez de temps pour la fabrication et la livraison des machines nécessaires. Les logiciels devraient être une réadaptation des logiciels fédéraux utilisés en 2014. Plus tôt encore serait préférable, car ceci permettrait de faire face à d’éventuels problèmes.

M. Emmanuel De Bock demande quelles firmes sont capables d’organiser encore un pareil système. Une des entreprises mêlées au bug de 2014 a fait une transaction avec l’État fédéral et elle a renoncé à l’avenir à participer à tous marchés publics en la matière. Combien de firmes reste-t-il encore, capables de répondre à un tel marché ?

M. Patrick Trouveroy répond qu’actuellement, Smartmatic est la seule entreprise qui reste. Certaines personnes ont évoqué le leasing. Dans ce cas, il faudrait refaire un nouveau cahier des charges ce qui n’empêcherait pas d’autres sociétés d’intervenir. Dans ce cas, il y aurait un autre matériel et d’autres logiciels. Ceci multiplierait le nombre de systèmes, ce qui n’est pas souhaitable [1].

M. Emmanuel De Bock rappelle que traditionnellement, les électeurs reçoivent une seule carte électronique, indépendamment du nombre d’élections auxquelles ils participent. Ne serait-ce pas plus simple de leur donner plusieurs cartes, en fonction du nombre d’élections auxquelles l’on participe, de sorte que les votes des électeurs ne puissent pas être identifiés ? Jadis, il y avait trois bulletins de vote aux couleurs différentes. Est-ce techniquement possible ? L’orateur craint que dans l’ancien système, certains électeurs européens ont eu accès à des votes auxquels ils n’auraient pas dû participer.

M. Patrick Trouveroy répond que la question porte sur l’ancien système de vote alors que le nouveau système de vote comporte un ticket sur lequel sont bien distinguées les trois élections différentes. La carte magnétique reçue dans le système Smartmatic n’est qu’un rejeton qui ouvre le droit au vote. Désormais, l’impression reçue contiendra les votes différents auxquels l’on a participé. L’ensemble des résultats émis se retrouve dans le code datamatrix qui est généré et scanné. L’initialisation par le président du bureau de vote est différente selon chaque participant. M. Patrick Trouveroy précise encore qu’il ne s’occupe quant à lui que des élections communales. Dans les élections communales, tous les électeurs ont droit à l’élection communale, qu’ils soient européens ou belges ou étrangers, mais domiciliés en Belgique depuis un certain temps.

M. Emmanuel De Bock souhaite mieux connaître le nombre du personnel détaché de l’État fédéral vers les communes à l’occasion des élections. Quel est le coût du personnel détaché à cette supervision, à l’information, etc..

M. Patrick Trouveroy ne peut pas répondre à cette question étant donné qu’il travaille pour la Région. L’équipe est renforcée pendant la période électorale. En général, c’est le personnel de l’administration des pouvoirs locaux BPL qui contacte les communes. Ces dernières sont régulièrement tenues au courant de ce qui se passe au niveau des élections. Ceci limite le nombre d’interventions nécessaires au moment même des élections.

En 2006, un membre avait été délégué dans chaque commune. Il s’agit donc de 19 personnes. En 2012, il n’y a plus que trois personnes déléguées, dont une à Woluwe-Saint-Pierre et une à Saint-Gilles. Pour les élections de 2018, il faudra à nouveau déléguer un plus grand nombre de personnes vers les communes puisqu’il s’agit d’un nouveau système.

M. Emmanuel De Bock a noté que l’État fédéral couvrait 20 % des frais. En fait cela ne représente que la TVA. Il a été question du coût du vote électronique qui représente 2,2 euros par électeur. Il n’a pas été question du coût du vote papier.

M. Patrick Trouveroy répond que l’intervention de l’État fédéral comporte en réalité plus que la TVA. L’État couvre 20 % après les 21 % de la TVA. Le vote papier coûte moins cher que le vote électronique.

A ce sujet, M. Régis Trannoy indique qu’après les élections du 25 mai 2014, le SPF Intérieur a effectué un calcul de comparaison des coûts inhérents au vote traditionnel « papier » et au vote au moyen du système Smartmatic.

Le coût du vote papier est ainsi estimé à 2,1145 euros par électeur et par élection. Ce coût est de 4,4412 euro en ce qui concerne le système Smartmatic.

Par rapport aux calculs effectués dans le passé, il faut remarquer que le coût du vote traditionnel a augmenté, passant de 1,5 euro à 2,11 euros. Ceci s’explique notamment par le fait que le prix de la pâte à papier a connu une augmentation très importante ces dernières années. Mais également par le fait que les élections de 2014 étant simultanées, plus de bureaux de dépouillement ont dû être organisés ce qui a eu pour conséquence de faire augmenter les coûts.

M. Marc Loewenstein a noté que le contrat-cadre permet de rejoindre les conditions proposées. Serait-il possible d’en obtenir une copie ? (Annexe) Avait-on été vraiment si prévoyant de penser qu’un jour toutes les communes pourraient rejoindre le système ?

M. Patrick Trouveroy répond que le contrat prévoyait l’achat de 1.000 bureaux minimum pour la remise de prix. Dans le cadre des achats de 2012, il fallait compter la Flandre ainsi que les deux communes bruxelloises. Ceci permettait de dépasser les 1.000 bureaux. Dans ce cadre-ci, nous avons estimé sur la base des bureaux lors des élections communales de 2012 et sans compter Saint-Gilles ni Woluwe-Saint-Pierre, qu’il y aurait à Bruxelles 648 bureaux à construire.

M. Emmanuel De Bock se demande ce qui se passera lorsqu’une Région choisira un système différent d’une autre Région ?

M. Marc Loewenstein demande s’il existe un terme au contrat-cadre. Est-il possible de lancer un marché pour mettre d’éventuels candidats en concurrence pour un système de ticketing. Serions-nous dans les délais ?

M. Patrick Trouveroy explique que dans ce cas il faut refaire une étude dans le but de relancer le marché. Repartir à zéro avec d’autres sociétés prendrait du temps. En 2006, à l’opposé de Smartmatic, il y avait le Consortium IBM Zetes. Ce dernier a été perdu de vue depuis. Dans l’hypothèse évoquée, deux communes à tout le moins auraient un système différent. À moins de les repasser dans le nouveau système … L’ancien système de 1994 était programmé comme on le faisait à l’époque. On travaillait moins par blocs, l’ensemble était moins structuré. La programmation de 2006 a été vérifiée par le groupe SIG. Le contrat-cadre courait jusqu’en 2027. Le prix donné contient sa prolongation jusqu’en 2030 et devrait couvrir six élections. Le coût hors TVA de la prolongation était de 720 euros par bureau de vote.

Mme Julie de Groote demande s’il est envisageable d’avoir un système de vote différent en 2018 et 2019. La question est alors de savoir vers où nous allons en 2019. La résolution du Parlement wallon va dans le sens du vote papier. Elle a été appuyée par les déclarations du gouvernement wallon. La Flandre va plutôt vers l’inverse. Où en est-on au niveau fédéral pour les élections de 2019 ?

M. Patrick Trouveroy ne peut pas répondre à la dernière question qui concerne l’État fédéral. Il faut avant tout penser à l’électeur. De toute manière, les deux systèmes doivent être relativement proches. De toute manière les élections diffèrent, ce qui induit nécessairement des différences dans les votes. Les deux systèmes de 2018 et 2019 doivent néanmoins être similaires. La Communauté germanophone à l’intention de poursuivre le vote électronique. Une partie de leurs votes est liée à la Région wallonne. Pour les élections communales elle est indépendante et la Communauté germanophone a décidé d’aller sa propre voie.

