16/08/2017: FAQ 2018 (13 questions)
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1. Comment votera-t-on en Belgique lors des élections communales et provinciales d’octobre 2018 ?
Les anciens systèmes électroniques sans trace papier seront abandonnés partout.
A Bruxelles, tous les électeurs devront utiliser un système de vote électronique avec ticket. En Flandre, au moins 60 % des électeurs devraient voter avec ce même système, les autres avec le système traditionnel (vote « papier »). En Wallonie on devrait voter partout de manière traditionnelle (vote « papier »), sauf dans les communes germanophones, où les responsables politiques ont décidé d’utiliser le système de vote électronique avec ticket.
2. Pourquoi ces différences selon les Régions ?
On vote de manière différente dans les trois Régions depuis 1991. Cela s’expliquait au début par le fait qu’on a commencé par expérimenter des systèmes de vote automatisés dans quelques cantons. Ensuite, quand l’État fédéral a poussé à la généralisation de ces systèmes, les décisions ont varié selon les Régions, en partie pour des divergences d’opinion concernant l’automatisation des opérations électorales, en partie pour des raisons financières, car les frais supplémentaires qu’occasionne l’automatisation des opérations électorales sont en grande partie supportés par les Régions.
3. Le système de vote électronique avec ticket coûte-il plus cher que le système traditionnel ?
Cela ne fait aucun doute, même si les responsables politiques ne fournissent pas de chiffres globaux. Sachant que, selon les chiffres officiels fournis en 2005, l’ancien système électronique sans ticket coûtait déjà trois fois plus cher que le vote « papier », il ne fait aucun doute que le système de vote électronique avec ticket, plus sophistiqué puisqu’il implique en plus, entre autres, l’utilisation, dans chaque isoloir, d’une imprimante, occasionne encore plus de frais.
4. Le système de vote électronique avec ticket n’est-il pas plus fiable que le vote « papier » ?
Pour répondre à cette question, il est nécessaire d’analyser les procédures prévues par la loi qui encadrent le vote.
Dans le cas du vote « papier », un volumineux code électoral assure le contrôle du vote à chaque étape. Ce contrôle est effectué par des citoyens-électeurs, ce qu’exige la démocratie.
Dans le cas du vote électronique avec ticket, les procédures prévues par la loi ne sont pas encore toutes connues pour les prochaines élections (à Bruxelles). La loi actuelle varie en fonction des Régions : la Région bruxelloise ne s’est pas contentée de copier celle en vigueur en Flandre pour le vote électronique avec ticket. À Bruxelles, le comptage manuel des tickets d’un bureau de dépouillement sera obligatoire pour chaque commune, mais les modalités ne sont pas encore arrêtées : qui va recompter les tickets ? Des citoyens, des fonctionnaires, des employées d’une firme privée ? Quand et comment le bureau à recompter va-t-il être choisi ? Un autre souci est qu’en cas de non-correspondance entre le code QR (code barre en 2 dimensions, lu à l’aide d’un scanner) et la partie « dactylographiée », la seule lisible par les citoyens (du moins ceux aux yeux perçants : le texte imprimé est d’une taille minuscule), selon la loi, c’est le code QR qui prévaut. En l’état, le système de vote électronique avec ticket n’est pas fiable : il n’y a pas de contrôle citoyen possible. Il faudrait donc modifier et préciser les procédures légales pour que le système de vote avec ticket soit démocratique. Lors des élections précédentes utilisant le système de vote électronique avec ticket, d’autres problèmes ont été constatés tels que des erreurs de vote du fait d’écrans tactiles trop sensibles. Enfin, la loi ne prévoit pas les cas où des électeurs, candidats ou non, pourraient contester les résultats, ni les procédures à appliquer en cas d’invalidation des résultats.
5. Quelles sont les opérations du vote « papier » qui assurent le contrôle effectif du vote par les citoyens ?
Épinglons notamment :
chaque électeur est en mesure de vérifier que son bulletin de vote (en papier) contient uniquement l’expression de son vote ;
le président et les assesseurs du bureau de vote (désignés par le juge de paix du canton électoral) ainsi que les témoins de liste sont en mesure de vérifier que chaque électeur ne vote qu’une fois par élection ;
au moment de la clôture des votes, les urnes sont scellées en présence du président et des assesseurs du bureau de vote ainsi que des témoins de liste ;
elles sont transportées, sous scellés, vers le bureau de dépouillement ;
elles sont descellées par le président et les assesseurs du bureau de dépouillement, en présence de témoins de liste ;
le comptage et la totalisation s’effectuent par et sous la responsabilité des présidents et assesseurs du bureau de dépouillement en présence de témoins de liste.
les témoins de liste ont la possibilité d’effectuer la totalisation des résultats en collationnant les résultats partiels obtenus dans chaque bureau de dépouillement.
