03/03/2018: Élections communales et provinciales du 14 octobre 2018 : un système électoral indigne d’une démocratie
Communiqué de presse de PourEVA
Depuis 1991, la Belgique a « expérimenté » différents systèmes de vote électronique. Depuis lors, des défaillances ont été constatées lors de CHAQUE élection. Depuis 1999, elles ont été recensées dans les rapports des collèges d’experts désignés par les différents parlements. Ce qui prouve la faillibilité de ces systèmes [1].
Le « bug » des dernières élections (25 mai 2014) fut particulièrement grave puisque, dans les communes bruxelloises où étaient utilisées des machines à voter sans ticket, il a fallu attendre trois jours pour que des résultats soient proclamés et que les autorités responsables ont été obligées d’avouer qu’à Bruxelles 2.250 votes n’ont pas pu être pris en compte dans le calcul des résultats (chiffre qui n’a pu être vérifié par aucun témoin des listes de candidats) [2]. Ce spectaculaire dysfonctionnement a entraîné – enfin ! – la décision d’abandonner partout le système de vote électronique sans ticket.
En octobre 2018, en Wallonie, on votera « papier » à nouveau partout, sauf dans les communes germanophones. Par contre, à contre-courant de l’évolution que l’on constate dans la grande majorité des États de l’Union européenne, les responsables politiques des autres Régions ont décidé de poursuivre dans la voie électronique... avec tickets. Tous les électeurs bruxellois [3], ceux des neuf communes germanophones ainsi qu’environ 60 % de ceux de Flandre sont concernés.
Le couteux système de vote avec ticket, qui a déjà été utilisé en 2012 et en 2014 en Flandre et dans deux communes bruxelloises n’offre pourtant pas la transparence qui s’impose dans une démocratie digne de ce nom. Car si l’électeur est en mesure de lire le texte imprimé sur le ticket que lui fournira la machine à voter, c’est le code « Datamatrix », présent sur le même ticket mais illisible pour lui, qui sera « lu » par l’urne électronique comptabilisant les votes [4].
En Flandre, la loi ne prévoit aucun recomptage des tickets. À Bruxelles, la nouvelle ordonnance qui encadre cette forme de scrutin stipule que le président du bureau principal aura l’obligation de procéder à un recomptage manuel des résultats électoraux pour un bureau de vote par commune. Mais elle ne prévoit aucune participation de citoyens-électeurs autres que le président du bureau principal à cette opération. Elle ne dit même pas ce qu’il y aura lieu de faire en cas de différence de résultat avec le comptage électronique. De qui se moque-t-on ?
Le président du bureau principal peut en outre décider seul de ne pas tenir compte des "bulletins de vote qu’il estime être de nature à violer le secret du vote" ou "dont le texte du vote est illisible ou dont la concordance entre le texte et le code à barres n’est plus vérifiable" (article 22 de l’ordonnance bruxelloise) [5].
Dans ces circonstances, l’ajout de tickets au système de vote électronique n’est donc qu’un leurre pour mettre les électeurs « en confiance », sans pourtant leur donner la moindre possibilité de contrôler réellement les opérations électorales. Contrairement à ce qui se passe pour le scrutin « papier », la loi encadrant ce système ne donne aucun moyen aux témoins des partis présentant des candidats de vérifier les résultats des élections.
De notre point de vue, un tel système de vote électronique avec ticket ne pourrait être acceptable au regard des critères d’une élection démocratique que si la prise en compte, l’interprétation, la comptabilisation et la totalisation des votes étaient placés sous le contrôle effectif des citoyens–électeurs et non, dans les faits, sous celui des seuls techniciens, qu’ils appartiennent à des sociétés privées ou qu’il s’agisse de fonctionnaires.
Ce contrôle citoyen pourrait prendre la forme d’un comptage manuel effectué, comme pour les scrutins « papier », par des citoyens-électeurs désignés par les juges de paix (ou mieux, tirés au sort) et sous la surveillance de témoins des partis présentant des listes de candidats. Ce comptage devrait concerner tous les tickets générés par les ordinateurs de vote dans un nombre significatif (au moins 10 %) de bureaux de vote, déterminés aléatoirement à l’issue du scrutin. S’il était constaté une différence entre le comptage manuel et la comptabilisation automatique, c’est la comptabilisation manuelle qui devrait prévaloir. La loi devrait également prévoir le décompte manuel dans tous les bureaux de vote où aura été utilisé le système automatisé au cas où des différences entre comptages manuels et totalisations automatiques étaient constatées dans un nombre important de bureaux (par exemple plus de 10 % des bureaux soumis à ce contrôle citoyen). Si la loi prévoyait tout cela, la condition fondamentale d’une élection démocratique, à savoir le contrôle effectif des opérations électorales par les citoyens-électeurs, serait rencontrée. Notons tout de même que, d’un point de vue pratique, ce contrôle citoyen du résultat des élections ne pourra être réalisé efficacement avec les tickets tels qu’ils sont conçus actuellement car ils sont difficilement manipulables et écrits en tout petits caractères.
Reste à savoir l’intérêt qu’il y aurait encore, dans ce cas, à dépenser tant d’argent public pour « faire moderne ».
[3] L’argument le plus souvent avancé par les autorités politiques de la Région de Bruxelles pour justifier la décision de persévérer dans l’automatisation des opérations électorales est que, vu le nombre de listes et de candidats particulièrement élevé dans la capitale, un retour au vote papier aurait nécessité des bulletins de vote de trop grande taille. Cet argument n’a pourtant pas empêché les autorités d’une autre grande ville, à savoir Liège, où l’on votait précédemment électroniquement, de revenir au vote papier. A lire à ce sujet : Le vote papier est-il possible à Bruxelles ?