Dans l’absolu en effet on peut avoir un vote papier en 2018 et un vote électronique en 2019. Ça se fait couramment en Flandre et en Wallonie. Bruxelles étant 100 % électronique on pourrait aller un peu plus loin dans l’assistance des électeurs. Certains logos en couleurs par exemple sont possibles en électronique. Il est inenvisageable de faire la quadrichromie sur papier.

Mme Julie de Groote revient sur la question d’une seule carte pour trois élections. L’oratrice rappelle que, parfois, l’électeur est motivé pour une seule des élections.

Quel est le coût du vote papier ?

M. Patrick Trouveroy songe dans ce cas à trois bulletins papier distincts. À l’écran, on retrouve parfaitement trois élections différentes comme si l’on dépliait trois bulletins devant soi. Fournir trois cartes, c’est fournir trois occasions de voter. Pour les élections communales, il n’y a qu’une seule élection. N’ayant jamais géré une élection papier il n’est pas possible d’en fournir le coût.

Le Président invite les commissaires à limiter les questions à M. Trouveroy.

M. Benoît Cerexhe note un coût de 11.584 euros fois 648 bureaux à savoir 7,5 millions d’euros, hors TVA dont 20 % couvert par l’État fédéral.

Ensuite, l’orateur pose une question sur les garanties de sécurité du système.

M. Patrick Trouveroy indique qu’en location, ce montant est de 1.973 euros/jour fois 6 journées électorales par bureau de vote. C’est plus cher, mais il faut regarder les économies faites sur la maintenance et le stockage. La société s’engage à fournir des machines qui fonctionnent ajoute-t-il. Pour hacker le système, il faudrait entrer dans les locaux du système organisateur. Rien n’est fait en réseau. Le logiciel est fait avant le tirage des listes et des candidats. Rien n’est en ligne. Ceci serait envisageable à condition de disposer des éléments contrôlables par exemple le ticket papier. Les clés USB sont générées au niveau du pouvoir organisateur et distribués par celui-ci. Elles sont amenées par véhicule sécurisé dans les communes. Jusqu’en 2006, il y avait d’autres organismes contrôleurs notamment le bureau Van Dyck et non pas PwC.

Mme Zoé Genot est d’avis que l’on parle souvent de la neutralité des fonctionnaires. C’est pourquoi l’oratrice s’attendait à ce qu’on lui présente tous les avantages et tous les inconvénients des divers systèmes de vote. Par moments, l’oratrice a eu l’impression que c’était Smartmatic qui venait parler en commission. Il est important que les députés puissent compter sur une administration qui défende les intérêts des hommes et des femmes politiques ainsi que des citoyens.

Il a été dit que la taille des bulletins était trop importante, mais qu’il y avait moyen de les scanner. Il a été dit aussi que ceci prenait trop de temps.

Il a été dit que certains votes papier ont été manipulés par des assesseurs. Mme Genot évoque pourtant les nombreux cas d’assistance au vote électronique. Cette aide a parfois été donnée par des personnes qui n’étaient ni présidents ni assesseurs et qui faisaient voter pour une personne en particulier.

Tout ceci démontre que le vote électronique ne va pas sans problèmes. Nombreux sont ceux qui ont expliqué à Mme Genot comment ils sont sortis finalement de l’isoloir sans avoir voté parce que c’était trop compliqué. Il suffit de voir le nombre de votes nuls en Région bruxelloise pour supposer que ceci est bien vrai. Qu’en est-il du nombre de votes nuls dans les Régions qui connaissent encore un vote papier.

Nous avons le témoignage de différents Européens qui ont pu voter pour les élections où ils n’étaient pas censés pouvoir voter. Certains Européens s’inquiétaient de la confidentialité de leurs votes parce qu’ils détenaient le seul ticket sur lequel il n’y avait qu’un seul vote. De cette manière, leur bulletin pouvait être identifiable. Ceux qui souhaiteraient voter pour l’ensemble des candidats d’une seule liste pourraient avoir un bulletin plus long et donc également identifiable. Mme Genot confie ainsi qu’elle recommande toujours à ses électeurs de voter pour l’ensemble des candidats individuellement. C’est d’autant plus identifiable lorsqu’une personne vote pour tous les candidats pour toutes les élections.

Jamais personne n’a été en mesure de donner le prix historique global du vote électronique. Jamais une réponse claire ne lui a été fournie à ce propos. Seuls les prix du futur, très alléchants, sont annoncés. À chaque élection, on constate un problème technique supplémentaire qui nécessite une intervention coûteuse afin de perfectionner les programmes. À chaque fois de nouvelle factures tombent. Est-il possible de fournir un historique complet ? (Annexe)

A ce sujet, M. Régis Trannoy propose de renvoyer vers un audit de la Cour des comptes sur les dépenses liées au vote électronique. Audit réalisé en 2015 qui sera publié prochainement.

Mme Zoé Genot ajoute que l’on peut effectivement laisser à la société la possibilité de détenir les machines. Mais de quelle société s’agit-il réellement ? Qui est derrière Smartmatic ? Qui est Bista ? Il semblerait que cette société a été créée par un fonctionnaire proche du président Chavez. Le premier contrat de cette société portait sur un référendum sur Chavez. Il a été dit que les fonctionnaires ne devront plus vérifier les machines qui seront en ordre tip top. Peut-être y a-t-il lieu de s’en inquiéter. À l’heure actuelle, nous sommes le seul pays démocratique à recourir au vote électronique. Smartmatic est prêt à nous faire des prix, car ils ont absolument besoin de nous comme vitrine. Nous ne répondons du reste pas pleinement aux remarques faites par les différents observatoires internationaux. Le cryptographe de l’UCLM, le professeur Pereira a jugé que le système Smartmatic est bien ancien. Est-ce dès lors prudent de continuer avec des systèmes qui sont déjà périmés ?

M. Stefan Cornelis souhaite se limiter à un certain nombre de remarques techniques, au lieu de remettre en question la neutralité des fonctionnaires. Est-il exact que Bruxelles bénéficiera des mêmes prix que la Flandre ?

M. Patrick Trouveroy répond qu’on bénéficie des mêmes prix qu’en 2012 et que la Flandre.

M. Stefan Cornelis reconnaît que le ticket papier est susceptible de poser des problèmes, mais il aimerait lire l’imposant volume reprenant tous les problèmes liés au vote papier. Après validation et après impression du ticket, est-il encore possible d’annuler le vote et de recommencer ? La société Smartmatic a-t-elle des références ?

M. Patrick Trouveroy répond que c’est possible. Dans ce cas, on demande au président à revoter. Le vote est annulé et placé dans une enveloppe. Après avoir scanné le ticket, ce n’est plus possible. Tous les tickets ont la même longueur. La crainte de Mme Genot à cet égard n’est dès lors pas fondée.

Avant de recevoir l’autorisation de la Belgique, Smartmatic était déjà autorisée dans d’autres pays. SIG, à Amsterdam, n’est pas une spin-off de Smartmatic, mais bien de l’Université d’Amsterdam. Après les élections de 2014, elle a analysé les codes des machines belges. Les codes de 1994 étaient mauvais. Les codes et le logiciel de Smartmatic ont reçu une note d’évaluation de 80 %.

M. Marc Loewenstein demande si la différence entre l’achat et la location aura une incidence sur l’intervention de l’État fédéral.

M. Patrick Trouveroy répond qu’il faudra poser cette question à l’État fédéral. Normalement, il ne devrait pas y avoir de problème puisque virtuellement elles sont achetées d’une certaine manière.

M. Julien Uyttendaele évoque le processus de contrôle dans les bureaux. Est-ce que les observateurs indépendants doivent avoir des qualifications particulières par rapport au système précédent.