Dans le cas du vote électronique avec ticket, ces vérifications par les citoyens-électeurs ne sont pas possibles.
6. À quelles conditions le système de vote électronique avec ticket pourrait-il être acceptable d’un point de vue démocratique ?
Le système de vote électronique avec ticket pourrait éventuellement être acceptable au regard des critères d’une élection démocratique , si la prise en compte, l’interprétation, la comptabilisation et la totalisation des votes étaient placés sous le contrôle effectif des citoyens–électeurs et non sous celui des seuls techniciens (qu’ils appartiennent à des sociétés privées ou qu’il s’agisse de fonctionnaires). Ce contrôle citoyen pourrait prendre la forme d’un comptage manuel, effectué par des citoyens-électeurs, de tous les tickets générés par les ordinateurs de vote dans un nombre significatif (au moins 10 %) de bureaux de vote déterminés aléatoirement à l’issue du scrutin. S’il était constaté une différence entre le comptage manuel et la comptabilisation automatique, c’est la comptabilisation manuelle qui devrait prévaloir. La loi devrait également prévoir le décompte manuel dans tous les bureaux de vote où aura été utilisé le système automatisé au cas où des différences entre comptages manuels et totalisations automatiques étaient constatés dans un nombre important de bureaux (par exemple plus de 10 % des bureaux soumis à ce contrôle citoyen). Si la loi prévoyait tout cela, la condition fondamentale d’une élection démocratique, à savoir le contrôle effectif des opérations électorales par les citoyens-électeurs, serait rencontrée. Reste à savoir l’intérêt qu’il y aurait encore dans ce cas à dépenser tant d’argent public pour « faire moderne ». De plus, d’un point de vue pratique, ce contrôle citoyen du résultat des élections ne pourrait être réalisé efficacement avec les tickets tels qu’ils ont été utilisés jusqu’ici car ils sont difficilement manipulables et écrits en caractères minuscules.
7. Avec le dépouillement manuel, n’y a-t-il pas déjà des possibilités de fraudes ou d’erreurs ?
Le dépouillement manuel est fait par des citoyens-électeurs qui se contrôlent les uns les autres et dont le travail est surveillé par des témoins de partis. Nous ne prétendons pas que ce système n’engendre jamais d’erreurs. Mais la procédure, très codifiée et contrôlée, les limite énormément. Quant aux fraudes, elles ne sont possibles qu’exceptionnellement et à petite échelle car pour qu’elles aient lieu, il faut que l’ensemble ou au moins une grande proportion des personnes présentes dans un bureau de dépouillement soient complices, ce qui, vu la manière dont est constitué le bureau de dépouillement (en général sept personnes désignées par un juge de paix) et la présence de témoins choisis par les responsables des différentes listes de candidats en présence, apparaît comme hautement improbable. De plus, les résultats d’un vote « papier » peuvent toujours être vérifiés à nouveau par un recomptage. Les fraudeurs prennent donc clairement le risque de se voir sanctionnés.
8. Mais le décompte par machine n’est-il tout de même pas plus fiable que le décompte manuel ?
Dans le cas du système de vote électronique avec ticket, comme la totalisation des codes QR est effectuée par des machines et qu’à ce jour, la loi ne prévoit aucun comptage des tickets par des citoyens-électeurs, seuls les présidents de bureau de dépouillement (à Bruxelles) et des spécialistes sont (peut-être) en mesure de vérifier que les choix des électeurs sont respectés. Le contrôle des opérations électorales échappe entièrement aux citoyens-électeurs.
Les machines n’ont que la fiabilité qu’on leur donne. Il est très possible que de nombreuses erreurs de fonctionnement, engendrant des résultats non conformes aux choix des électeurs passent inaperçues. Les erreurs ne sont constatées que si elles font apparaître des résultats aberrants ou absurdes ; il est évident qu’une telle méthode de détection ne capte que très partiellement les erreurs réellement produites. Dans le cas d’un résultat surprenant (non conforme aux sondages, par exemple), on ne pourra jamais savoir s’il s’agit d’erreurs, de fraude ou de l’expression de la volonté réelle des électeurs. Et comme à quasi chaque élection des erreurs aberrantes ont été constatées , nous considérons qu’il est naïf de supposer que d’autres erreurs n’existent pas, uniquement parce qu’elles sont impossibles à constater.