M. Patrick Trouveroy répond que le système Smartmatic est encore plus simple à contrôler que le système Jites Digivote.

VI. ULB – U-Mons, École de droit :

Mme Anne-Emmanuelle Bourgaux

Mme Anne-Emmanuelle Bourgaux est frappée par la teneur des débats : les participants s’expriment comme si le bug de 2014 ne s’était pas déroulé. Elle signale d’emblée qu’on ne peut pas uniquement limiter les leçons de ce bug à l’ancien système, dont chacun reconnaît aujourd’hui la vétusté et la fragilité. Il est faux de prétendre que l’ancien système ne nous apprendrait rien sur le nouveau.

Le débat actuel est également confus au niveau juridique. Il faut rappeler que la Région est uniquement compétente pour organiser les modalités des élections communales. Pour les élections régionales, la compétence appartient à l’État fédéral. L’objectif est d’avoir un système uniforme pour l’ensemble des élections. Cependant, il faut noter qu’il ne s’agit en aucun cas d’une obligation légale. C’est une constante dans l’histoire du vote électronique : la répartition des compétences étant assez filandreuse entre les différents niveaux de pouvoir, ceux-ci se concertent sur l’organisation des élections et cela brouille les compétences des uns et des autres.

Aujourd’hui, la Région bruxelloise est confrontée à plusieurs options. Historiquement, la Flandre est une grande partisane du vote électronique, à l’inverse de la Région wallonne qui y est réticente. La Région de Bruxelles-Capitale se situe à la croisée de ces divergences de vues. Les parlementaires bruxellois sont donc amenés à poser un choix fondamental pour l’avenir des nouvelles technologies électorales en Belgique.

L’oratrice souhaiterait que les députés aient le courage politique d’abandonner le vote électronique, et cela pour cinq rasions principales. Travaillant depuis 17 ans sur ce sujet, elle déplore que les problèmes rencontrés aujourd’hui ne sont guère nouveaux. Le débat se pose toujours dans les mêmes termes. Déjà auditionnée par les parlementaires bruxellois en 2008, elle a le sentiment que le débat est aujourd’hui identique. Elle met à la disposition des membres de la commission en la déposant chez son secrétaire deux études qui reprennent l’historique du vote électronique et ses développements jusqu’au bug de 2014 afin de référencer les propos qui sont tenus lors de son audition (études publiées dans l’ouvrage belge Les Élections dans tous leurs états, Bruylant, 2001 et dans l’ouvrage international Le vote électronique, Lextenso Editions, 2014).

La première raison qui justifierait d’abandonner le vote électronique est le perpétuel recommencement auquel nous sommes confrontés. En effet, cinq procédés différents ont été testés lors des 25 dernières années, sans satisfaction. L’évaluation des politiques publiques ou la qualité de la délibération parlementaire voudrait que l’on tire à un moment donné le bilan : l’expérience a été menée et elle a échoué. Il faut donc abandonner le vote électronique. En termes de droit comparé, la Belgique est un cas singulier. En effet, aucun pays n’a mené autant d’expérimentations, non seulement sur la durée mais également sur le nombre. L’électeur belge est une sorte de cobaye électoral permanent.

Une deuxième raison qui justifierait d’abandonner le vote électronique est que l’énième système de vote électronique dont on discute désormais, à savoir le système Smartmatic, est d’une grande complexité pour tous les acteurs. On tente, avec le nouveau système, de se rapprocher des garanties offertes par le vote papier en conférant à l’électeur un moyen de contrôle. Ce faisant, la procédure est de plus en plus complexe. Comme une impression d’une preuve-papier est prévue, on multiplie l’outillage et le matériel. On multiplie donc aussi les possibilités de dysfonctionnement.

Avec ce système, voter est réellement compliqué pour l’électeur. Il reçoit une carte magnétique, son bulletin de vote est imprimé pour ensuite être scanné avant finalement de l’introduire dans une urne électronique.

Les candidats aux élections sont également confrontés à cette complexité. Un cas est repris par le rapport 2014 du collège d’experts. Un bourgmestre avait réalisé plus de 1.600 voix de préférence lors des élections communales de 2012. Lors des élections régionales de 2014, il ne réalise dans sa commune que 42 voix de préférence. Après vérification, il s’est avéré que certaines urnes électroniques de la commune avaient été comptabilisées par erreur dans les autres communes du canton par erreur, empêchant un décompte final et une publication officielle des voix de préférence dans la commune en question (rapport du collège des experts, 2014, point 4.3.2.3).

Le système est également compliqué pour les présidents de bureau de vote et les assesseurs dans leur mission de vérification.

La troisième raison d’abandonner le vote électronique est liée aux risques de défaillances que présente le système Smartmatic. Malgré les incantations, il faut s’attendre à des problèmes avec le nouveau système qui multiplie les accessoires et les éléments électronisés, et donc les risques de panne et de bug.

Ce système se base sur une étude interuniversitaire (BeVoting) commanditée par l’État en 2007. Elle s’en éloigne cependant en ce que l’étude en question n’exigeait pas comme équipement une urne électronique. C’est pointé par le collège des experts qui remet en cause cette électronisation (rapport 2014, point 6.1).

Au niveau juridique, le vote électronique n’est pas plus sûr que le vote-papier. Le discours selon lequel les fraudes seraient plus rares, les erreurs moins fréquentes et les recours moins nombreux, peut être relativisé. Lors des élections communales de 2012, le système Smartmatic a posé un grand nombre de problèmes et a donné lieu à un abondant contentieux dans les deux Régions (flamande et bruxelloise) dans lequel il a été utilisé. Sont déposées auprès de la commission entre les mains de son secrétaire différentes décisions juridictionnelles qui illustrent cette affirmation.

Une quatrième raison qui justifierait d’abandonner le vote électronique est la difficulté pour l’électeur de contrôler le système Smartmatic. Même si l’électeur dispose d’un bulletin imprimé et peut scanner le code-barres pour faire apparaître son vote sur un écran, cette faculté n’est prévue que dans un seul compartiment du bureau de vote, ce qui tempère l’effectivité de ce moyen de contrôle.

En outre, le bug de 2014 nous a enseigné que les fonctionnaires du SPF Intérieur et les magistrats sont très impuissants vis-à-vis du vote électronique. Le rapport 2014 du collège d’experts relate que la gestion du bug de 2014, par les magistrats, fut véritablement chaotique. Désarmés face aux nouvelles technologies, ils doivent s’en remettre aux informaticiens de l’administration, eux-mêmes dépendants des firmes privées. En 2014, le Président du Tribunal de première instance de Bruxelles a validé les tableaux électoraux qui par la suite se sont avérés être erronés. Heureusement, il avait pris une précaution oratoire : « le bureau principal n’exerce somme toute qu’un contrôle très marginal sur la fiabilité des résultats. Les rectifications apportées aux résultats l’ont été sur la base de documents fournis par le programme Stésud et le SPF Intérieur » (point 5.5. du rapport 2014 du collège d’experts). En tout, il a fallu s’y reprendre à cinq fois pour évaluer l’ampleur du bug électronique alors qu’en amont, les résultats des élections avaient déjà été libérés et publiés (voyez les corrections successives apportées à l’évaluation du nombre de votes concernés par le bug dans les points 5.5. à 5.9 du rapport 2014 du collège d’experts).

La cinquième raison d’abandonner le vote électronique concerne les coûts du système Smartmatic qui ne se limitent pas aux machines.

En 2005, le coût du vote électronique était évalué comme étant trois fois plus cher que le vote-papier. Il s’agissait cependant de l’ancien système. Dans le nouveau système Smartmatic, la fourniture d’une preuve papier et l’électrisation de l’urne augmentent les frais. A titre de comparaison, le système de ticketing expérimenté par la Belgique en 2003 coûtait quinze fois plus cher que le vote papier.

Qui va supporter les coûts du nouveau système ? La Région ou les communes ? Il va falloir trancher car le flou plane à cet égard dans les textes : selon l’ordonnance du 12 juillet 2012 organisant le vote électronique pour les élections communales, le matériel « peut être acheté par la Région de Bruxelles-Capitale ou par la commune » (article 9, § 1er). Mais par la suite, ce sont les communes qui assurent l’entretien et la conservation du matériel, et qui devront « réparer ou remplacer tout matériel hors d’usage » (article 9, § 2). Or, avec le système Smartmatic, les coûts de matériel vont exploser (urne, scanner, imprimante, ordinateurs de vote et ordinateur du Président de bureau). Cela représentera donc une charge très importante pour les communes, alors que comme on le sait, les finances des communes bruxelloises sont déjà mises à rude épreuve. La loi du 7 février 2014 organisant le vote électronique avec preuve papier reprend les mêmes ambiguïtés à propos de la prise en charge des coûts du vote électronique (article 5).

En outre, il y a une série de coûts dont il faut également tenir compte : la formation des présidents de bureau de vote, la formation des électeurs, la formation des magistrats, etc. Le collège d’experts demande également régulièrement des moyens pour assurer ses missions de manière efficace et indépendante.

Notons aussi qu’avec le vote électronique, les fonctionnaires sont très dépendants des sociétés informatiques privées. Cette situation est également critiquée par le collège d’experts. Il existe à ce sujet un vrai malaise en Belgique. Le rapport du collège d’experts de 2014 a évolué entre sa version provisoire et sa version définitive à ce sujet pour adoucir la gravité de la situation. La version provisoire du rapport est sévère sur la dépendance des fonctionnaires du SPF Intérieur à l’égard des informaticiens du secteur privé : « le SPF Intérieur était complètement dépendant de la société Stésud, il n’a pas pu se faire une opinion sur les procédures mises en place par Stésud sur la qualité, l’exactitude et les corrections transmises aux circonscriptions, corrections qui sont restés erronées jusqu’au 5 juin » (point 5.11 de la version provisoire du rapport 2014). La version définitive est adoucie : « le SPF Intérieur était, pour les aspects techniques, largement dépendant de la société Stésud » et « Le SPF dispose d’une équipe bien rôdé et qui maîtrise parfaitement tous les mécanismes et procédures propres aux élections » (point 5.11 de la version définitive du rapport 2014 du collège d’experts).

En cas de maintien du vote électronique, un défi sera d’équiper les administrations (régionales et fédérales) des moyens humains et informatiques suffisants pour éviter l’amoncellement des carences et des faiblesses constatées lors des élections de 2014. Bien sûr, cela représentera un coût qui s’ajoute aux précédents.

Enfin, pour parer aux critiques, le contrôle du vote électronique a été confié depuis 2000 à une firme privée censée jouer le rôle de « tiers-indépendant ». Ce principe a été repris par la Région bruxelloise en 2012 (article 3 de l’ordonnance). Dès l’origine cependant, pour faire des économies, c’est la société contrôlée qui assume les coûts de ce contrôle. Le bug de 2014 a montré l’inefficacité de ce système : quand la société qui contrôle est payée par celle qui doit être contrôlée, cela rend illusoire un contrôle impartial et indépendant (en 2014, le contrôle a été confié à la société PWC). En cas de maintien du vote électronique, l’Etat doit prendre en charge le coût de ce contrôle, ce qui allonge d’autant la facture du vote électronique.

En conclusion, il s’agit d’éviter de réitérer la situation de 2014, lors de laquelle la Belgique s’est ridiculisée sur la scène internationale. En outre, il faut impérativement trancher la question du financement : qui paie quoi, et comment ?

VII. Service communal de Woluwe-Saint-Pierre :

M. Stéphane Van Vlieberge

M. Stéphane Van Vlieberge se propose d’évoquer les aspects de terrain du système de vote électronique avec ticketing. L’orateur rappelle qu’il a été pendant 21 ans le responsable informatique de la commune de Woluwe-Saint-Pierre dont il est maintenant le receveur. C’est dans cette compétence qu’il a mis en place le vote électronique depuis 1999. D’abord avec le système Jites. En 2012 et 2014 avec le système Smartmatic, soit deux élections. Woluwe-Saint-Pierre a utilisé le vote électronique Jites durant 10 élections.

En ‘94 et en ‘95, la commune a été reprise dans un projet pilote. Le matériel utilisé depuis est devenu vétuste. Il faut savoir que notamment le système de lecture des cartes magnétiques qui comporte ce que l’on peut appeler un gros élastique qui faisait rentrer la carte s’est usé après 15 ans. Il s’agit d’une usure mécanique, même si à chaque élection les machines électroniques n’ont servi que pendant deux ou trois jours. Le fait de les avoir stockées génère des soucis tout comme avec une voiture que l’on n’utilise pas. En outre, l’ancien système fonctionnait avec des disquettes de trois pouces un quart sur lequel on stocke 1,44 Mb. Ceci est dérisoire comparé aux systèmes modernes sur des clés USB tels que repris dans le système Smartmatic.

Woluwe-Saint-Pierre compte 41.131 habitants, dont 23.900 électeurs. Les élections se déroulent sur un ensemble de 26 bureaux. Ceci représente 26 machines de président avec urne ainsi que 161 machines à voter. Le nombre de machines est variable en fonction des locaux. Les classes des écoles se remplissent à cette occasion de toutes sortes d’objets. Les bureaux sont variables en taille. Il existe par ailleurs du matériel de réserve : 4 machines de président et 19 machines à voter. Ceci pour éviter la disparité dans le matériel. Par le passé la commune avait été obligée de racheter du matériel pour faire face à la croissance démographique.

L’inconvénient majeur du système de vote électronique est de nature financière. Des réunions entre responsables informatiques des 19 communes ont lieu. Ceci a permis de réfléchir en commun sur les avantages et les inconvénients des différents systèmes. Il n’y a quasiment que des avantages au système du vote électronique ! Les inconvénients sont marginaux par rapport aux avantages.

L’année 2012 a été une période pilote pour le système automatique. La commune a corrigé une série de choses depuis. Entre les élections de 2012 et 2014, il y a notamment eu des simplifications. Ainsi, on n’encode plus dans le logiciel dans la machine du président, la composition des membres du bureau de vote ; ceci permet de gagner du temps.

En 2014 aucune panne n’a été signalée au niveau du logiciel Smartmatic.

On a observé des demandes d’assistance administrative et juridique de la part des présidents de bureau. Ces derniers sont formés ainsi que les secrétaires de bureau. Il y a de nombreuses questions sur le vote avec procuration, comment remplir le procès-verbal du président de bureau, comment procéder pour les personnes qui sont accompagnées dans l’isoloir, quelle est la différence entre accompagner et assister quelqu’un, comment appliquer la règle de trois pour calculer le nombre de personnes présentes, etc.

Changer un rouleau de papier d’une imprimante peut poser problème. Certains présidents de bureau ont peu l’habitude de manier les nouvelles technologies. Ils demandent alors l’assistance d’un technicien. Il y a là vraiment rien de grave qui mérite d’être étendu sur la place publique.

Le système de vote électronique de la nouvelle génération se démarque aussi par sa simplicité. Aujourd’hui les écrans ont 19 pouces. Ce sont des machines avec un écran plat tactile. Il n’y a plus de crayon optique à manier perpendiculairement par rapport à l’écran. On peut manier l’écran avec son doigt et les cases sont assez grandes. Il n’y a pas de problème non plus au niveau de la taille des doigts. Les écrans tactiles sont des machines qui pèsent moins lourd que les anciens écrans. La manutention s’en trouve grandement facilitée. Elles sont placées dans des valises sur roulettes. Elles sont empilables. Que des avantages par rapport à la version précédente Jites ! Il y a donc deux et pas cinq générations d’ordinateurs pour le vote électronique comme certains l’ont prétendu. Il y a seulement la génération de 1994 et la génération de 2010.