9. On utilise bien des ordinateurs ou le téléphone pour des sondages !
Parfaitement ! Notre objection est justement que le vote électronique réduit les élections démocratiques au niveau d’un sondage. Or les sondages n’ont pas de valeur légale, contrairement aux élections. Les résultats d’un sondage n’engagent personne. Comme ils ne sont ni fiables ni contrôlables, ils n’ont qu’une valeur indicative. On sait qu’ils sont manipulables. Les élections, par contre, sont la base de la démocratie. Elles ont une valeur légale qui leur est attribuée par la Constitution et les lois. C’est par ce seul moyen que s’exerce la souveraineté populaire, fondement de la démocratie. Sans élections démocratiquement contrôlées et surveillées par les citoyens-électeurs, il n’existe aucune garantie que les élus soient réellement les représentants choisis par le peuple. Le système de vote électronique en vigueur actuellement en Belgique prive les citoyens-électeurs du pouvoir de contrôler leurs élections et remet celui-ci dans les mains de quelques personnes (les techniciens des firmes privées et quelques experts... désignés par le pouvoir en place...) qui peuvent à elles seules déterminer les résultats du scrutin électronique. Même partant de l’idée que ces personnes ont une éthique irréprochable, on ne peut accepter ce type de fonctionnement dans un État démocratique. Les erreurs ne sont constatées que si elles font apparaître des résultats aberrants ou absurdes ; il est évident qu’une telle méthode de détection ne capte que très partiellement les erreurs réellement produites. Dans le cas d’un résultat surprenant (non conforme aux sondages, par exemple), on ne pourra jamais savoir s’il s’agit d’erreurs, de fraude ou de l’expression de la volonté réelle des électeurs.
10. J’utilise souvent une carte magnétique pour retirer de l’argent aux distributeurs de billets. Je n’ai jamais eu de problème...
Cette carte est en principe tout aussi « manipulable » que celle du vote, mais elle ne sera pas manipulée car chaque utilisateur peut exercer un contrôle grâce aux extraits de compte bancaire qu’il obtient systématiquement. La banque sait qu’il n’est pas souhaitable pour elle qu’il y ait distorsion ; elle veille donc à ce qu’il n’y ait pas de problème, et prendra soin de corriger les erreurs si elles existent quand même. De plus, il n’y a pas de secret entre la banque et ses clients.
Notre vote, par contre, est secret : si la machine enregistre autre chose que notre volonté, même si la machine nous fournit un ticket qui indique notre choix, comme c’est le code QR, illisible pour nous, qui est seul pris en compte, nous ne pouvons pas savoir si notre choix sera pris en compte. C’est la raison pour laquelle le vote doit être enregistré sur un support inaltérable vérifiable par l’électeur et vérifié par les membres du bureau de dépouillement et les témoins de partis présents pour être démocratiquement valable.
11. J’ai compris qu’il y a moyen de tricher avec les machines, mais je ne vois pas pourquoi quelqu’un le ferait...
Nous ne disons pas que quelqu’un a « triché », ni même que quelqu’un aurait eu l’intention de le faire, car comme ce système est incontrôlable par des non spécialistes, nous ne pouvons pas le constater. Mais en tant que citoyens-électeurs, nous sommes chacun responsables du bon fonctionnement - donc du contrôle - du processus électoral. Avec le système actuel, tricher sans être surpris est théoriquement possible. Car, à part (peut-être) les techniciens des firmes productrices des systèmes informatiques et les membres du collège des experts désignés par les parlements, personne n’est en mesure de prouver une quelconque malversation. Si vous retirez les serrures d’un local, vous augmentez les risques de vol. Retirer les serrures n’est donc pas une bonne idée, même si vous pensez que personne ne viendra voler. Car si vous laissez les portes ouvertes suffisamment longtemps, un voleur en profitera, tôt ou tard. La seule inconnue est : quand ?
Faites un parallèle avec les risques que présente un vote invérifiable par les personnes les plus concernées, celles qui émettent leur vote.