Le contrôle démocratique est identique à celui du vote papier. Un électeur ne contrôle pas grand-chose dans n’importe quel système. Dans un vote papier, il met son bulletin dans l’urne et c’est tout. Ce sont les électeurs en tant qu’assesseurs qui peuvent effectuer le contrôle démocratique. Un président avec un secrétaire et cinq assesseurs est à même de contrôler ce qui se passe. Des systèmes de contrôle ont été mis en place dans le système de première et de deuxième génération. Avant d’ouvrir le bureau, des votes de référence sont organisés. Le président et ses assesseurs procèdent à des votes tests, qu’ils notent sur du papier. Ils impriment le bulletin pour pouvoir vérifier à la fin de l’élection si tout correspond à ce qui a été émis comme vote lors de l’ouverture du bureau. Dans le système seconde génération ceci a été maintenu.

Les électeurs ont la possibilité de relire le vote qu’ils ont émis sur la dalle tactile ainsi que sur le bulletin papier qui a été imprimé. Si cela ne correspond pas, les électeurs peuvent recommencer leur vote. D’après la loi ils peuvent y procéder à deux reprises. Il a été donné comme instruction au président du bureau que les électeurs peuvent recommencer à deux reprises et si nécessaire trois fois. Sans doute faudrait-il modifier la loi sur ce point. Des cas se sont produits où le papier a été déchiré lorsque l’électeur le détachait à la sortie de l’ordinateur. Tant que la personne semble de bonne foi, le président du bureau de vote peut lui permettre de recommencer. Dans les faits, on n’a jamais été au-delà de trois fois sauf pour M. Stéphane Van Vlieberge qui avait demandé de recommencer (à titre de test).

Il existe un contrôle démocratique à plusieurs niveaux. Souvent on dispose dans les communes de personnes qui ont une formation en informatique et qui sont parfaitement à même de comprendre les systèmes utilisés. On compte des programmeurs-analystes dans de nombreuses équipes. C’est d’ailleurs ce qui a permis de dresser une liste de corrections et d’améliorations ou de suggestions en termes d’ergonomie à propos des systèmes utilisés lors de la phase pilote en 2012.

En 2012 et sur une base volontaire, deux bureaux ont été recomptés avec le juge de paix en tant que président du bureau principal de Woluwe-Saint-Pierre. Tous les bulletins ont été réencodés sur d’autres machines et totalisés avec un autre scanner : la validation a été de 100 %. Mme Zoé Genot demande à préciser si ce recomptage a été fait au moyen d’un scannage ou bien entièrement manuellement. M. Stéphane Van Vlieberge confirme que l’on n’a pas recompté « à l’ancienne ». En 1982, les élections communales de Woluwe-Saint-Pierre ont été tout simplement annulées, et ceci dans le cadre d’un vote papier. Depuis le vote électronique jamais des élections n’ont dû être refaites à Woluwe-Saint-Pierre.

Mme Zoé Genot en convient et se demande si l’on n’a jamais connu le vrai résultat des élections.

M. Stéphane Van Vlieberge indique par ailleurs la précision du vote électronique. Le vote papier n’est pas en mesure d’empêcher le panachage qui est interdit. Ceci n’est pas possible avec une version électronique. Le lecteur reste cantonné à la liste qu’il a sélectionnée.

Par ailleurs l’orateur souligne la rapidité d’obtention des résultats ce qui permet d’éviter les nuits passées à compter les bulletins. Errare humanum est. Il n’est pas toujours facile de compter correctement les voix de préférence avec le vote papier. Lors des élections de 2014, tout était terminé à 22h12 avec le vote électronique.

Ensuite l’orateur évoque la gestion de la complexité des opérations de totalisation et de dévolution des sièges qui se fait au moyen d’un logiciel appelé « Codi ». Il vient de toute manière après le système de vote papier. Il n’est pas évident de trouver les personnes capables de procéder à un calcul manuel.

M. Stéphane Van Vlieberge évoque ensuite quelques facteurs clés de succès au niveau opérationnel. La taille des bureaux de vote est importante. En Flandre la moyenne des bureaux de vote comporte cinq machines à voter. À Woluwe-Saint-Pierre 3 bureaux ont compté 5 machines à voter, 16 bureaux 6 machines à voter et 7 bureaux 7 machines à voter. S’il existe une souplesse par rapport au nombre de machines à voter utilisées dans un bureau, cela permet de faire face à l’augmentation démographique et de rajouter une machine à voter dans un quartier particulier sans devoir créer un bureau entier supplémentaire.

Par rapport aux 10 dernières élections électroniques qu’a connues la commune de Woluwe-Saint-Pierre, M. Stéphane Van Vlieberge note pour la dernière élection un retard pris dans la transmission des instructions, documents ou circulaires.

C’est une bonne chose que la commission du Parlement bruxellois se réunisse aujourd’hui afin d’envisager l’avenir du vote électronique et pour prendre les décisions en temps utile. Le contrôle et la mise en place du système doit se faire à temps pour pouvoir l’organiser correctement.

Il faut tenir compte des délais pour la publication des circulaires et des modalités pratiques de préparation des marchés publics. M. Trouveroy a indiqué qu’il existe un accord-cadre au niveau de la Région bruxelloise. Il existe des délais pour la mise à disposition des logiciels. Ils sont différents de ceux pour la fabrication du matériel. Ces éléments ont un impact sur la formation des présidents de bureau et des secrétaires de bureau qui reçoivent une formation administrative juridique et technique. Il existe des essais pour la population qui souhaite se familiariser avec le système. La commune de Woluwe-Saint-Pierre a une longue tradition de projets pilotes et dans sa bibliothèque communale sont mis à disposition des appareils pour tester les nouveaux systèmes de vote.

Enfin, l’orateur renvoie à un document distribué aux membres qui indique brièvement les dix étapes à suivre pour procéder correctement au vote électronique. Il faut insérer une carte à puce. Le ticket a une même longueur, indépendamment du nombre d’élections auxquelles l’on participe. Le billet est plié en deux ce qui évite que d’autres personnes puissent y jeter un regard. Il faut suivre les instructions sur l’écran qui est un écran tactile. L’avantage de l’électronique c’est que l’on est guidé dans les différentes étapes. Il n’est pas possible de voter sur plusieurs listes. Les votes non valables sont automatiquement rejetés. Il n’est plus question d’éliminer des bulletins de vote contraire aux opinions des uns et des autres pour cause de griffonnages accidentels ou non sur le bulletin. L’électeur remet la souche de vote dans une urne. Il a l’occasion de scanner le document. Ensuite l’électeur reprend sa carte d’identité. En conclusion : le système n’a rien de compliqué.

VIII. Collège d’experts chargés du contrôle du vote automatisé :

M. Emmanuel Willems

M. Emmanuel Willems rappelle ses fonctions de membre du Collège d’experts chargé du contrôle du vote automatisé. Il s’agit d’un certain nombre de personnes désignées par les assemblées parlementaires élues directement pour faire un certain nombre de contrôles sur les systèmes de vote automatisé et depuis peu, sur tous les systèmes informatiques qui interviennent dans la chaîne électorale.

Cette nuance est d’importance puisque, jadis, le Collège était uniquement compétent pour les systèmes de vote, mais pas pour les systèmes de collecte des candidats ni pour le système de publication des résultats.

À l’occasion des élections de 2014, il y a eu un changement au niveau de la législation fédérale. C’est alors que fut institué un Collège permanent. Il se réunit régulièrement pour suivre les évolutions et le suivi des recommandations du rapport. Des membres supplémentaires sont désignées par les assemblées à l’occasion des élections.

Une autre modification légale en 2014 consistait à étendre les compétences du Collège à tous les logiciels utilisés dans la chaîne électorale, depuis la collecte des candidats jusqu’à la publication des résultats.

Il faut en parler, car ce n’est pas encore le cas dans la loi qui règle la composition et les attributions du Collège pour les élections communales, et qui est uniquement désigné par le Parlement bruxellois. M. Willems plaide pour que tout comme pour le Collège désigné pour les élections européennes, fédérales et régionales, les compétences pour les élections communales du Collège soient étendues de sorte qu’il puisse contrôler la totalité des opérations.

Indépendamment du fait que l’on continue avec un système de vote électronique ou non, il y aura toujours de l’informatique. Il ne s’agit plus de revenir au boulier-compteur. Sans plaider pour tel ou tel système, M. Willems plaide en tous cas pour un organe de contrôle chargé des opérations informatiques à quelque niveau de la collecte ou de la publication du résultat que ce soit.

Si d’aventure, on continuait avec un système électronique et avec un collège chargé de son contrôle, l’orateur plaide également pour que le Collège institué au niveau fédéral ait un rôle à jouer. Il n’est en effet pas évident de regrouper les compétences et les connaissances nécessaires. Dès lors que ces compétences se situent déjà dans le Collège fédéral, il serait dommage que les Régions s’en passent.

D’ailleurs, au niveau des membres qui composent le Collège fédéral permanent, il y a des membres qui sont désignés par le Parlement bruxellois.

À propos des missions, ce collège est chargé de faire le contrôle du système de vote et des systèmes informatiques en général. Il ne lui appartient pas de concevoir, de valider ou de débugger les systèmes.

Ce travail fut commencé en 1999. La loi était relativement sommaire. Il a donc été nécessaire d’instituer les procédures propres du Collège. Il a été décidé ensemble jusqu’où le Collège voulait aller. Un certain nombre de recommandations faites dans les rapports précédents visaient à aller le plus loin possible afin d’étendre les compétences du collège.

Ces évolutions ont aussi mis en évidence qu’il était possible d’aller de plus en plus loin dans le contrôle. Concrètement, alors qu’au début le Collège ne pouvait faire des contrôles que le jour de l’élection entre l’ouverture et la clôture du bureau, des contrôles beaucoup plus étendus ont désormais lieu.

Depuis quelques élections, le Collège de contrôle procède à une retotalisation totale de tous les bureaux de vote électronique. À l’occasion des élections de 2012 où le système Smartmatic était utilisé pour la première fois, le Collège a aussi fait un véritable contrôle de recomptage sur base des informations textuelles, c’est-à-dire un recomptage qui n’est pas basé sur les codes-barres. Ceci fut fait pour deux bureaux de vote. Les résultats ont été concluants à 100 %.

L’opération a été refaite à l’occasion des élections de 2014 pour deux bureaux de vote. Deux erreurs ont été retrouvées dans chaque bureau contrôlé à cette occasion. Il s’agissait de deux bulletins qui n’avaient pas été scannés. Ceci ne remet pas en cause le système de vote électronique : c’est un élément de procédure Le Collège attire l’attention sur le fait que les procédures sont tout aussi importantes que la technologie. Les problèmes surgissent, quel que soit le système de vote (papier ou électronique), si les procédures ne sont pas respectées. L’erreur est humaine et elle n’est pas forcément intentionnelle.

Le Collège a toujours eu pour position d’essayer d’arriver à la conclusion que chaque vote unique et individuel avait été comptabilisé correctement de bout en bout de la chaîne. Qui n’a jamais entendu dire que lors du dépouillement papier, à quatre heures de la nuit, les chiffres ont été arrondis ? Dans ce cas chaque vote individuel n’est pas comptabilisé correctement de manière équitable de bout en bout de la chaîne électorale.

Concernant le bug de 2014, il est apparu que le problème est intervenu lors de l’enregistrement du vote sur la carte magnétique.

Pour faire une comparaison avec le papier, c’est comme si, sur un certain nombre de bulletins de vote, on avait renversé un encrier et que le vote d’origine était devenu complètement illisible. Il ne s’agit donc aucunement de falsification des votes. Les votes étaient irrécupérables. Pour cette raison, les présidents des circonscriptions ont décidé d’annuler ce qui se trouvait sur la carte magnétique parce que le contenu, incohérent (d’un point de vue légal [2]), ne représentait manifestement pas le choix de l’électeur.

Le reste relève de la pure spéculation. Certains statisticiens sont sans doute en mesure de tirer des conclusions sur ces 2.000 votes. Le Collège ne s’est pas aventuré sur cette piste.

Parmi les recommandations qui ont été formulées, il y avait très clairement celle d’abandonner l’ancien système. Le Collège avait mis en évidence les lacunes au niveau de ce logiciel et de son codage. Ce logiciel date et des sections du code avaient été réécrites à plusieurs reprises. C’est pourquoi le Collège s’était montré très critique.

La conception fondamentale du nouveau système est différente. La preuve papier qui est parfaitement contrôlable permet de totaliser les résultats sur la base de l’information textuelle. C’est difficile, mais c’est faisable.

Par le passé il y a déjà eu une expérience de ticketing à Verlaine et à Waarschoot. Elle consistait en la mise en place d’une urne d’un type spécial où le choix de l’électeur était imprimé sur un papier qui était présenté à travers une vitre à un électeur. Ce papier était coupé automatiquement et tombait dans l’urne. L’électeur n’avait donc pas la possibilité de manipuler le papier. En même temps son vote était enregistré sur une carte magnétique. Cette expérience prévoyait que le comptage se fasse sur base de bulletins papier. Ceci n’a pas marché. M. Willems était sur place à Verlaine pour le constater lui-même. Dépouiller des élections différentes sur un même bulletin pose de nombreux problèmes.

On a parlé de prix 15 fois plus élevé pour ce système, mais à ceci il faut répondre qu’il s’agissait là de prototypes développés à très peu d’exemplaires. Ce n’est pas le cas pour Smartmatic pour lequel le boîtier en plastique est particulier, mais est composé pour le reste d’éléments d’ordinateur standard. La machine du président est un laptop tout à fait standard. Il en est de même pour l’imprimante à laser.

Il convient bien entendu de savoir ce que contient le QR-code. Le Collège a formulé des recommandations à ce sujet. Il a été recommandé que le contenu de ce code ne soit pas compressé (en termes mathématiques et informatiques), qu’il ne soit pas crypté non plus, et qu’il puisse être décodé (même si la loi ne l’autorise pas dans le bureau de vote) par des outils standardisés disponibles par tout un chacun sur un smartphone ou sur une tablette. Ceci pose néanmoins quelques problèmes au niveau du secret du vote. Il s’agit d’empêcher que l’on sache ce qu’une personne a voté ou qu’on puisse le prouver à quelqu’un d’autre ce que l’on a voté.

Le Collège d’experts est partisan d’un système de vote qui soit aussi homogène que possible entre les élections différentes et entre les différents pouvoirs organisateurs. C’est une évidence même du point de vue du contrôle. Faire développer un système spécifique pour la Région bruxelloise pour 2018 et ensuite changer de système en 2019 ne paraît pas une bonne idée. C’est le chaos assuré au niveau des électeurs et de l’organisation au niveau des communes.

M. Willems fait ensuite part d’informations en réponse aux propos de Mme Genot à propos des votes nuls. Les votes nuls sont quasiment impossibles avec le vote automatisé. De ce fait, les procédures informatiques prévoyaient que les votes nuls et blancs étaient comptabilisés de la même façon et dans la même rubrique. Dans le rapport de 2010, il a été mis en évidence que tous les chiffres repris au niveau des PV des bureaux de cantons à propos des votes nuls et blancs étaient faux parce que les procédures étaient telles qu’il y avait de la confusion au niveau des présidents et que les encodages n’avaient pas été identiques pour ces valeurs-là.