12. Pourquoi ne prévoit-on pas, au moins pour les électeurs résidant à l’étranger, de pouvoir voter par Internet ou par SMS ? Cela économiserait le prix des machines à voter, éviterait la mise en place des bureaux de vote, les déplacements...
Sans doute mais on rencontrerait les mêmes problèmes que ceux posés par le vote électronique sans ticket. De plus, il s’agirait d’une forme de vote « à distance ». Or le vote à distance (électronique ou non) ne permet pas de garantir le secret du vote : il ouvre la porte aux pressions extérieures, familiales notamment, ou même à la vente de votes « au marché noir ». Garantir le secret du vote n’est possible que si l’électeur vote dans un isoloir situé dans un lieu public prévu à cet effet, de manière à ce que chacun puisse constater que le votant était bien seul dans l’isoloir et que personne d’autre que lui n’a pu être témoin de son vote. Le vote à distance pose, en outre, un problème complexe quant à la vérification de l’identité de l’électeur.
13. Quelle(s) alternative(s) « démocratiquement responsable(s) » proposez-vous ?
L’association PourEVA (Pour une Ethique du Vote Automatisé) n’est pas contre le progrès. Une proportion élevée de ses membres émane d’ailleurs du monde de l’informatique et, plusieurs d’entre eux travaillent justement au progrès technique dans notre société. Mais tout progrès technique doit être réalisé en fonction d’une autre fin que le progrès technique lui-même. Dans le cas du vote électronique tel qu’il existe actuellement en Belgique, on a sacrifié à un prétendu progrès technique deux fondements de notre système démocratique : la garantie du secret du vote et la possibilité pour les électeurs de contrôler eux-mêmes les élections. Notre système de démocratie représentative trouve en effet sa légitimité dans le principe de souveraineté populaire qui ne s’exerce vraiment que le jour des élections. Si c’est le pouvoir en place et/ou des firmes privées qui contrôle(nt) seuls les opérations de vote, l’exercice de la souveraineté populaire n’est plus garanti.
La machine doit rester au service des buts que l’Homme lui assigne et non pas les soumettre à sa logique propre. Nous ne voulons pas conserver le vote papier traditionnel à tout prix et nous sommes certainement ouverts à la possibilité que les citoyens soient un jour assistés par des machines lors des opérations de vote et/ou de dépouillement. À condition que soient sauvegardés les principes d’une élection honnête : sauvegarde de la liberté du vote par la garantie du secret de celui-ci et contrôle des opérations électorales par les électeurs eux-mêmes. C’est à ces fins que le Législateur a établi, pour ce qui concerne le vote papier, une loi électorale extrêmement détaillée. De longues années de luttes politiques intenses ont été nécessaires pour que soient enfin garanties les conditions d’élections libres et honnêtes. L’introduction de machines n’est acceptable que si elle s’accorde au respect de ces conditions. Or le système de vote électronique avec ticket, tel qu’il sera imposé à une majorité des électeurs en Belgique lors des prochaines élections, les bafoue indubitablement. Et l’existence d’un « collège d’experts » qui reconnaît lui-même qu’il dispose de peu de moyens de contrôle et qui, de plus, est désigné par les institutions en place, ne peut en aucun cas remplacer ce contrôle citoyen.
Les modalités du système de vote et de dépouillement traditionnels, qui devraient subsister lors des prochaines élections dans toute la Wallonie (sauf les communes germanophones) et dans un nombre important de communes flamandes, nous servent donc de référence. Nous n’excluons pas qu’il soit un jour possible de concevoir des systèmes techniques pour assister les citoyens et assesseurs dans les opérations de vote et/ou de dépouillement, mais nous pensons que cela n’est pas le rôle d’une association citoyenne comme PourEVA de concevoir ou de mettre au point ces systèmes. Notons toutefois que plusieurs membres de notre association ont consacré un temps considérable à essayer de répondre à ce défi. Ils ont pu constater que cela n’est pas une tâche facile de concevoir un processus avec des machines dont les agissements soient entièrement contrôlables par tout citoyen-électeur sachant lire, écrire et compter. Aujourd’hui, seuls les systèmes traditionnels de vote et de dépouillement garantissent ce respect. Ce n’est pas pour rien, que, à part l’Estonie, tous les autres États européens qui s’y étaient essayé, ont aujourd’hui renoncé à poursuivre dans la voie de l’automatisation des opérations électorales. Ne jetons pas la proie pour l’ombre ! La démocratie et son bon fonctionnement sont trop importants pour garantir la paix civile.