IX. Échange de vues

Le Président remercie les intervenants et donne la parole aux commissaires.

M. Marc Loewenstein demande s’il est possible dans le système Smartmatic d’introduire sa carte pour plusieurs élections et de faire sortir trois bulletins de vote différents en fonction du nombre de scrutins.

M. Emmanuel Willems répond que c’est techniquement faisable. Ceci étant, en sortant de l’imprimante les trois documents seraient difficilement identifiables, car ils seraient fortement identiques. Ceci aurait pour effet des erreurs dans le dépouillement. Dans l’état actuel des choses, il ne serait pas possible de produire des documents de couleurs différentes comme c’est le cas pour le vote papier. À moins de recourir à des techniques d’impression très différentes ou des présentations très différentes. Aussi faut-il demander ce qu’on y gagnerait. Rappelons-nous que les bulletins ne sont pas imprimés en taille 14 avec des polices bien lissées.

M. Marc Loewenstein rappelle son souci de ne pas pouvoir identifier les votes. Ceci est parfois problématique dans des endroits où l’on compte très peu d’électeurs européens.

M. Emmanuel Willems répond qu’il existe d’autres méthodes que celles suggérées pour ne pas rendre identifiables les votes émis par les électeurs européens. L’idée avait été suggérée de faire des cartes à plusieurs couleurs différentes pour certains électeurs pour être sûr que le président ne se trompe pas. Lorsque pareil électeur entre dans son bureau de vote et que le président demande à haute voix à son assesseur de préparer une carte à puce pour électeur européen, il est clair que cet électeur est identifié par les autres personnes présentes dans le bureau.

M. Marc Loewenstein répond que son souci s’adresse plutôt au niveau du dépouillement. Que le bulletin muni d’un code-barres du seul votant européen soit identifiable et que le vote émis soit connu.

M. Emmanuel Willems répond que tous ceux qui participent au dépouillement sont tenus au secret. Le même problème se pose au niveau du vote papier.

M. Emmanuel De Bock souligne l’impossibilité de faire du panachage lors du vote électronique ce qui est bien le cas lors du vote papier. Cette erreur est assez courante. Le dépouilleur ne s’en aperçoit pas toujours. Le risque existe que certains dépouilleurs non neutres puissent intervenir dans le vote en faisant un trait ou en cochant quelqu’un de supplémentaire.

M. Emmanuel Willems ajoute que dans le cadre des élections de 2014 il y avait une nouvelle procédure de vote pour la chambre pour les Belges à l’étranger. Il a été témoin que le dépouillement a procédé à la sélection des votes nuls et valables en dépit de toutes les instructions reçues. Un deuxième tri fut nécessaire pour rectifier les erreurs intentionnelles ou non sur les bulletins.

Mme Zoé Genot se défend d’avoir omis d’évoquer les problèmes du panachage avec le vote papier. Les experts quant à eux ont très peu parlé du vote papier.

Mme Anne-Emmanuelle Bourgaux n’a jamais affirmé que le vote papier était dénué de toute erreur. Mais dans ce cas, il s’agit d’erreurs humaines et contrôlables par tout un chacun. Ce n’est pas le cas pour le vote électronique, qui est difficilement contrôlable. Les conséquences des erreurs sont également plus lourdes en cas de vote électronique : une erreur dans la programmation du vote électronique n’a pas les mêmes conséquences qu’une erreur dans le dépouillement du vote papier. Le bug de 2014 a illustré combien les problèmes posés par le vote électronique peuvent être lourds, qu’il est difficile de les détecter et ardu de les rectifier. Comment compenser ces lourds problèmes de contrôle, de complexité et de coût ? En dernière instance, la question est également d’ordre philosophique : « Fera-t-on plus confiance aux machines qu’aux hommes et aux femmes ? »

Mme Zoé Genot souhaite recevoir les informations par rapport au coût historique du vote électronique. Combien ont coûté toutes les différentes expériences à différents niveaux ? [3] Les prix donnés par Smartmatic ne tiennent très certainement pas compte de toutes les améliorations suggérées aujourd’hui par les commissaires.

Pourquoi la question du dépouillement n’est-elle pas plus explorée ? Ne pourrait-on pas voter sur papier et procéder à des lectures optiques des bulletins ? Nous ne sommes certes pas tenus d’en revenir à l’époque du petit crayon. En restant dans une maîtrise humaine, il doit être possible de rendre le dépouillement plus efficace. À ce sujet il existe des expériences à l’étranger dont nous pourrions nous inspirer.

Le rapport « BeVoting » avait suggéré l’utilisation d’urnes passives. Pourquoi ne pas avoir suivi cette recommandation ?

Le Président comprend les suggestions faites pour aller vers un compromis entre les différents systèmes. Il faudra examiner leur coûts leur faisabilité technique ainsi que les expériences à l’étranger.

M. Régis Trannoy répond à Mme Genot que les suggestions faites ont été expérimentées depuis 2012 et en 2014. C’est ce qu’on appelle le système « Depass » (pour Dépouillement assisté). C’est la société Stésud qui l’a développée (ceci sur la base de l’article 165 – dernier alinéa – du Code électoral qui permet l’utilisation de logiciel de comptage dans les bureaux de dépouillement, ceci après agrément de ces logiciels). Il s’agit d’encoder les bulletins de vote selon une méthode particulière. Il s’agit d’un double comptage plus complet que le simple dépouillement traditionnel des votes papier. Le résultat est sur une clé USB qu’il est possible d’intégrer au niveau du canton. Ceci permet d’éviter des erreurs de réencodage.

A ce sujet, le ministre wallon Paul Furlan a écrit au ministre de l’Intérieur fédéral Jan Jambon pour proposer que les administrations intéressées développent ensemble un tel logiciel de comptage pour le mettre à disposition des bureaux de dépouillement papier. Il souhaite que ce soient les autorités organisatrices des élections et non des entreprises privées qui mettent ce système à disposition des communes et des cantons. Le Fédéral est partant à ce sujet et entamera donc une coopération avec les autorités intéressées également.

M. Patrick Trouveroy ajoute que « Depass » n’est pas une lecture optique à proprement parler. Il s’agit d’encoder doublement les votes. Cela se fait au moyen d’un PC avec deux écrans. Le travail s’effectue un peu plus rapidement qu’un dépouillement classique. On gagne une demi-heure. Il est vrai que ce système peut fonctionner avec un document de vote papier tout à fait traditionnel.

M. Serge de Patoul observe à quel point les bulletins de vote s’agrandissent de fois en fois. Ceci pose des problèmes d’ordre pratique. Il y aura tôt ou tard une différenciation de traitement des listes et des candidats suivant le lieu sur le document où ils figurent. Ceci est source de nombreuses erreurs potentielles bien plus que le système électronique. Il est vrai par ailleurs que ce système pose des questions de garanties de sécurité. Ceci étant aucun expert n’y a fait allusion.

M. Julien Uyttendaele a une question en matière de sécurité informatique. Les ordinateurs, semble-t-il, sont classiques et ils ne sont pas connectés à Internet. Comment s’assurer que ces ordinateurs ne seront jamais connectés au net, par exemple au moyen de Wifi ? Dès lors l’ordinateur deviendrait une véritable église ouverte à tous les vents, piratable sans problèmes.

M. Emmanuel Willems répond que les machines à voter ne sont pas équipées de fonctionnalités réseau. L’ordinateur du président non plus. C’est aussi le cas pour le système d’exploitation. Il n’y a de disque dur, ni dans la machine à voter, ni dans celle du président.

Pour M. Thierrry Bingen le fait que les ordinateurs soient connectés ou pas ne constitue qu’un certain niveau de protection. Les centrifuges Siemens en Iran ont été détruites à distance sans que ces machines aient été connectées à un réseau. On peut prendre le contrôle d’un ordinateur sans qu’il soit connecté à un réseau.

Cette question est importante et l’on fait preuve de beaucoup de naïveté à cet égard. Jusqu’à présent, la Belgique a été bien protégée, et ceci pour une raison assez simple : personne ne s’y est intéressé. Nos communications téléphoniques par contre ont bien fait l’objet de « contrôles » par des puissances étrangères pourtant amies. Il a été difficile de s’en dépêtrer.

Quand on parle de sécurité informatique, il faut pas penser immédiatement aux gamins du coin de la rue, mais bien à des spécialistes qui sont des gens sérieux, compétents et parfois mal intentionnés.

Pourquoi ne pas interroger un vrai expert : Edward Snowden. Chacun le connaît et ce serait l’occasion de lui accorder l’asile politique. Il vous expliquera comment l’on peut en quelques minutes détruire le système de vote électronique. M. Bingen est disposé à lui offrir le billet d’avion.

Mme Zoé Genot rappelle que l’expérience hollandaise avait été arrêtée suite à des problèmes de sécurité. Le secret du vote n’était pas garanti. Leur système était-il en réseau ?

M. Thierrry Bingen répond que leur système était particulièrement maladroit. Les autorités hollandaises ont vite décidé d’arrêter les expériences. Il est vrai que l’on songe à s’y remettre aux Pays-Bas. Il n’y a personne dans les démocraties que nous respectons qui joue avec ce genre de choses. Il y a eu des tentatives en Allemagne. Elles ont été évacuées non pas pour des raisons budgétaires ou techniques. Les principes du droit rappelés par la cour constitutionnelle à Karlsruhe ont permis de rejeter une fois pour toutes les gadgets en matière de vote électronique.

Mme Anne-Emmanuelle Bourgaux comprend que tout un chacun soit impressionné par la taille du bulletin de vote à Bruxelles. La question n’est cependant pas de savoir si ce document sera maniable ou non : des solutions pratiques peuvent être trouvées si on prend le temps de réfléchir. Elle se met à la disposition de la commission pour ce faire. Plus généralement, la question n’est pas la taille du bulletin mais comment rendre accessibles aux citoyens les élections en Région bruxelloise. Nous avons un document peu lisible, et pour y remédier, on choisirait le vote électronique ? Le vote électronique est un faux remède pour un problème plus fondamental : la lisibilité des élections, la difficulté de trouver des assesseurs, la visibilité des enjeux électoraux, la compréhension des institutions, etc. Il faut redonner du sens aux élections ! C’est sur ces questions qu’il faut réfléchir et non croire que le vote électronique leur apporterait des réponses. Si l’on supprime le bulletin papier parce qu’il est compliqué pour l’électeur, supprimera-t-on bientôt les élections parce qu’elles sont compliquées pour eux aussi ?

M. Serge de Patoul est d’avis qu’un problème pratique en l’occurrence n’est pas lié à une question de compréhension du vote. Il s’agit de savoir si une personne dans son isoloir peut retrouver aisément sur un document le nom d’une personne pour laquelle elle veut voter.

Mme Anne-Emmanuelle Bourgaux ne partage pas ce point de vue. Il existe bel et bien un problème de motivation, d’accessibilité et de lisibilité des élections pour les citoyens qu’il serait judicieux d’affronter et non de masquer en compressant le bulletin dans des machines de vote.

Mme Zoé Genot rappelle qu’à Saint-Josse la moitié des gens doit se faire accompagner dans l’isoloir pour être en mesure de voter. Ils ne sont donc pas autonomes et il existe donc un problème d’accessibilité.

M. Serge de Patoul rétorque que c’était également le cas pour le vote papier. Aucun chiffre, aucune statistique n’est disponible à ce propos. Nous parlons ici d’impressions et de sentiments, de perceptions. Il faut admettre qu’à Bruxelles, il y a énormément de candidats. Est-ce réellement une solution de faire voter les gens pour des partis au lieu de les faire voter pour des candidats ? La question est de nature philosophique : comment concevoir la démocratie ?

M. Stefaan Cornelis souhaite savoir s’il existe également une évaluation des 150 ans de vote papier. Il doit bien avoir une raison pour qu’on soit passé tout à coup au vote électronique.

Mme Corinne François renvoie à la page 6 de la note qui a été distribuée, où sont examinées les conséquences d’un retour au vote papier.

Le coût est de 35 centimes par bulletin de vote.

Il faut prévoir un coût de 275.000 euros TTC pour l’impression des bulletins pour le vote papier. Dans les communes bruxelloises, il n’existe plus aucune connaissance pour organiser ce type de vote papier. Il faudrait former à nouveau le personnel. Il faudra trouver des locaux supplémentaires. On ne peut faire voter que 800 électeurs par bureau. D’un rapport conjoint de la Chambre et du Sénat du 9 juillet 2008, il ressort que pour l’ensemble du pays il a fallu faire appel à 16.000 personnes pour compter les votes (aspect jetons de présence). Il n’est pas si difficile d’en estimer le coût. L’AVCB estime que ce n’est pas la piste à privilégier.

M. Stefaan Cornelis souhaite savoir s’il existe une évaluation du vote papier datant d’avant le vote électronique.

Mme Corinne François répond que tous ces rapports, qui existent certainement, n’ont pas été comparés sous cet angle. La note de l’AVCB se limite à analyser les différents systèmes et le retour au vote papier suite au bug de 2014.

Le Président rappelle à quel point le débat et les auditions autour de ce sujet sont importants. Le délai qui nous sépare des élections est tel qu’il faut se prononcer. Ce débat n’est pas secondaire. Il est important au moment où le politique est tellement suspecté de tous les maux. Ceci mène à confier le gouvernement à des experts, des politologues ou bien des people dans les magazines. Il ne convient pas de sous-estimer l’importance de ce débat. Il n’est pas achevé. Il faudra en débattre ultérieurement en tirant un certain nombre d’enseignements. Un rapport de ses auditions sera fait. Il n’est pas exclu que la commission réentende certains experts et d’essayer d’atterrir pour la fin de l’année afin de se prononcer une fois pour toutes. La Région bruxelloise sera la dernière à le faire.

Ceux qui disposent d’une documentation par exemple sur des techniques alternatives à l’étranger sont invités à la transmettre secrétariat. Pour pouvoir étoffer l’idée d’un retour au vote papier, en tout cas dans le débat pas nécessairement dans les conclusions, il faudra répondre un certain nombre d’inquiétudes qui ont été exprimées à juste titre.

Le Président termine en remerciant les invités.

X. Clôture des débats

La commission décide de clore l’échange de vues et de publier un rapport.

– Confiance est faite aux rapporteurs pour la rédaction du rapport.

Les Rapporteurs,

Emmanuel DE BOCK

Julien UYTTENDAELE

Le Président,

Charles PICQUÉ


[1Commentaire : via le contrat-cadre mentionné, le SPRB est en relation contractuelle avec Smartmatic. Les prix et les délais pour l’achat de machines – par exemple – sont déterminés par ce contrat. Il est possible de travailler avec une autre société, mais cela implique de relancer un marché public. Et donc de tenir compte des délais pour ce marché et les délais de développement.

[2Le vote contenait le nom d’une liste, mais le type de vote (tête de liste, effectif(s), suppléant(s), effectif(s) et suppléant(s)).

[3Cfr. commentaire supra : renvoi vers l’audit de la Cour des comptes qui sera prochainement publié.